Alexandrina de Balasar

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SES ÉCRITS

Les écrits d’Alexandrina constituent l’un des éléments qui plaide le plus en sa faveur : ils composent un très gros volume [1]. Rien que les lettres à son Directeur spirituel représentent plus de mille pages. Dans tous ces écrits transparaît un esprit très équilibré, un sens commun très affiné, une parfaite simplicité pleine de dignité, sans aucune ombre de mièvreries ni détours d’amour-propre. Ils sont surtout caractérisés par leur  richesse doctrinale et, je dirais même, par leur valeur littéraire.

Il n’est pas facile de trouver des pages qui explique aussi bien, aussi vivement et aussi clairement ce qu’est la réparation vécue et les souffrances de l’âme-victime, unie à la Victime du Calvaire. Ces pages constituent un splendide poème des miséricordes du Seigneur envers les pécheurs, et il y a en elles la plus belle expression des extrêmes de générosité et des ardeurs enflammées que peut atteindre un cœur humain, avec l’aide de Dieu, dans l’amour du Christ et des âmes.

Par sa correction, vivacité, nouveauté des images et originalité d’expression, elles lèguent aux lettres un vrai monument.

Et cela a une très grande portée, car, en premier lieu, une simulatrice ou une hystérique ne serait pas capable d’une telle œuvre, surtout si nous tenons compte qu’Alexandrina vécut plus de trente ans dans une continuelle et atroce souffrance et sans presque s’alimenter, et dans les dernières treize années de sa vie dans un jeûne total, comme nous l’avons vu ; sachant encore, en second lieu, que son instruction primaire fut des plus rudimentaires, on peux mieux se rendre compte de l’influence très grande reçue d’en-haut. Ce qui se confirme, si nous remarquons que, en tant de pages écrites au milieux de tant de grandes souffrances et sans brouillon, on n’y trouve pas la moindre erreur doctrinale.

C’est la conclusion de tous ceux qui ont pu apprécier quelques passages des lettres d’Alexandrina, par exemple, le chanoine Docteur Molho de Faria, professeur au Séminaire de Braga, que nous a écrit la lettre suivante : [2]

Braga, le 2 mars 1943.

« J’ai lu la lettre que V. R. a eu la bonté de nous envoyer et les extraits des écrits d’Alexandrina concernant la Consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie. Donnez-nous, je vous en prie, beaucoup plus de détails sur ce sujet, car la cause sainte l’exige.

Par les lettres que vous avez eu l’obligeance de me prêter, j’ai pu apprécier et admirer son esprit de simplicité et sa totale confiance en Dieu.

Il y a tant de beauté et d’exactitude, en certains passages de réelle difficulté théologique que, sachant leur origine, on ne peut pas ne pas y voir, clairement, le doigt de Dieu.

Alexandrina a des expressions et des images d’une telle sublimité, qu’en les lisant, on est contraint d’y reconnaître une provenance très haute.

P Molho de Faria ».

Mais, la meilleur preuve de ce que nous affirmions plus haut, c’est de lire ces écrits. Reproduisons donc ici quelques extraits de lettres envoyées à son Directeur spirituel :

Le 29 juillet 1939 :

« Mon âme est morte et mon corps aujourd’hui semble vouloir suivre le même chemin. Les affaires de Notre-Seigneur ont été la cause de grandes souffrances. La vue s’affaibli et parfois même il me semble perdre tous les sens. Mais, pire encore ce sont les souffrances de l’âme. Quelle mort si affreuse ! L’abandon est terrible ; je n’ai jamais pensé qu’il puisse exister de telles sortes de souffrances pour l’âme. Je souffre, mais je souffre heureuse ; je souffre par amour de mon Jésus. Aujourd’hui, après l’avoir reçu, je lui disais : “— Bénis soient vos souffrances, Jésus ; combien j’ai à vous remercier ! Je souffre avec peine, mais la douceur qu’elles procurent, je la savourerai au Ciel. J’ouvre mes bras pour les accepter, je vous confie mon cœur afin qu’il ne soit qu’à vous seul”. Oh ! mon Père, si vous saviez combien j’ai souffert cet après-midi, dans l’anxiété d’aimer et de donner des âmes à Jésus ! Je ne sais pas m’exprimer : je ne tenais pas en mois. J’aurais aimer posséder des millions et des millions de mondes, et aller négocier : acheter des âmes pour mon Jésus ; donner un monde contre chaque âme, afin qu’ainsi, des millions et des millions d’âmes aiment Notre-Seigneur.

J’aimerais tant voir l’amour brûler dans les âmes, j’aimerais vois tous ces mondes brûler dans les flammes de l’amour divin, même si moi-même je devais passer au milieu de ces flammes, afin de convaincre les âmes. J’aimerais savoir mieux l’expliquer, mais je n’y arrive pas. A la fin de ces ardeurs si fortes et si douloureuses, j’étais si froide et me sentais un néant ! Je craignais mon état et tout ceci me semblait une imposture. Pardonnez-moi ;
Je suis la pauvre Alexandrina ».

Puis, le 29 août 1939 :

« J’escalade une haute montagne. Combien elle est abrupte, combien elle est épouvantable ! Je monte, sans même voir mon chemin, si grande est l’obscurité. Plus je monte, plus encore j’ai à monter : je n’en vois pas la cime. Qu’est-ce que cette montagne ? Mon âme et mon cœur sont déjà fatigués, mais je ne puis m’arrêter, il faut je monte toujours, sans savoir où je vais.

Aujourd’hui je n’ai pas entendu les récriminations de Notre-Seigneur, mais j’ai beaucoup souffert. Seule la mort régnait ; quelle grande affliction ! Il me semblait être morte pour Jésus et Jésus mort pour moi. Mon Dieu ! Mon Dieu ! si ma mort peut donner la vie, si ma tristesse peut procurer de la joie, si mes ténèbres peuvent procurer de la lumière, je veux rester morte, je veux être triste et rester dans l’obscurité, afin que les âmes vivent et soient heureuses en Vous, mon Jésus, afin qu’elles s’embrasent et s’illuminent aux rayons de votre amour. Oui, mon Jésus, je veux tout, tout ce que vous voudrez ; donnez-moi des souffrances afin que je puisse Vous les offrir et Vous consoler. Ou souffrir ou mourir, afin de vous aimer au ciel de cet amour qui me satisfait : mon ambition est d’aimer et de souffrir : je ne veux pas d’autre richesse.

Adieu, mon Père, ces paroles ont fait altérer mon cœur : je ne puis les répéter [3].

Pardonnez-moi,
Toujours la pauvre Alexandrina ».

Le 19 octobre, nous pouvons lire encore :

« Il me semble être piétiné par une bête féroce ! C’est épouvantable ! Elle a la taille du monde entier. Elle tombe sur moi, essaye de me dévorer ; je semble si minuscule comparée à elle ! Tant de rage, tant de furie sur aussi petite chose ! Il me semble impossible de vivre, de pouvoir résister à tant de souffrance. Que d’heures, que de jours m’attendent !  Peu de jours me séparent de ma crucifixion (le vendredi). Mon Dieu, combien j’ai peur !  Je crains que Notre-Seigneur ou la chère Mãezinha disent aux saintes personnes que tout ceci ne vient que de moi ; que tout ce qui m’arrive n’est qu’une grosse imposture.

Je ne sais comment cela peut se faire : je suis dans cette tribulation et je sais que je ne veux tromper personne ; que je ne veux pas être une manipulatrice, je veux que tous me connaissent (c’est-à-dire : que personne ne se trompe sur elle). A un certain moment de l’après-midi pour un peu je demandais à mon Jésus de me procurer quelque soulagement, que je n’en pouvais plus. Mais soudain je me suis souvenue que j’étais victime, que je ne pouvais pas demander de soulagement : j’ai repris courage et, j’ai résisté. Il me semble ne pas avoir consolé en rien mon Jésus.

Je ressens le mépris de Notre-Seigneur ; on dirait qu’Il ne me reconnaît plus. Oh ! mon Père, combien je souffre, après avoir communié, de cette indifférence de Notre-Seigneur et de la mort total qu’Il me fait ressentir : je meurs pour le monde, je meurs pour Dieu. Pour le monde je bien mourir, mais je veux vivre pour Vous, mon Jésus, pour Vous consoler et aimer ! Je veux soulager votre divin Cœur et celui de la chère Mãezinha. Laissez, mon Jésus, laissez la chère Petite-Maman arracher, avec tendresse, de vos divins Cœurs les épines qui vous blessent. Je veux que mon cœur en soit toujours criblé, qu’il agonise de douleur et qu’il saigne jusqu’à sa dernière goûte : que moi je souffre, mais pas Jésus et Marie ! Je veux être victime d’amour… »

Une autre lettre encore, celle du 19 novembre 1939 :

« Comme le petit oiseau, sans abri, sans s’arrêter, déjà fatigué de tant d’efforts, sans une branche où se poser, sans le moindre repos, je tombe à terre : la poussière et la boue m’enveloppent. Quel accablement, quelle révolte je ressens en mon âme ! Il est inutile de penser au salut. Aussi sale que je suis, ce n’est même pas la peine d’essayer de m’approcher de Jésus ; d’ailleurs, son divin regard ne semble pas me reconnaître. Je suis un monstre recouvert de lèpre, je cause dégoût : mon mal est incurable. Mon Jésus m’ignore ;  je n’ai plus cette beauté qu’Il m’avait donnée ; j’ai tout perdu.

Oh ! mon Père, je dis ce que je sens : j’arrive à me convaincre que j’ai vraiment perdu Jésus pour ne plus jamais Le retrouver. Quelle ténébreuse nuit habite mon âme ! Une telle obscurité et la tristesse dont le monde est enveloppé me font peur. Celui-ci n’est qu’un amas de malices et de misères. Mais, ce monde c’est moi : j’occupe tout l’univers. Il me semble que le monde est dans le même état qu’il était avant que Dieu ait créé la lumière : c’est ce que mon âme ressent, même si je ne sais pas comment il était alors. Alors, tous les maux sont plongés dans cette ténèbre : c’est suffisant pour apeurer et consterner ma pauvre âme. Je décourage, je soupire, j’appelle mon Jésus et la douce Mãezinha ; ils semble ne pas m’entendre, car je ne vaux rien.

Si malgré tout j’avais de l’amour, je l’offrirais à mon Jésus, pour le remercier de tant me faire souffrir, de m’avoir choisie pour être sa victime. Pauvre de moi, vouloir aimer et ne pas savoir comment me procurer de l’amour : vouloir tout donné à mon Jésus et rien avoir à lui offrir !

Oh ! mon Jésus, laissez-moi au moins mendier, demandant à ces cœurs qui vous aiment et savent vous aimer, afin qu’ils vous aime un peu pour moi. Laissez-moi demander à tous ceux qui souffrent, afin qu’il souffrent par amour pour vous, n’ayant qu’un seul but : celui de vous consoler et de sauver des âmes. Jésus, Jésus, laissez-moi demander à tous vos enfants de n’employer aucun mouvement de leur langue que dans l’intention de vous louer. Vu que je ne sais rien d’autre, ô mon Jésus, je vous donne tout, je vous demande tout ;  et comme je n’ai rien su dire, je reste dans ma détresse et dans ma tristesse. Mais, c’est pour vous.

Adieu, mon Père, rien ne saurait satisfaire les aspirations de mon cœur, les désirs de mon âme. Quelle douloureuse souffrance.

Pardonnez-moi, je suis la pauvre Alexandrina ».

Le 19 décembre 1939, elle écrivait :

« Je veux que l’on me connaisse ; ma malice ne peut qu’être découvert. J’ai tellement offensé Jésus ! Mais maintenant je veux le dédommager : je veux l’aimer pour le temps où je l’ai offensé, mais mille et mille fois plus d’un amour sans limites, d’un amour sans fin. Je vais accepter toutes les souffrances avec joie. C’est au coût de ma souffrance que je ferai en sorte que Jésus soit aimé des âmes qui ne l’aiment pas. Je veux être fille de la douleur et mère de l’amour : fille de la douleur, afin de ne pas arrêter de souffrir tant que je vivrai sur la terre ; mère de l’amour, afin d’aimer et de faire aimer sur la terre et dans le ciel. Oh ! mon Père, mon cœur est si petit pour pouvoir contenir le désir que j’ai d’aimer Jésus ! Quand même il serait si grand que l’univers, il ne les contiendrait pas. L’amour, l’amour surmonte tout !

J’aimerais bien, si Jésus le voulait, pouvoir crier, jour et nui, au monde entier : Aimez Jésus ! Aimez la Maman du Ciel ! L’amour ne craint pas les difficultés et ils sont dignes du plus grand amour. Combien j’aimerais sentir mon cœur battre à l’unisson de tous les cœurs du monde, brûlant avec eux de la même flamme, pour  rassembler ainsi tout l’amour dont Jésus est aimé dans le Ciel, afin de lui offrir, ainsi qu’à la Mãezinha et à la Sainte Trinité. Oh ! mais je sens bien qu’après cela mon cœur ne serait pas encore rassasié. (Voyons maintenant cette élévation magnifique). Je voudrais des mondes, des millions de mondes unis dans un seul amour. Mais, malgré cela, j’irais encore à la recherche de nouveaux mondes, mendier de l’amour pour Jésus. Oh ! mon Père, us j’avance, plus encore je veux avancer. Il me semble que je brûle, mais recouverte par la douleur. C’est ainsi que cette journée se passe pour moi. Je voudrais tant dire et je finis par ne rien dire du tout. Je demande à la Mãezinha que la seule chose que je ne veux pas faire c’est de vous tromper… »

Et encore, le 9 janvier 1940, elle écrivait :

« Mon âme est broyée et tout ce qui m’entoure n’est que ruines. Je me sens écrasée par un poids énorme. La lumière n’existe pas ; je reste dans une nuit nostalgique et triste. On dirait que les jours clairs sont ceux qui me blessent le plus. Le soleil ne peut pas percer mon obscurité. Le chant des oiseaux est pour moi comme des épées qui pénètrent mon cœur. Il n’y a pas de joie pour moi, car ma tristesse est une tristesse mortelle. Je sens comme si le monde entier était mort dans mon âme. On dirait que je vais tomber dans le désespoir. Mon Dieu ! Mon Dieu ! je veux vous aimer pour toujours, et ne jamais vous offenser ! Jésus, ne me laissez pas tomber ; je ne peux pas m’en sortir toute seule. Aidez celle qui confie en Vous. Je veux des fleurs pour vous offrir, mais je ne veux les cueillir qu’au milieu des épines. C’est par amour pour toi que je veux vivre blessée !... Oh ! mon Père, combien cela coûte de vouloir aimer Jésus et de le voir aimé de tous et de ne pas avoir de l’amour et savoir que Jésus n’est pas aimé ! J’ai beaucoup parlé avec Lui et avec la Mãezinha, mais toujours dans la souffrance ; aux derniers instants pourtant, j’ai pu jouir d’un moment de soulagement. La douleur qui blessait mon cœur est disparue pendant un court instant. Mais bientôt tout repris son cours. J’ai repris le même chemin. Qu’il soit béni car c’est Jésus qui l’a choisi.

Pardonnez et bénissez la pauvre Alexandrina.

Le 13 du même mois, elle écrivait :

« Il faut mettre un terme à mes plaintes. En effet, je ne sais que dire que je souffre, il me semble qu’il sera mieux de ne plus rien dire à ce sujet. Je ne me comprends pas moi-même : je ne sais pas comment je pourrais réduire à néant ce néant que je suis et qui me fait horreur par sa misère. Oh ! vie qui es si amère ! Comment puis-je vivre encore ?

Mon cœur est en train d’être broyé. Les meules de ce moulin on la taille du monde ; le moulin n’arrête pas de moudre ; la souffrance ne s’arrête pas non plus. Oh ! mon Jésus, je veux être écrasée, bien broyée par amour pour vous, telle est ma volonté. Je n’ai rien d’autre pour vous prouver que je vous aime ; je veux la douleur et, que de ma bouche, malgré l’amertume, autre chose ne sorte que ceci : Tout par amour pour Toi ! La douleur est ma gloire, et dès ici-bas mon trésor. Je dépose le tout entre vos mains afin que vous le distribuiez à qui vous voudrez.

Puis, après avoir communié, Il m’a dit quelques mots. Mon âme s’est éclairée, pour peu de temps : juste le temps pendant lequel Jésus m’a parlé. Puis, de nouveau, la nuit est tombée. La douleur pénétrait profondément mon cœur et un immense poids continua de me broyer. Voici les paroles de Notre-Seigneur :

— Ne crains pas, ma fille, aie courage ! Ta douleur et ta croix purifient les âmes, les approche de mon Cœur. Ta pureté, ton amour sublime, inclinent vers toi Jésus, la Très Sainte Trinité et la très chère Mãezinha : ravissent le Paradis…

Oh ! mon Père, je dis cela parce que ma conscience me l’impose, elle ne sais se taire : il faut que j’obéisse en tout et pour tout. Je veux en tout accomplir la volonté de mon Jésus ; mais il me semble que tout est faux. Jésus ne m’a rien dit et ne veux même pas de moi. C’est ce que je ressens.

Pardonnez-moi, je suis la pauvre Alexandrina ».

Deux jours plus tard, le 15 janvier 1940, elle écrivait :

« Les rayons de soleil de ce matin était autant de flèches pénétrant mon cœur. Oh ! comme j’aurais besoin qu’il n’y ai pas de lumière que dehors tout ne soit qu’obscurité, afin que tout ressemble à mon âme ! C’est une guerre, c’est un combat entre la lumière du jour et les ténèbres de mon âme.  Mais par moments tout semble se transformer en ténèbres, aussi bien au dehors qu’à l’intérieur de mon âme… Oh ! mon Jésus, je tombe, je tombe défaillante. Mon néant et ma misère me font peur. Oh ! ce que j’ai été et ce que je suis !

Les doutes persistent. Je ne crains que de vous tromper et de me tromper moi-même. Ce fut au milieu de cette lute que j’ai reçu aujourd’hui mon Jésus. Mon âme ressemblait à un noir nuage qui se déchirait. Et Jésus m’a dit :

— Éloigne-toi, éloigne-toi de Moi. Éloigne-toi, va en enfer ! Les condamnés et les démons tes accusateurs seront tes compagnons. Éloigne-toi pour toute l’éternité. A ton Créateur tu as préféré mon ennemi, Satan.

Je suis devenue un monstre d’abomination (quelle force d’expression : seule celle qui le sent au vif peut ainsi s’exprimer).

Je sentais les démons maltraiter mon âme. Pauvre de moi ; si Jésus ne me soutenait pas, je serais morte de peur. Mon Jésus, mon Jésus, soyez avec moi, car sans vous je ne peux rien, mais avec vous je ne crains rien. Si votre Bonté et votre prédilection me manquaient, je serais pire que tout l’enfer. Je veux être un terrible monstre, je veux tout entendre de vous lèvres, afin que les pauvres pécheurs ne l’entendent pas. Je suis votre victime, Jésus [4]. Que votre amour règne ; c’est lui qui me fait vaincre. Oh ! mon Père, la douleur me consomme, mon cœur saigne, mais je crois, j’aime et j’ai confiance. Il me semble être perdue et certainement que je le suis, mais dans mon Jésus… »

Plus tard encore, le 14 novembre 1940, elle écrivait ceci :

« Mon voyage continue en dessous du monde [5]. Tout le poids qu’il renferme est mort, c’est donc la mort qui me recouvre. Cette carnage me fait peur, me fais frissonner et trembler. Tout est glacé et mon être est mort gelé. Ô mon Jésus, par amour pour vous, je veux vivre et mourir glacée, pour que le feu de votre amour incendie et brûle les cœurs de vos créatures, et qu’elles puissent y vivre et mourir aussi.

Combien cela sera beau ! Rien que d’y penser il me semble voir déjà au ciel tous les cœurs brûlant dans une seule flamme ! Oh ! amour de mon Jésus, allumez ce feu dans mon cœur, afin que je puisse le répandre sur la terre et la brûler aux rayons de votre amour ! »

Ayant parlé d’amour elle ressentit de vives ardeurs, des élans douloureux qu’elle explique aussitôt après :

« Oh ! mon Père, que cette souffrance blesse tant mon cœur ! J’ai envie de m’envoler vers Jésus, mais plus je vole, plus j’ai envie de voler et, plus je veux m’approcher de Lui, plus il se cache, plus il s’éloigne, jusqu’à disparaître, me laissant comme s’il n’existait pas pour moi ».

Admirons maintenant la beauté de ce qui suit :

« Je reste comme une petite colombe battant des ailes : je ne veux pas descendre, mais je n’ai pas force pour aller plus haut, ô mon Jésus, ô mon amour, ayez pitié de ma douleur. Ne me laissez pas tomber ; donnez-moi la force d’aller à la rencontre de votre divin Cœur et d’y reposer éternellement.

Oh ! mon Père, quelle douleur, quelle souffrance ! Je n’ai plus la force : je cherche Jésus mais je ne le trouve pas. Je meurs de douleur, je défaillis et je tombe. Je n’en peux plus…

Pardonnez-moi, je suis la pauvre Alexandrina ».

Le 12 février 1940, elle écrivait de nouveau :

« Je suis écrasée par la douleur. Cela ne sert à rien de tendre les bras et de demander de l’aide ; personne ne se soucie de moi. Mon cœur est blessé et saigne constamment. La souffrance d’aujourd’hui est la même que celle d’hier matin, de la fin de l’après-midi et de la nuit. Les tourments que pâtit mon cœur sont des plus divers. En recevant Jésus je ressens un feu qui me consomme ; il brûle en de vives flammes, il brûle mais il est recouvert de cendres noires, des cendres d’un deuil triste et mortel. En d’autres occasions je sens qu’il est broyé par un cylindre routier ; tout devient poussière, tout est réduit à néant.

Mon Jésus, volontiers j’accepte d’être ce néant par amour pour vous ! Être néant, pour faire quelque chose ; être néant pour donner vie aux âmes ; souffrir tous les martyres, pour que les âmes soient sauvées.

Je doute, je suis remplie d’incertitudes, dans la plus grande obscurité. Mais, dans ces denses ténèbres, je vois mon épouvantable néant et le monde entier en ruines et désordres. Le monde c’est moi : tout est représenté en moi. Oh ! mon Jésus ! Quelle tristesse et quelle horreur.

Voulez-vous savoir ce qui ce passe dans mon cœur, malgré les tristesses et les angoisses ? Il éprouve des anxiétés, de vives anxiétés. Il est tombé dans une sorte de léthargie, il n’a plus de force pour s’envoler : il est par terre.

Je me sens comme la petite colombe blessée par le plomb. Elle ouvre ses ailes, les bat, mais les bat contre terre : la blessure l’empêche de s’envoler  Mais je voudrais crier bien fort à Jésus que je l’aime. J’aimerais pouvoir, de ma propre main, arracher mon cœur, malgré les flammes qui le brûlent, et aller le placer dans le Cœur de mon Jésus et lui dire : voici la preuve de mon amour ; gardez le pour toujours. Il est à vous et à la tendre Petite-Maman !

Ah ! mon Père, je sens que je suis l’image de la petite colombe dont j’ai parlé plus haut. Le plomb m’a blessée de partout. La douleur est constante. Plongée dans la tristesse il me semble agoniser. Tout me semble mensonge, même ce que Jésus m’a dit hier qu’au prix d’un petit coup d’ailes je me serait reposée en Lui pour toujours. On dirait que jamais je ne pourrai voler et que je ne Le possèderai plus.

J’ai passé la nuit très malade et toujours éveillée. Malgré ma souffrance, je me sentais étroitement unie, par de fortes chaînes, à Jésus au très Saint-Sacrement. Volontiers j’accepterais de ne plus jamais dormir une seule minute pour veiller avec Jésus-Hostie.

Adieu, pardonnez à cette inconsolable qui a besoin de toujours écrire pour parler de Jésus… »

Le 13 mars 1940, elle écrivait à son Directeur spirituel :

« C’est dans la douleur, le doute et l’angoisse que je me suis préparée ce matin à recevoir mon Jésus. Quant Il est descendu dans mon âme, combien grand ont été mes élans d’amour ! Mais tous ces élans sont restés ensevelis sous l’énorme douleur qui me submergeait : Je ne savais ni pouvais dire autre chose que : Mon Jésus, je veux vous aimer, mon Jésus, je veux vous aimer ! Je murmurais cela continuellement, sans ressentir pourtant le moindre amour. J’étais inquiète et désolée. Notre-Seigneur est venu et m’a dit :

— Paix, ma fille, paix en ton âme ! Tu m’aimes d’un amour pur et embrasé, dans lequel le monde entier pourrait brûler. Courage, car le Ciel t’attend dans peu de temps. Reçois les caresses de Jésus et de ta Mãezinha.

La douleur que je ressentais auparavant est disparue. Elle est pourtant revenue subitement me causant un,e souffrance encore plus aiguë. Je me trouvais si blessé et broyée ! Les élans amoureux avaient repris, mais le poids écrasant ne les laissait pas prendre le dessus. Mais je voulais aimer Jésus. Pour lui donner la preuve de mon amour, j’aurais bien voulu ouvrir ma poitrine, arracher mon cœur et, avec de doux élans, des baisers les plus tendres et des rayons d’amour le plus embrasé, le jeter vers le ciel et lui dire : “Prenez-le, mon Jésus, il est à vous, il vous appartient et il ne désire que vous aimer”.

Cette preuve, toutefois, ne me semblait pas suffisante : je voulais d’avantage encore : mettre mon corps en miettes, y en prélever mon sang jusqu’à la dernière goûte. S’il était possible encore, extraire une mer de sang pour afin de pouvoir écrire moi-même, sur toute la terre : “Jésus, je vous aime ! Aimez tous Jésus !”

Oh ! mon Père, j’aimerais en dire d’avantage, mais je ne le sais point. Je reste inconsolable de ne pas pouvoir décrire mes désirs d’amour envers Jésus. Mes élans sont tous étouffés par ce monde noir qui m’écrase… »

Après ces sublimes paroles, nous en resterons là, non sans avertir que des lettres comme celles-ci il y en a un très grand nombre. La lecture de celles que nous avons transcrites doit permettre au lecteur d’y voir clairement le “doigt de Dieu”.

C’est la conclusion à laquelle sont parvenus ceux qui ont pu les lire. Ce fut le cas du docteur Molho de Faria, comme nous l’avons démontré plus haut.


[1] Le Père Pinho devrait dire : plusieurs gros volumes. Mais, lorsqu’il a écrit ces lignes, tous les écrits d’Alexandrina n’étaient pas encore dactylographiés. (Note du traducteur).

[2] Dans la cinquième édition du livre du Père Mariano Pinho, sj, celle que nous utilisons pour la présente traduction, ce paragraphe ne figure pas. Nous ignorons la raison exacte de cet “oubli”, mais nous la comprenons, car nous savons que le Chanoine Molho de Garcia fut l’un des plus acharnés détracteurs de la “malade” de Balasar. Il fut l’auteur d’un rapport très négatif, qui causa beaucoup de peine, non seulement à Alexandrina mais aussi à tous ceux qui étaient (et sont restés) ses plus enthousiastes défenseurs : le Dr Augusto de Azevedo, par exemple. Par la suite, le Chanoine Molho reconnu son erreur et devint à son tour un défenseur inconditionnel de la cause d’Alexandrina de Balasar. Son témoignage, lors de l’enquête canonique en vue de la béatification et canonisation d’Alexandrina le prouve. Nous avons donc décidé d’inclure ici la lettre qu’il adressa au Père Mariano Pinho, et que les Sœurs de Saint-Bonnet, qui ont fait la première traduction du présent livre, y ont incluse.

[3] Nous avons déjà expliqué le pourquoi de cette altération du cœur d’Alexandrina lorsqu’elle prononce le mot amour, le mot souffrir, et quelques autres…

[4] Elle répétait souvent cette phrase, parce que Notre-Seigneur lui avait dit que cela Lui faisait plaisir.

[5] Pour comprendre ces phrases si originales, il faut nous rappeler que Notre-Seigneur lui disait l’avoir faite victime pour le monde.
 

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