Lettres
Alexandrina Maria da Costa
II
1941 |
1er janvier
« Tu n’es pas seule... »
— Courage, ma fille, courage, épouse si chère !
Offre-moi
ta douleur, offre-moi ton martyre, ta croix sans pareille. Tu n'est pas seule
sur celle-ci, comme Je te le fais sentir : Je suis avec toi et veille sur toi,
ainsi que ma Mère bien-aimée. Te souviens-tu comment Elle t'est apparue dans la
nuit du 16 au 17 en Immaculée Conception, titre que toi tu aimes tout
particulièrement ? Elle est venue te réconforter, sans que tu le voies, Elle est
venue veiller sur toi, comme une mère empressée veille auprès de son enfant
endormi. Elle est venue te câliner et te couvrir de son manteau. Et toi, tu n'en
a pas parlé dans le Journal que tu as dicté: je ne veux pas que tu agisses
ainsi.
Avec une grande tristesse je lui ai dit :
— Pardonnez-moi, mon Jésus : j’ai douté de moi-même, je
craignais qu'il ne s'agisse que d'un rêve. O combien j'en suis attristée! Si
Vous me réprimandiez pour mes péchés, je ne serais pas davantage attristée.
— Je ne te réprimande pas pour tes manquements : ceux-ci
sont permis par moi ; mais Je te réprimande parce que Je veux que tu dises tout
ce qui se passe en toi : c'est pour le bien des âmes.
1er février
« La Maman veillait sur moi!... »
(...)
« Mon père, l'aurore de cette journée m’est apparue toute
gaie et souriante. Je sentais la douleur, mais celle-ci était rendue suave par
la Maman qui veillait sur moi... De nouveau j’ai senti son Manteau se déployer
sur moi et sur beaucoup d'âmes qu'Elle étreignait et unissait comme en une
seule : à toutes Elle dispensait sa tendresse, son amour. Mon cœur en reste
encore tout enflammé. »
21 mars
« Jésus m’a préparée à la souffrance... »
Jésus m’a préparée à la souffrance de mardi dernier. Je n’en
connais pas le motif. Sans doute parce que cette âme-là décidée à se réconcilier
avec le Seigneur est partie d’ici pour Braga ? Jésus le sait pour qui j’ai
offert mes souffrances et mes sacrifices afin que ce pécheur-là fasse une bonne
confession. La souffrance fut telle que je n’en pouvais plus. Je n’ai pas
ressenti de joie pour le retour de cette brebis. Mercredi, jour de saint Joseph,
j’ai reçu les couronnes que vous m’avez envoyée par l’intermédiaire de cet
homme. Certaines personnes ont éprouvé une grande en le voyant faire la
communion devant tous. A cette nouvelle, je suis encore restée dans la tristesse
et dans la mort : je n’ai pas eu un seul moment de satisfaction...
(...)
J’ai passé la fête de saint Joseph dans les ténèbres, sans
pouvoir voir le ciel mais toujours dans l’anxiété de donner des âmes à mon Jésus
et de parcourir le pays entier à leur recherche...
28 mars*
Examens médicaux...
Mon pressentiment au sujet de l’examen du docteur Abel
Pacheco est en train de se concrétiser. J’ai parlé au docteur Azevedo et il m’a
dit que celui-ci était presque indispensable, mais que je réfléchisse à la chose
devant le Seigneur. Si après cela je pensais ne pas devoir le faire, on ne le
ferait pas. Mais le Seigneur m’a donné ces sentiments “de me remettre entre
les mains des médecins comme Lui Il s’est remis jusqu’à la mort ; ce ne serait
que comme cela que mon sacrifice serait complet”.
— Que pouvez-vous me dire à ce sujet ?
5 avril
« Quelle tempête terrible... »
La journée d’aujourd’hui ne s’est pas écoulée sans qu’il ne
tombe sur moi une souffrance de l’âme et du cœur bien difficile à supporter. A
la tombée de la nuit s’est déchaînée une des plus terribles tempêtes. J’ai
commencé à ressentir une révolte et un très fort désir de m’imposer car les
médecins ne venaient pas pour leur examen, pour que je sois libérée de beaucoup
d’humiliations et de désagréments. Je sentais en moi une forte résistance, je ne
voulais pas me soumettre à la douleur ; je voulais tout souffrir à condition de
ne rien ressentir. C’est alors qu’est tombée sur moi toute la rage infernale :
j’ai compris que c’était l’œuvre du malin. Les démons étaient enragés, ils
voulaient engloutir mon corps tout entier.
J’en voulais surtout au docteur Azevedo; j’avais l’impression
de ressentir contre lui une haine de mort et c’était moi-même à vouloir le
mordre pour le mettre en morceaux et le broyer. Quelle tempête terrible! Ce
n’est que dans les bras de Jésus et de la Maman du ciel que je pouvais être sûre
de ne pas offenser mon Dieu.
Si le monde connaissait les embûches du démon, les pièges
qu’il prépare aux âmes pour les conduire au péché!... Je pense ne pas avoir
causé de peine à Jésus, parce que je ne veux que ce qu’il veut et ne jamais
l’offensé...
— Dis au Pape que Jésus, demande et ordonne de consacrer
le monde à sa Mère. Qu’il le Lui consacre rapidement, s’il veut que la guerre se
termine, rapidement s’il veut que le monde ait la paix.
6 avril
« Le médecin m’a écrit... »
(...) Le médecin m’a écrit pour me dire qu’il était allé à Braga
mais qu’il ne vous a pas trouvé ; mais qu’il vous écrira pour vous informer de
ce qui se passe. Il a déjà parlé au docteur Abel Pacheco lequel est prêt à venir
pour l’examen. Le médecin des maladies nerveuses ne vient pas et n’as pas assuré
non plus de venir par la suite. Je ne connais pas encore le jour où je serai
examinée. Me le communiquerez-vous ? Priez pour moi afin que Jésus me donne
courage...
25 avril
« Je voudrais fuir le monde... »
Mon Père, si seulement vous me donniez l’autorisation de
demander à Jésus le paradis au plus vite !... Ce n’est pas pour fuir la douleur,
mais parce que ma souffrance et la Crucifixion sont en train de devenir trop
connues. Je voudrais fuir le monde afin que personne d’autre ne me connaisse.
Oh ! Combien de tourments m’a apportée ma crucifixion ! J’ai tant de nostalgie
du temps où Jésus me parlait souvent et personne n’en savait rien de ma vie
sinon celui qui en avait le droit...
2 mai
« Je dois aller à Porto... »
Vers le soir pour combler ma souffrance, j’ai reçu du digne
docteur Azevedo la nouvelle que jeudi, premier mai, le docteur Abel Pacheco, de
Porto, allait venir pour pratiquer l’examen. Ce fut comme une lance qui m’aurait
traversé le cœur et, cruellement le clouant sur la terre nue. Et c’était contre
cette même terre que celui-ci saignait de douleur. Le lundi est arrivé et je
l’ai passé dans la même souffrance. Je voulais m’épancher de façon à expulser
hors de moi la crainte et la honte qui me tourmentaient. Je me suis souvenue que
c’était là une bonne occasion pour consoler et réparer pour mon Jésus, souffrant
en silence avec Lui ; je Lui ai offert le sacrifice du silence et je Lui ai
promis de ne pas en parler. Cela m’a été douloureux, mais avec Jésus j’ai
vaincu... J’ai préparé avec soin et joie le petit autel de la Maman chérie... Je
lui ai écrit une lettre et l’ai déposée à ses pieds pour le premier jour de son
mois. Je suis confiante qu’elle me fera tout ce que je lui ai demandé...
Le jeudi arriva ; ce fut bien triste : j’attendais les
médecins. Quel tourment! J’ai dit trois fois: “Premier mai, comme tu es
pénible ! Qu’arrivera-t-il encore avant la fin ?”
A la Communion j’ai offert le sacrifice que je devais
affronter; je l’ai offert pour ces âmes qui s’en vont chez les médecins dans le
but de pêcher et d’offenser Jésus. J’ai imploré la force du Ciel ; j’ai demandé
la lumière et l’amour de l’Esprit Saint, le secours de la très Sainte Trinité,
celle de Jésus Eucharistique, celle de la Petite-Maman, ainsi que celles de
saint Joseph, de sainte Thérèse, de sainte Gemma, etc.
L’heure arriva et j’ai été examinée.
Les souffrances du corps mon été douloureuses, mais celles de
l’âme aussi.
Quelle humiliation ! Aussitôt que les médecins sont partis,
je voulais pleurer; exprès, j’ai caché mes larmes. J’ai dit à Jésus que je ne
pleurerais pas pour que Lui non plus, ne pleure pas les péchés du monde.
J’ai levé mon regard vers la Maman du ciel et je lui ai dit :
— Je suis prête pour un autre sacrifice... Dites-le à
Jésus pour moi. Faites que je souffre ! Faites que j’aime! Je veux mourir
d’amour.
Pendant toute la journée, mon corps et mon âme étaient
plongés dans une mer de douleur !...
3 juillet
Partie à Porto...
Il est triste que le monde ne connaisse pas l’amour de Jésus
pour les âmes ! Nous le verrions davantage aimé et moins offensé. A la fin Jésus
m’a éclairée. Nous sommes partis à Porto. C’est sa volonté afin d’augmenter ma
souffrance. Que cela soit pour sa plus grande gloire. Combien j’ai de honte et
de peur!...
14 juillet
« Je me trouve sans une nuit obscure... »
Je me trouve dans une nuit obscure, sans la moindre goutte de
rosée. Il n’y a pas de baume pour les douleurs de mon âme. Je vois de loin les
coups qui blessent mon cœur. J’ai du mal à respirer sous le poids des
humiliations. A l’idée des souffrances que me procurera mon voyage à Porto, je
dis à moi-même :
— Je vais en jugement.
Opprimée et anéantie par cette douleur, je pense :
— C’est pour Jésus et pour les âmes !
Et alors tout mon être se transforme en une seule pensée :
— Dieu en tout et avant tout.
Je passerai toute ma vie ne pensant qu’à Dieu seul. Tout
passe: Dieu seul reste. La pensée de Dieu enveloppe ciel et terre. Je m’abîme en
Lui. Je peux l’aimer et penser à Lui pendant toute l’éternité. Cette pensée me
soulage ; cependant c’est ainsi que j’adoucis ma douleur et que je peux sourire
au tableau triste et douloureux qui se présente à moi. Je fais semblant d’avoir
une grande joie de mon voyage à Porto, afin de rasséréner les miens et qu’il ne
comprennent pas la douleur qui habite mon cœur...
17 juillet
« Tes souffrances pour les prêtres... »
Préoccupée d’avoir Jésus sous les lèvres et dans le cœur, je
suis arrivée dans ma pauvre maison et aussitôt j’ai été triturée par les
douleurs qui me consumaient le corps, effet peut-être de l’examen et du
voyage... Dans les heures de plus grande angoisse, Jésus me disait :
— Voici, ma fille, tes souffrances pour les prêtres.
Souffre pour eux. La souffrance répare. Les ardeurs qui te brûlent, ce sont les
ardeurs de leurs passions. Je me suis servi de l’examen médical pour te faire
souffrir pour eux...
23 juillet
« Le poids des humiliations pèse sur moi... »
Mes douleurs, augmentées à cause de l’examen continuent. Mais
peu importe. Je peux ainsi en donner davantage à Jésus et Lui, Il peut les
distribuer aux âmes. Je veux consoler son divin Cœur tellement blessé. Je veux
que ma souffrance soit comme l’encens très fin qui s’envole continuellement vers
le ciel.
Le poids des humiliations pèse sur moi et, savoir que j’ai pu
être la cause d’humiliations pour vous et pour mon Père spirituel, m’afflige
beaucoup. Veuillez me le pardonner. Je ne voudrais pas vous faire souffrir...
18 août
« Ma Petite-Maman m’a embrassée... »
Lors des premiers moments de mon épuisement, j’ai senti que
Jésus et la Maman me caressaient. Elle s’est placée à ma gauche et prenant ma
tête, l’a posée sur son très saint Cœur et d'une voix très tendre m’a dit:
— Ma fille, aie courage: c'est pour mon amour, pour
l’amour de mon Jésus...
La Petite-Maman m'a embrassée et m’a serrée très fort contre
son Cœur, m’a fait voir la lumière qui pénétrait les âmes et son triomphe à
Elle...
Les visites de la Maman du Ciel se sont répétées : Elle me
caressait, me prenait dans ses bras, me couvrait de sa douce tendresse.
10 octobre
La Maman qui console...
Hier, jeudi, j'étais envahie par la douleur et par la peur et
aveuglée par les ténèbres... Je voguais dans les airs, perdue comme l'oiseau qui
dans la tempête cherche une branche où se poser. Je n'ai pas trouvé où me
reposer.
Je me suis lancée entre les bras de la Maman et je Lui ai dit
que j'offrais ma douleur afin que la paix revienne dans le monde.
J’ai senti quelques moments de soulagement.
Pauvre de moi, si à ces moments-là la Petite-Maman ne m'avait
pas secourue! Je n'en pouvais déjà plus !
24 octobre
Vers le couronnement d’épines...
Je suis alors partie vers le couronnement d'épines. Mes
souffrances augmentèrent. Je suis restée pour quelque temps dans le refuge du
Cœur de la chère Petite-Maman: j’ai reçu de ses lèvres célestes un tendre
réconfort et beaucoup d'amour, comme s'il s'agissait de l'eau d'une source pure
et cristalline.
5 décembre
« J’aime tous ceux qui t’aiment... »
— Je t'aime parce que tu m'aimes et aimes mon
Fils Jésus. Je t'aime parce que je vois en toi la candeur du lis et de l'iris et
leur parfum t'embaume.
J'aime tous ceux qui t'aiment et qui te soutiennent.
Ils recevront tout de moi et de Jésus.
19 décembre
Visite d’un prêtre “journaliste”: Ses conséquences.
Le 27 août 1941 j’ai eue la visite de Monsieur le curé
accompagné du Père Terças et d’un autre prêtre. Cette visite fut pour moi très
agaçante, parce que j’ai du faire le sacrifice de répondre devant tous à une
série de questions du Père Terças. J’ai répondu consciencieusement à toutes les
questions, car j’ai pensé qu’il était venu pour faire une étude, comme d’autres
l’avaient fait. Cependant, le Seigneur seul sait combien cela m’a coûté de
devoir parler de la “Passion” ; et c’est surtout sur celle-ci qu’il
m’interrogea.
Le Curé m’a dit que le révérend désirait revenir vendredi, 29
août. Je ne voulais pas y consentir sans consulter mon directeur mais, m’ayant
dit qu’il devait repartir à Lisbonne ce jour-là, j’ai cédé à sa demande, lui
disant :
— Je pense que vous ne venez pas ici par curiosité,
n’est-ce pas ?
Ayant été rassurée sur ce point, j’ai accepté, même si sa
visite un vendredi me déplaisait assez.
Il est venu, mais accompagné de trois prêtres. J’étais bien
loin de penser que cette visite me préparait un nouveau calvaire : peu après il
publia tout ce qu’il avait vu et tout ce qu’il avait appris sur moi.
Que le Seigneur accepte les souffrances qui m’ont été causées
par cette publication qui mit sur la place publique mes secrets cachés pendant
de longues années.
De temps à autre, les commentaires qui étaient faits sur moi,
me venaient aux oreilles: c’étaient comme des épines que les gens
involontairement m’enfonçaient dans l’âme. Ceux qui lisaient cette revue là où
écoutaient ce qui se disait sur moi, en recevaient des sensations diverses.
(...)
Je sais que très peu personnes me comprendront, mais à moi,
une seule chose me suffit: Jésus comprends tout.
J’ai su que hier déjà on s’informait sur une certaine
Alexandrina de Balasar et que des gens du village réclamaient la revue dans
laquelle on parlait de moi. J’ai beaucoup pleuré. Tournée vers le Tabernacle de
l’église j’ai dit à Jésus :
— Vous avez permit que j’arrive à ce stade et Vous ne
venez pas me cherchez pour aller au ciel !
Tout d’un coup me vînt à l’esprit que je pouvais faire
plaisir à Jésus et je me suis dite :
— Je ne pleure plus, parce que Jésus ne le veut pas. Je
veux tout souffrir pour le salut des âmes et par amour pour Jésus et la Maman du
ciel.
En effet, j’ai toujours le sourire, même si dans mon
intérieur je pleure, parce que dans mon cœur, seule la souffrance règne. La
publication de ma vie est comme une épine qui ne cessera jamais de me blesser...
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1942 |
2 janvier
Recours à la Vierge...
Lors de ma préparation pour recevoir mon Jésus [dans
l’Eucharistie], je demandai à la Maman de me remplir d'amour et de me
revêtir de sa grâce et de sa pureté, de rendre mon cœur pur comme quand j’ai
reçu mon baptême, parce que Jésus comprends tout je voulais renaître en ce
premier jour de la nouvelle année pour aimer mon Jésus et ne jamais l'offenser.
3 janvier
Cheminer sans lumière...
Jésus est venu et a allumé dans mon cœur un peu de son divin
feu; il m’a donné quelques rayons de sa lumière :
— Ma fille, l’heure de me donner la plus grande preuve
d’amour et d’héroïsme est arrivée : cheminer sans lumière dans un complet
abandon...
9 janvier
« Mon âme semble se déchirer... »
Mon âme semble se déchirer en morceaux. Ce n fut que le 7
janvier, jour où vous êtes venu me voir, Père, que ma souffrance, aussi bien
physique que morale, a connu une pause. Il est vrai que Jésus me prive
actuellement de tout, mais Il m’a donné encore quelques heures de soulagement et
quelques moments de douceur et de suavité pour l’âme. Je m’en souviens avec
peine et il me semble de mentir, car maintenant je n’ai pas de lumière...
15 janvier
« Je veux vous donner des âmes... »
Vivre sans soutien me fait peur. J’ai tout perdu sur la terre
et dans le ciel. Je veux savoir aveuglément que Jésus et la Maman du ciel ne
m’ont pas abandonnée, mais je tombe dans le découragement, je reste abattue,
plongée dans la détresse.
— Mon Dieu, mon Jésus, je crois en Vous, je crois en votre
divin Amour pour moi. Je Vous aime et je veux vous donner des âmes.
Hier le médecin est resté ici presque deux heures. Jésus
s’est servi de lui pour adoucir ma douleur... J’ai encore sur la terre quelqu’un
qui a de la compassion pour moi. Cette pensée a redonné vie à ma fidélité...
16 janvier
Un journaliste de Lisbonne...
Hier, un journaliste de Lisbonne est venu ici ; je ne lui ai
rien dit des choses de Jésus, mais le fait m’a fait souffrir. Presque tous les
prêtes me cherchent: ils posent mil questions à Monsieur le Curé. Et tout cela à
cause des écrits du Père Terças. Si seulement je pouvais partir d’ici! Je ne
voudrais pas être connue; j’aimerais me cacher...
17 janvier
Les feuilles du Père Terças...
Aujourd’hui Monsieur le Curé est venu me lire deux feuilles
du Père Terças avec plusieurs demandes. Désirera-t-il continuer à parler de
moi ? Je lui ai dit ne rien avoir révélé des choses du Seigneur et que je
souffre du fait de lui avoir parlé. Ce n’est point la peur d’être prise en
quelque mensonge : je pourrais être interrogée des milliers de fois que je
dirais toujours la même chose, parce que la vérité n’a qu’un seul chemin. C’est
la blessure que je ressens qui m’oblige à procéder de la sorte.
Vienne qui voudra : je ne parlerai cependant qu’avec
l’autorisation de mon directeur...
21 janvier
« Combien douloureuse est ma souffrance... »
Combien douloureuse est ma souffrance !... Mon Dieu, Si du
moins cette croix n’était destinée qu’à moi seule ! Mais, malheureusement il ce
n’est pas le cas. Il est inutile que vous, mon Père, que vous me disiez que vous
ne souffrez pas : je n’ai pas besoin d’autres témoignages, les sentiments de mon
âme me suffisent... Pour ma plus grande confusion je sens en être la cause de
tant de souffrance ; je le suis et le serai la vie entière.
Je serai aussi la cause de beaucoup d’humiliations et de
souffrances pour le médecin. Quelle triste récompense pour tout ce que vous avez
fait pour moi ! C’est une chose bien involontaire ; je ne souhaiterais être
ingrate envers qui que ce soit.
Quand je reçois Jésus je m’en rappelle aussitôt et je reste
seule dans ma douleur. Il me semble que si j’entendais Jésus, je ne l’écouterais
pas et Lui tournerais le dos, même si je ne l’ai jamais fait... Combien grande
est la peur de me tromper! J’ai beaucoup pleuré et je suis triste de mon
comportement. Je ne voudrais pas recevoir la croix avec des larmes, mais je n’ai
plus la force.
Je pleure, mais dans le cœur, la volonté de Le suivre, de Le
consoler, de tout souffrir par amour pour Lui et de Lui donner des âmes, est
toujours présente. Priez pour moi...
26 janvier
« Vous a-t-on interdit de venir ici ?... »
Vous a-t-on interdit de venir ici ? On ne cesse pas de vous
faire souffrir ? On essaie de vous humilier et de vous déprimer davantage ?
Jésus soit avec nous ! Que nous vienne en aide la Maman du ciel et qu’elle nous
donne la force pour supporter autant de souffrance. Que tout ceci soit pour la
plus grande gloire de Jésus et un avantage pour les âmes...
30 janvier
« J’ai érigé un calvaire... »
Je sens que vous souffrez presque tout seul... Mon Dieu, j’ai
érigé un calvaire pour mon Père spirituel qui a tant fait pour amener mon âme à
Jésus.
J’en ai élevé un autre pour le docteur, qui se sacrifie tant
pour mon corps. O Jésus, ô Maman du ciel, appelez-moi à Vous afin que je ne sois
davantage la cause de tant d’humiliations et de souffrances... Je préférerais
souffrir toute seule. Si seulement j’avais pu souffrir cette marée de
souffrances et que personne n’en ai eu connaissance, excepté Jésus ! Je voudrais
disparaître du monde, de sous le regard de tous et rester dans l’oubli...
13 février
Craintes de rester sans la Communion...
Je suis dans un état de révolte et je me sens seule,
complètement seule... Quelle horrible tempête !... Je suis au comble de mon
agonie. Je crains de devenir infidèle à mon Jésus: je n’ai pas de force pour en
supporter d’avantage... Quand viendra-t-il le ciel ? Pauvre de moi s’il
tarde!...
Dimanche après-midi [8 février], vers le soir, un grand
tourment envahit mon esprit: la crainte de rester sans mon Jésus
[eucharistique], que le curé, interdit par l’archevêque, ne viendrais plus me
porter; que tous les prêtres seraient défendus de venir me voir, aussi bine que
toute autre personne, sous peine d’excommunication. Mon Dieu, sans avoir un
prêtre pour me confesser, que dois-je faire ? Faire en sorte de ne pas pécher,
de ne pas causer, dans la moindre chose de la tristesse à mon Jésus et Lui
demander bien pardon. Mon Dieu, mon Dieu, quelle confusion de devoir mourir
ainsi, sans un prêtre !...
O mon Père, une nouvelle souffrance vient de survenir: on
m’interdit de prendre conseil auprès de mon Père spirituel... A qui dois-je
recourir ?...
21 février
« Je brûle du désir du ciel... »
Je brûle du désire du ciel, mais je ne voudrais pas mourir de
la sorte. J’aimerai la mort que Jésus me donnera, mais pas celle que me donnent
les hommes ! Je n’aimerais pas les laisser avec les remords de me l’avoir
donnée... Je ne sais pas comment je peux vivre ainsi.
Pour le moment je vous ai, vous, qui me soutenez dans un si
pénible calvaire. Pourront-ils dire aussi que les choses du Seigneur me viennent
à la suite des visites du médecin ? Je n’en doute pas. Mais dans ce cas, il
serait mieux de m’enfermer dans un cachot où personne ne puisse me voir; ainsi
je souffrirai toute seule et ne serai la cause des souffrances d’autrui.
Il ne manquerait plus qu’ils me prennent aussi mon médecin !
Grâces à mon bon Jésus, je ne suis pas attachée aux choses de la terre, mais je
ressens le besoin que l’on m’aide à parcourir mon calvaire: toute seule je ne le
peux pas...
23 février
Le départ du Père Mariano Pinho...
Quelques heures après ma “Passion” mon médecin m’a dit
que ces derniers jours l’état de mon cœur avait davantage empiré. Il m’inculqua
courage et fidélité. Je me suis épanchée à lui parce que je sens que le Seigneur
se sert de lui pour m’aider à poursuivre dans les chemins épineux et difficiles.
Je me suis sentie bien plus forte.
Vers les six heures du, soir on m’apporta le courrier et
immédiatement j’ai découvert votre lettre. Aussitôt que je l’ai eue en main, les
bras me sont tombés et mon sang s’est glacé dans mes veines. Je n’avais pas la
force de l’ouvrir. Je me suis dite à moi-même: “Quoi qu’il arrive, en avant !
Mon Jésus, j’accepte tout pour amour pour Vous et pour Vous donner des âmes”.
J’ai commencé à la lire, mais les larmes m’en empêchaient:
c’étaient des larmes de parfaite résignation. On dirait que l’on me perçait le
cœur avec une lance. Quelques jours se sont déjà écoulés et je me sens pourtant
encore dans le même état. C’est comme si je n’avais plus de cœur et que la mort
me guette. Dans mon fond intérieur, je disais: “Pardon pour tous ceux qui
sont la cause de cette mort.
Il est vrai que Deolinda, plus d’une fois, goutte à goutte,
m’avait administré le “poison” que la lettre contenait, mais maintenant
c’est arrivé au comble: la dernière goutte de ce “fiel” si désagréable.
Mes larmes et ma prière à Jésus pour obtenir le pardon pour
tous: voilà ma vengeance.
Dans cette triste lettre que je n’oublierai jamais, vous me
dites que cela est conforme à ce que vous supérieurs ont décidé ; que vous devez
obéir parce que le Seigneur le veut.
Je suis d’accord. Obéissance, sainte obéissance, combien je
t’aime ! Vous ne voulez pas désobéir et moi-même, je veux que vous obéissiez.
Plutôt toutes les souffrances que la moindre offense envers Jésus. Celui qui
obéi fait sa sainte Volonté, mais malheureux ceux qui ne commandent pas selon
ses divins désirs ! C’est pourtant qui arrive maintenant. Les hommes s’opposent
à la volonté de Jésus. C’est ce que ressent mon âme remplie de douleur. Mon cœur
vole comme un oiseau qui ne sait pas ou se poser; je me trouve dans le supplice
le plus douloureux.
Je me suis confessée au Père Alberto Gomes dans lequel j’ai
entière confiance et en qui je vois toute la sainteté. Je sens qu’il me comprend
bien, mais ce n’est pas lui cette lumière que Jésus m’a choisie, et non plus la
source qui peut me rassasier. C’est pour cela que je dis : “Malheureux ceux
qui ne commandent pas selon la volonté de Jésus !”
Je continuerai de vous appeler mon Père spirituel sur la
terre comme au ciel. Quoi que les hommes disent ou fassent, cela ne sert qu’à
m’écraser de plus en plus et à m’ôter la vie...
Ne vous souvenez-vous pas qu’il y a quelque temps j’avais eu
le pressentiment de ce qui arrive maintenant ? On vous interdit de venir ici! de
m’écrire! Volonté divine de mon Dieu, je t’aime plus que tout...
22 août
« Mon état est grave... »
(...) Mon état est grave ; mes souffrances sont très douloureuses.
Mais à l’intérieur de moi est né un désir irrésistible de dicter quelques
paroles pour vous, mon Père. Les forces qui vous parlent ne sont pas les
miennes : je n’en ai plus, car je suis exsangue. Mais c’est le cri de ma
volonté ; c’est un léger souffle de vie qui vous parle. Mon corps ne sert à rien
d’autre que pour souffrir; je n’éprouve rien d’autre. Je ne suis plus qu’une
petite bulle d’écume qu’un rien fait disparaître.
Les sentiments de mon âme sont étranges. Je me trouve comme
dans un endroit où l’on ne ressent ni joie ni peine. Je sens comme si les hommes
m’avaient attachée à la terre, m’obligeant à suspendre mon voyage. Je vis
arrêtée, voisine du ciel, mais sans pouvoir entrer. De temps à autre il me
venait une très grande nostalgie de ma patrie céleste, capable de m’enlever mil
vies; cette nostalgie est presque insupportable ; j’ai envie de pleurer, de
beaucoup pleurer. Il me semble que la mission que Jésus m’a confiée soit
accomplie. Je reste là, mais je ne fais rien. Je suis, toutefois convaincue que
Jésus rompra ces liens qui empêchent mon envol vers le ciel...
Je continue le jeûne et je ne peux même pas rassasier avec
goût la soif brûlante qui me consume. Je peux boire quelques gouttes qui ne me
soulagent que très peu. Je ne sais pas expliquer la nostalgie que j’ai des
aliments. Je ressens le désir de tout porter à ma bouche; j’aimerais me nourrir
des aliments qui me plaisent, mais je ne le peux point.
Grâce à Dieu, mon intelligence est très vive. J’offre à
Jésus, par amour pour Lui, mon martyr et aussi pour obtenir la lumière pour ceux
qui sont privés sur la terre, de lumière et de confort...
7 novembre
L’annonce de la Consécration...
(...) Quand, par télégramme, j’ai eu la nouvelle de la consécration
du monde à la chère Maman du ciel, Jésus m’accorda de cours instants de
consolation. Au comble de ma joie, je ne savais comment remercier Jésus et
Marie. Les mains levées vers le ciel, je me suis exclamée :
— Béni soit Jésus! Bénie soit la Petite-Maman !
J’avais envie, à ce moment-là d’introduire moi-même le
Saint-Père dans les Cœurs de Jésus et Marie: quelle joie !
D’une façon imprévue, j’ai ressenti une très grande
humiliation: je me suis sentie méprisée ; et le léger souffle de vie qui me
restait commença d’être un néant qui peu à peu s’enfonçait dans la terre,
jusqu’à disparaître. Toutefois, même dans cet état j’ai continué de remercier.
J’ai récité le “Magnificat” et j’ai fait allumer une lampe en l’honneur
de la Maman du ciel.
Mon Père, mon jeûne continue ; je n’ai pas faim, mais je
ressens une très grande envie de tout porter à la bouche. Si vous saviez combien
m’est coûteuse cette souffrance ! Je l’offre à Jésus pour les âmes !...
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1943 |
2 janvier
« Mon cœur bat de moins en moins... »
(...) Ma fin n’est pas encore pour tout de suite : c’est là un
sacrifice supplémentaire. Que cela soit pour la gloire de Jésus et le salut des
âmes.
Dois-je encore attendre longtemps avant que les hommes ne se
soumettent à la volonté de Dieu ? Je suis impatiente et je dis à Jésus :
— Mon cœur bat de moins en moins. Je ne peux plus
attendre. Je n’ai commis aucun délit, pour qu’il me soit appliqué un aussi grave
châtiment.
Pauvre de moi, si je devais être jugée par les gens ! En
vérité ils ont raison de mal me juger : sans le Seigneur je serais capable de
faire ce qu’ils disent et encore pire.
D’après les paroles de Jésus, auxquelles je crois
aveuglément, il me semble que ma vraie vie soit proche : le ciel, oh le ciel !
Je vais être heureuse au ciel !
Le 13 décembre, de bon matin — ce ne fut pas un rêve, non
plus une illusion — j’ai vu la Notre-Dame de Fatima élevée — je ne sais pas sur
quoi elle posait — à une grande hauteur. Autours d’Elle, en bas, une grande
foule Qu’elle regardait avec tendresse. Je me suis trouvée hors de moi-même: il
me semblait avoir été transportée dans une autre région.
(...)
Mon âme souffre beaucoup après la consécration du monde à la
Maman chérie...
(...)
Ma fièvre continue... mes sueurs ne s’expliquent pas ; je ne
sais pas comment je peux vivre ; cela seulement devrait arriver à donner
lumière...
2 février
« Rendez-moi mon Père spirituel... »
Révérend Père Provincial,
Cette nuit, vers deux heures et demi, j’ai demandé à ma sœur
de bouger mon corps couver de sueur. La vie semblait me quitter, les forces me
manquaient. Mon âme, toujours désireuse de s’envoler vers Dieu, était dans une
douloureuse agonie. J’avais besoin de soutien: elle voulait de la lumière, cette
lumière que peux de prêtres savent donner aux âmes. Toute seule avec Jésus,
intérieurement, je Lui disais:
— Donnez-moi le Père spirituel, donnez-le-moi de nouveau,
bien que vous l’ayez éloigné de moi, grâce à cette union qui n’est pas toute à
fait, ou presque, comprise. Mais maintenant, mon Jésus, celle-ci ne suffit pas,
je ne peux pas vivre ainsi.
La paix m’a envahie et l’idée de vous écrire m’est venue,
pour vous demander, par l’amour de Jésus et des douleurs de Marie, de permettre
au Père Mariano Pinho de venir et de reprendre la direction de mon âme, pendant
le peu de jours qui me restent à vivre.
Très souvent j’ai eu l’idée de m’adresser à vous, mais
aussitôt mon idée était étouffée par la crainte et par quelque chose d’autre qui
ne me permettait de l’écrire. Mais, cette fois-ci elle a été durable et menée à
bien.
Ce n’est pas moi qui l’ai choisi [comme directeur spirituel].
Il y a dix ans, j’étais seule, sans guide, et très éprouvée entre quatre murs
depuis huit ans. Le Seigneur a eu pitié de moi, il me l’a choisit et me
l’envoya. Ce fut alors, qu’en suivant ses saints conseils, que j’ai connu alors
davantage le Seigneur. Depuis treize mois déjà il est interdit de venir ici.
Jésus seul sait combien cela m’a coûté, aussi j’ai tout souffert par amour pour
Lui. Maintenant, toutefois, j’ai besoin de quelqu’un qui me soutienne; je ne
peux plus vivre dans un martyr pareil. Si vous pouviez voir, rien que quelques
instants ce que je souffre dans mon corps et dans mon âme, et combien j’ai
souffert pendant cette période, je suis sûre que vous auriez pitié de moi. Ma
fièvre est montée à 40° et plus ; des douleurs horribles agitent et font
trembler mon corps, comme une tempête qui voudrait tout détruire.
Je me suis vengée et, ma vengeance continuera au ciel, à
l’égard de ceux qui ont été la cause de ma souffrance. Savez-vous quelle sera ma
vengeance ? Je prierai et je demanderai pour eux le pardon. J’implorerai pour
eux la lumière afin qu’il vivent de la vie intérieure de Jésus et ne soient plus
des obstacles pour d’autres âmes éprises de Dieu et ayant besoin des lumières et
du soutien de saints directeurs.
Êtes-vous fâché contre moi ? Ne le soyez pas! Je sais que je
suis méchante, et la créature la plus misérable, la fille la plus indigne de
Jésus, mais pour cette raison même digne de compassion. Moi, sans la grâce de
Dieu, je me crois capable de faire et d’être tout ce de quoi on m’accuse auprès
de vous; toutefois, avec la grâce et toute la force du Seigneur, mon innocence
sera reconnue.
Permettez-moi, Révérend Père Provincial, de vous demander,
une fois encore, pour l’amour de ce qui vous est le plus cher au ciel et sur la
terre: permettez à mon Père spirituel de venir m’assister pendant mes derniers
jours; qu’il apporte les dernières lumières, les derniers conseils à cette
pauvre qui espère aller bientôt au ciel.
Je fais confiance à Jésus et à la Maman du ciel pour que je
ne sois plus un motif de honte pour votre Ordre.
Adieu, Révérend Père. Veuillez me pardonner. Je n’ai rien
fait dans l’idée de vous offenser. Je ne veux offenser personne et encore moins
les disciples de Jésus. Ayez la bonté de me pardonner. A nous revoir au ciel.
27 mai
« Je me suis soumise à un contrôle médical... »
Selon le désir de Monseigneur l'Archevêque, le 27 mai 1943,
je me suis soumise à un contrôle médical.
Le jour fixé, mon médecin traitant, le docteur Henrique Gomes
de Araujo, et le professeur Carlos Lima, sont venus chez nous. Je suis restée
calme et sereine; le Seigneur m'avait exaucée.
L'un des médecins m'a demandé si je souffrais beaucoup, pour
qui j'offrais mes souffrances et si je souffrais volontairement. Il m'a demandé
si je serais contente si le Seigneur, d'un moment à l'autre me libérait de mes
douleurs.
Je lui ai répondu qu'en vérité je souffrais beaucoup, que
j'endurais celles-ci pour l'amour de Dieu et pour la conversion des pécheurs.
Ils m'ont demandé quel était mon désir le plus grand. J'ai
répondu :
— Le Ciel.
Ils m'ont demandé si je voulais être sainte, comme sainte
Thérèse, comme sainte Claire, etc., et arriver sur les autels, laissant comme
elles un nom célèbre dans le monde. J'ai répondu :
— Célébrité ?... C'est ce qui m'intéresse le moins !
— Si pour sauver les pécheurs il était nécessaire de perdre
ton âme, que ferais-tu ?
— J'ai confiance que la mienne aussi sera sauvée. Si je
devais la perdre, je dirais non; mais le Seigneur ne me demanderait pas une
chose pareille
— Et pourquoi ne manges-tu pas ?
— Je ne mange pas parce que je ne le peux point; je me
sens rassasiée, je n'en ressens pas le besoin. Malgré cela, j'ai la nostalgie
des aliments.
Après cet entretien, les médecins commencèrent la visite, que
j'ai sereinement supportée. Ils ont été très rigoureux, mais en même temps ils
ont usé de délicatesse et égard envers mon corps.
27 septembre
« Cœur de Jésus, j’ai confiance en vous!... »
(...) J’ai dicté du mieux que j’ai pu les grandes souffrances
vécues au “Refuge”, mais ce que j’ai pu dire n’est rien, comparé à ce que
j’ai vécu, en réalité. J’ai su le ressentir, mais je ne sais que bien mal
l’expliquer. Je suis toujours confiante d’avoir obéi. Jésus est digne de tout,
n’est-ce pas ?
Mon corps a souffert une grande secousse; aujourd’hui encore
les douleurs sont presque insupportables, et souvent il me semble ne plus
pouvoir m’en sortir. Mais lors des moments de plus grande douleur, fixant le
Cœur de Jésus, je lui dis avec toute la ferveur de mon cœur :
— Cœur très saint de Jésus, j’ai confiance en vous, j’ai
confiance !
17 octobre
« Consacrez le monde à Marie... »
Très Saint-Père,
Je sais qu’en ces heures tragiques pour l’humanité, le
cœur qui souffre davantage, après celui de Jésus, c’est celui de votre Sainteté.
Jésus souffre de voir le monde en guerre, rempli de haine, couvert de crimes.
Oh combien souffre aussi le cœur de la plus pauvre, de la
plus misérable et indigne de vos filles, de ne point pouvoir défendre le Cœur de
Jésus contre les crimes de l’humanité, et empêcher qu’il soit blessé; mon cœur
souffre de ne pouvoir alléger le votre de la douleur si cruelle et profonde qui
transperce le cœur de mon Père spirituel et celui du monde entier !
Oh mon bien-aimé Saint-Père, je ne compte pour rien, je
n’ai aucun pouvoir, je ne suis que pauvreté et misère, mais Jésus peut me rendre
forte et puissante, et c’est avec Jésus et la Maman du Ciel que je me mets à
côté de votre Sainteté pour vous aider, par mes souffrances, à porter votre
croix si pesante !
J’aimerais embrasser la terre où votre Sainteté pose ses
pieds; j’aimerais marcher à plat ventre partout où vous êtes contraint de
passer : ceci comme preuve de ma douleur de vous voir souffrir et de mon profond
respect envers vous.
Courage, courage, très Saint-Père, Jésus ne manque jamais!
La force vient d’en-Haut, la guerre se termine; la paix régnera de nouveau parmi
les hommes, mais toujours au prix de la douleur et du sacrifice. Le règne de
votre Sainteté continuera toujours entouré d’épines, mais la grâce et l’amour de
Jésus ne vous feront pas défaut, afin que vous puissiez vous en sortir serein de
votre si douloureux calvaire.
Ce fut lui qui se choisit un aussi aimable fils pour père
de nous tous, pour répandre la sainte lumière du divin Esprit.
Votre pontificat sur la terre est triste, à cause de la
malice des hommes, mais il sera heureux et glorieux au ciel, comme prix de tant
de souffrances et de tant d’amour pour Jésus.
Très Saint-Père, je suis l’une de vos filles, malade
depuis 26 ans et paralysée depuis presque 19. Cette lettre me coûte un énorme
sacrifice, étant donné que je suis étendue sur mon lit, mon pauvre corps
traversé par d’aiguës douleurs; mais c’est une preuve d’amour, d’un saint amour
envers mon cher Saint-Père. Ah mon Saint-Père, s’il m’était possible de dire
combien je souffre dans mon corps et dans mon âme! Elle ne s’égaye que quand je
fixe mes yeux en Jésus.
Père, mon Saint-Père, accordez-moi votre bénédiction
apostolique afin que mes souffrances soient davantage supportables et pardonné
mon hardiesse.
Je n’ai pas demandé l’autorisation de qui que ce soit,
parce que depuis deux ans, je n’ai plus mon directeur: commande qui peut, obéi
qui doit! La bénédiction, la bénédiction, mon Saint-Père, et le pardon pour mon
écrit, mais je ne sais pas mieux le faire. Je ne vous oublierai plus sur la
terre, et encore moins au ciel. Je ne sais pas trouver des paroles adéquates
pour mon Saint-Père: pardon, pardon!
Je suis la pauvre Alexandrina Maria da Costa.
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1944 |
20 juillet
« Je vous sens à côté de moi... »
Ne pensez pas, mon bon Père Umberto, que mon silence soit un
oubli. Je ne vous oublierai ni sur la terre ni au ciel. La cause de celui-ci, ce
sont les “cadeaux” de Jésus. Si vous saviez combien je souffre... Mais la
souffrance importe peu; ce qu’il faut c’est consoler Jésus. Il me suffit que sa
grâce et sa force ne me fassent pas défaut pour résister à tout... Je n’ai pas
oublié vos intentions de prière ni celles des novices de votre sainte maison
Salésienne... Par charité, pardonnez-moi mes manquements. Je vous remercie de
tout mon cœur et de toute mon âme pour tout ce que vous avez fait pour moi. Que
Jésus vous récompense, vous comble de ses bienfaits et de son amour, car Lui
seul connaît et sais le réconfort que vous m’avez apporté.
Je vous sens à côté de moi, et cela me procure du courage
pour soutenir ma souffrance. Que Dieu soit béni. Je ne suis pas encore haïe de
tout le monde...
6 septembre
« Je sens de fortes embrassades... »
Le chant, la
nature et la mer m'obligent à me concentrer, à m'oublier.
Après une visite
au très Saint-Sacrement, que je ne pus pas faire de jour, à cause de mes grandes
souffrances et mon mal-à-l'aise, je ressentis tout d'un coup la même sensation
que je ressens, habituellement, lorsque le Seigneur vient me parler: j'eus
nettement l'impression qu'une vague venait de se déverser sur moi. Je me suis
inclinée vers la gauche et Jésus me parla.
Quelques fois,
avant même que le Seigneur me parle, je sens comme de fortes embrassades;
d'autres fois je les sens à la fin. Une forte chaleur m'envahit, une chaleur si
forte et brûlante que je ne sais même pas expliquer. D'autres fois encore, je
sens les caresses du Seigneur. Je ne sais pas comment répondre à tant de
bienfaits.
— Je n'agis pas ainsi uniquement avec les âmes saintes. Je
me communique aussi aux âmes pécheresses comme toi, pour leur donner confiance.
Elles aussi elles peuvent aimer le Seigneur et arriver à la sainteté. Si je
n’agissais pas ainsi, elles pourraient désespérer.
14 septembre
« Je suis pénétrée de douleur... »
(...) Nous vous avons tous beaucoup regretté. Il est bien vrai que
tout ce qui est bon en ce bas monde passe vite. Ce que vous avez dit de Jésus,
ou mieux, voulais-je dire, c’est Lui qui s’est servi de vous pour m’apporter
lumière et soulagement. Je ne sais pas comment remercier Jésus et je ne sais
rien vous dire, quelque chose de ce qui rempli mon âme. Merci! Que Jésus vous
récompense pour tout...
Depuis trois jours que je suis sans Communion ; je me sens
affamée à l’extrême. Je sens que ma vie s’en va, mon âme se meurt de faim...
Je n’ai plus rien écrit dans mon journal. Je suis aveugle,
pénétrée par la douleur. Mais, malgré cela, je vous promets de faire le possible
et de dicter quelque chose et d’essayer de me guérir, parce cela va de mal en
pis. Jésus demande beaucoup et ce qu’il demande est bien pénible! Je lui donne
tout et je ne lui donne rien, parce que je sens que je n’ai rien à lui donner...
21 septembre
« Tout disparaît comme la fumée... »
(...) J’aurais tant de choses à vous dire, mais je ne le peux pas.
Je me sens très malade. Je charge Jésus et la Maman du Ciel de vous remercier
pour tout ce que vous faites pour moi et pour les miens, parce que je n’ai pas
de paroles adéquates pour le faire. Merci! Mais, plus que pour tout le reste,
une remerciement infini pour avoir envoyé un prêtre me donner Jésus. Celui qui
me donne Jésus me donne la vie, me donne toute la richesse du Ciel et de la
terre. Je ne peux désirer rien d’autre.
Quelle envie j’ai de le posséder et quel grand désir de
l’aimer! Mais, pauvre de moi, tout disparaît comme la fumée, sans que j’arrive à
voir la trace de quelque chose. En souffrant autant, j’ai fini par ne plus rien
ressentir. Je me meurs d’amour pour Jésus et je finis par ne pas l’aimer. Après
tant d’efforts, je finis par ne plus croire en moi-même. O mon Dieu, quelle
triste nuit !
J’ai de la peine pour tout ce que vous et vos confrères
souffrez actuellement. J’ai envers vous beaucoup de charité et d’amour: c’est ce
que veut Jésus qui procède de la même façon envers nous. C’est lui toujours le
plus offensé. Pauvre Jésus! Il aime et n’est pas aimé...
9 octobre
« Si je pouvais écrire moi-même... »
(...) Je vous remercie pour les nouvelles que vous avez pu me
donner sur Macieira. Vous pouvez imaginer combien je les ai appréciées. En ce
qui concerne l’obéissance, je fais de mon mieux, mais, mon Père, si vous saviez
ce qui se passe ici ! Si je pouvais écrire moi-même, je vous en dirais quelque
chose ; mais comme je ne peux pas écrire, je reste là, gémissant et priant,
passant des heures tristes et amères habitée par la peur d’offenser mon Jésus.
Espérons qu’il me donne force et courage pour vous ouvrir mon âme, comme je le
souhaite et en ai bien besoin, quand vous le jugerez opportun. Je vous demande,
par charité, de bien vouloir prier pour moi. Si vous saviez comme je suis
triste ! Apprenez-moi à aimer Jésus et la Maman du ciel ; je les prie pour
qu’ils ne permettent pas que je les offense. S’il était besoin de renoncer au
ciel [pour ne pas les offenser], je le ferais; je préfère l’enfer que d‘offenser
Jésus. Je le leur ai dit encore cette nuit et je le leur demande du fond du
cœur...
30 octobre
« Je ne suis plus seule... »
Révérends Pères salésiens : pour vous tous l’amour le
plus brûlant de Jésus, de la Petite-Maman et toutes les richesses du ciel.
J’ai bien présentes toutes les intentions que vous m’avez
recommandées et je vous fais participants de mes humbles prières et souffrances.
C’est un devoir de gratitude de ma part, je ne fais que ce que je dois. Je me
sens très heureuse et très riche de l’appui que j’ai de vos prières. O mon Dieu,
je ne suis plus toute seule ! J’ai maintenant quelqu’un pour m’aider dans la
montée de mon pénible calvaire ! De tout mon cœur et de toute mon âme je dis :
— Jésus et Petite-Maman récompensez-les et donnez-leur toutes
les richesses du ciel; richesses de vertu, de grâces pour attirer par celles-ci
les âmes au divin Cœur de Jésus. Je n’en peux plus. Toujours unis sur la terre
et au ciel. Donnez-moi votre bénédiction et pardonnez celle qui vous demande des
prières, beaucoup de prières.
Mes chers novices et salésiens de cette sainte maison ;
j’aimerais écrire à chacun mais je ne le peux pas : les forces me manquent.
Étant donné que je dois vous remercier pour les saintes prières qui vous avez
faites pour moi, je le fais à vous tous en même temps.
Que Jésus et la Maman du ciel vous récompensent pour tant de
charité. J’implore pour tous les bénédictions et les grâces du Seigneur.
Je désire ardemment que vous occupiez dans le divin Cœur de
Jésus la place que vous occupez dans le mien car ainsi vous pourriez tout
recevoir ; je vous ai tous au fond de mon cœur. C’est pour cela que je vous veux
aussi tous dans le Cœur de Jésus et de Marie.
Un grand merci à tous ceux qui m’ont écrit. Vous pouvez être
certains que Jésus vous donnera tout ce que vous désirez pour votre
sanctification et pour le salut des âmes. Ayez confiance, ayez confiance ; Jésus
sera toujours avec vous.
Comptez toujours sur moi sur la terre et après, dans le ciel
où je vous attends.
17 novembre
« Quelle tempête je sentais au loin!... »
(...) Je vous écris quelques-unes des choses que j’ai dans l’âme.
Depuis plusieurs jours, l’impression suivante me faisait souffrir: il me
semblait que vous aviez reçu l’ordre de ne plus venir ici.
Quelle tempête je sentais au loin ! Si seulement je pouvais
souffrir seule, sans attrister ma sœur... Maintenant que tout est connu, je vous
demande la charité de me dire la vérité, car dans cet état, je souffre
davantage. Soyez franc avec moi, par l’amour de Jésus et de la Maman du ciel,
dans la certitude que j’aurai toujours pour cette Maison salésienne la plus
grande affection. Ne pensez pas, mon bon Père, que j’arrête de prier et de
souffrir pour tous. Oh, non ! Je serais une ingrate et je préférerais mourir. Je
reconnais vous devoir beaucoup: ce ne sera qu’au ciel que vous connaîtrez le
bien que vous avez fait à ma pauvre âme. Je n’ai jamais eu, dans ma vie
spirituelle, et d’une façon continuelle, le soutien et les lumières nécessaires
qui m’aident à parcourir mes sentiers si épineux. Pauvres hommes qui me volent
le guide que le Ciel m’avait donné !... J’espère sincèrement que le Seigneur ne
punira pas et qu’il ne demandera pas de comptes à aux personnes qui me font tant
de mal... Je ne comprends plus...
Si je ne donnais pas à Jésus tout ce qu’il exige de moi, cela
serait de leur faute, car ils m’ont volé celui qui m’apprenait à aimer Celui qui
n’est pas aimé et m’aide à parcourir mon si douloureux calvaire.
Je ne peux m’appuyer que sur Jésus, seulement sur Lui,
personne d’autre au monde...
Je lève mon regard vers le Ciel, je le fixe sur Jésus et sur
la Maman chérie et ainsi je me sens forte pour recevoir le coup de la séparation
de celui qui comprenait aussi bien mon âme.
Que m’arrivera-t-il encore ? Qu’il arrive ce qui doit
arriver: j’ai pleinement confiance dans la force du Ciel.
Si l’on vous a interdit de m’écrire et de recevoir mes
lettres, je vous prie, par les douleurs de la Maman du Ciel, de ne pas vous
affliger: ne souffrez pas à cause de moi. Obéissons aveuglément. Jésus suppléera
et usera envers moi de miséricorde. Par charité, ne m’oubliez pas. Nul ne peu
nous interdire de prier l’un pour l’autre, ni d’aimer le Seigneur. Une certitude
chose me reste: personne ne peut me voler Jésus. Ce n’est que le péché qui peut
chasser de mon cœur les trois Personnes divines...
27 novembre
« Que Jésus vous paie... »
(...) Je suis intimidée et dubitative ; très incertaine si je dois
ou non dicter ces quelques paroles. Cela fait déjà quelques jours que je pense
le faire, mais les forces et le courage me manquaient. Aujourd’hui je ne peux
pas faire autrement.
Si vous avez reçu des ordres contraires et que vous ne
pourriez pas lire ma lettre, jetez-la au feu, ainsi elle disparaîtra pour
toujours. Je ne veux pas, mon Père, être un instrument de souffrance pour
personne. Que je souffre, vu que le Seigneur m’a destinée à la souffrance; que
je souffre, car à cause de mes grandes misères je dois souffrir et réparer; que
je souffre les plus grandes douleurs et amertumes pour consoler mon Jésus et lui
gagner des âmes ; que je souffre tout, moi ; que je meure sous le poids des plus
grandes humiliations, mais que Jésus ne souffre pas à cause de moi ; qu’il ne
soit pas offensé par ma faute ni ceux à qui je dois beaucoup et qui ont tant
fait pour moi.
Je ne veux être ingrate ni envers Jésus ni envers aucune
créature. Mon bon Père, que Jésus vous paie tout ce que vous avez fait pour moi
et tout le soin que vous avez pris de ma pauvre âme. Si vous saviez combien j’ai
besoin de lumière! Si vous saviez dans quelle mer immense je suis plongée ! Oh,
si le monde connaissait la douleur ! Si les hommes comprenaient ce que
représente l’absence d’un directeur saint et sage au gouvernail d’une âme ! Les
pauvres ! Ils ignorent cette vérité et cette nécessité et en plus ils continuent
de se comporter de façon à tout m’enlever. Jésus, pardonnez-leur, car moi-même
je leur pardonne...
Le Père António n’est pas venu. L’interdit est-il aussi
valable pour les autres ? Que m’arrivera-t-il encore ?...
9 décembre
« J’ai continué à prier... »
(...) Grâce à Jésus et à la Petite-Maman, aujourd’hui je peux
respirer, ainsi que ma sœur et ma famille. Qua le Seigneur soit loué !...
Je ne vous ai pas écrit comme je le souhaitais, parce que je
ne le pouvais pas. Croyez, mon bon Père, que ce ne fut pas un oubli. Combien de
fois j’ai pensé le faire, mais je n’en ai pas été capable ! Une grande crainte
d’être la cause d’une plus grande souffrance pour vous, chose que je ne veux
pas, prenait possession de moi, qui, pour plus d’efforts que je fisse, je
n’étais pas capable de dicter la moindre parole. Cependant, j’ai continué à
prier et à souffrir pour tous. Cette très douloureuse épreuve n’a pas ôté de mon
cœur le très grand et saint respect que j’ai pour eux ; bien au contraire, elle
l’a augmenté.
Le Seigneur m’a fait comprendre que la faute ne venait pas de
leur supérieur. Il m’a même affirmé, au contraire, que celui-ci était innocent.
Mais, même s’il ne l’était pas, ils ne devaient pas en souffrir, à cause de moi.
Je serais restée toujours la même, et je n’aurais pas arrêté de prier pour lui.
Hier, combien de fois j’ai regardé la photo de votre chapelle
pour “voir” si Jésus y était exposé et si je vous “voyais” en
adoration. Je n’ai rien “vu”. Je vous ai accompagné en esprit; j’ai prié
et souffert pour tous. Je vous ai confié à la Maman du Ciel pendant l’extase de
l’après-midi et tout particulièrement ceux qui se sont présentés à la vêture et
ont pris la médaille:
— Petite-Maman, faites que ceux-là soient purs et que
dorénavant ils ne souillent plus leurs âmes même par un seul péché véniel
délibéré...
18 décembre
« Un feu brûle mon cœur... »
Un feu, parfois insupportable, brûle mon cœur et, parfois me
monte jusqu’à la bouche; on dirait que l’on me brûle les lèvres. L’eau avec
laquelle dans temps en temps je les rafraîchis, et que je crache ensuite, ne
sert à rien. C’est le feu, le feu, toujours le feu.
20 décembre
« Le corps souffre beaucoup... »
(...) C’est la douleur qui vit; la douleur torturante de mon corps
et de mon âme. Le corps souffre beaucoup, mais bien plus l’âme. Je n’en sais
rien dire; je vous en donne à peine une petite idée : l’âme suffoque par le fait
d’être autant opprimée et pressée. Mais fautes, mon ingratitude envers Jésus
sont toujours devant moi; la crainte de me tromper et de tromper les autres; la
peur de pécher pendant les luttes contre le démon est toujours devant moi, elle
aussi... Quelle triste vie !
Je veux me vaincre. Je veux croire à la parole de Jésus, mais
cela me coûte beaucoup ! Comment se fait-il que je ne me brûle pas au milieu
d’aussi grandes flammes ?
Et maintenant, le nouveau tourment qui est celui de vouloir
garder en moi ce que Jésus et la Petite-Maman m’a confié le 8. J’ai l’impression
d’être tout le temps victime d’assauts. J’aimerais me cacher sous la terre, où
personne ne le sut, pour que l’on ne me vole pas ce que le Ciel m’a donné et que
je sens être une richesse sans pareille. Que Jésus soit avec moi !
Les jours passent et je n’ai toujours pas un prêtre qui me
tranquillise, qui m’encourage dans mon chemin. Pauvre de moi! Je suis née pour
cela. Fussé-je née pour aimer mon Jésus et ma très chère Petite-Maman comme je
le voudrais et comme Ils sont dignes d’être aimés !...
Il me semble n’être née que pour vivre morte. Je ne sais
comment l’expliquer.
Le docteur et son épouse sont restés ici hier, pendant
quelques heures, pour nous tenir compagnie et nous encourager. O combien je dois
à mon saint médecin !...
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1945 |
5 janvier
« Mon âme est dans une continuelle agonie... »
(...)
Avez-vous compris, d’après mes écrits, ce que Jésus avait
enfermé dans mon cœur ? Quel tourment pour moi! Je ne sais pas comment garder et
défendre un trésor aussi précieux !
Mon âme est dans une continuelle agonie. Ma vie est
continuellement remplie de craintes ; le démon est infatigable pour me
tourmenter. De là, quelle torture, quelle amertume, et quelle misère. Ce qui
appartient à Jésus n’arrive pas à vivre : aussitôt né aussitôt parti vers Lui.
O si seulement j’arrivais à me faire comprendre, si j’avais
un peu de lumière, si j’aimais un peu Jésus et les âmes ! Alors je serais
heureuse; ma joie serait totale !
Mon bon Père, si vous me connaissiez, vous n’auriez pas
autant de sainte considération pour moi.
L’heure arrivera-t-elle où vous pourrez venir jusqu’ici ?
J’ai tellement besoin de lumière et d’un guide ! Comment résisterai-je à ces
vols dont j’ai été la victime ? Mon Dieu, pardon pour tous !
J’ai bien reçu tout ce que vous m’avez envoyé. Je vous envoie
mes remerciements et ma gratitude pour tant de sollicitude de votre part. Je
suis certaine que Jésus en est content: il aime qu’on le remercie pour tout ce
que nous recevons de Lui, et promets enfin de nouveaux dons et grâces. Qu’il
daigne vous combler pour tout.
Je vous prie de remercier les Pères et tous ceux qui habitent
cette Maison de prière, pour les vœux qu’ils m’ont envoyé...
8 janvier
Le Dicteur, “bon Samaritain”...
(...) Cela me peine de ne pas avoir d’instruction : premièrement du
fait de ne pas savoir parler à Jésus, l’aimer, le remercier, le louer comme il
le mérite ; même restant à genoux pendant toute l’éternité je ne lui rétribuerai
jamais dignement tout ce que j’ai reçu de lui. En second lieu, pour remercier
mon cher docteur avec des paroles de louange et de reconnaissance, comme il le
mérite.
Jésus, dans son infinie bonté, y remédie comme lui seul sait
le faire. De ma part je ne sais dire que « merci » pour tout ce que vous
faites à cette pauvre qui ne peut rien, ne sait rien, ne vaut rien.
Qu’en serait-il de moi si Jésus ne vous avait pas mis à mes
côtés, en ces jours douloureux de ma vie, où tout est révolte, mépris, calomnie
et humiliation ? Quelle mer de douleur !
Et moi si seule, sans lumière, sans guide dans mon horrible
chemin !
Essaieront-ils aussi de me prendre mon bon médecin, qui tant
de fois a été pour moi d’un grand réconfort par ses paroles et sa sainte
attention ? Arrivera-t-il comme avec ceux qui étaient lumière et soutient pour
mon âme ?
Que Dieu soit loué pour tout; qu’en tout cela il soit aimé et
soulagé ; que tout ceci puisse lui servir pour sauver le monde entier. Si l’on
me laisse seule, Jésus restera avec moi! Que je meure de douleur, d’abandon, de
mépris, afin que dans mon cœur demeure toujours Jésus, que les hommes ne
puissent pas me l’ôter ! En tout cas, seuls le péché et le démon peuvent me
l’enlever.
Combien elle me coûte cette vie amère ! Ce n’est que par
amour de Jésus et des âmes, le regard fixé sur le crucifix, que je peux la
supporter...
6 février
« J’ai une grande dette... »
(...) J’ai une grande dette ! Combien je vous suis reconnaissante !
Prières, lettres remplies de réconfort, tant et tant de choses !... Comment
pourrai-je vous rétribuer ? Je charge Jésus et la Maman du ciel de le faire pour
moi.
Les vomissements ont cessé, mais je me sens bien malade: je
n’ai pas de force, ni disposition pour la moindre chose.
Il m’aurait plu de vous faire parvenir quelques mots à votre
retour de Lisbonne, mais je n’ai pas pu le faire. Merci pour les nouvelles que
vous m’avez communiquées sur Alexandrina et sur la personne trouvée à Fatima.
Que le Seigneur permette que sa cause triomphe, pour son
honneur et sa gloire et le bien des âmes : c’est ce qui m’intéresse. En effet,
il m’importe peu d’être humiliée.
Que Dieu daigne permettre que vous, après la prédication,
vous puissiez venir ici, comme vous le laissez entendre dans votre dernière
lettre. J’ai tellement besoin de vous parler: je crois suffoquer. Pauvre de mon
âme, combien triste est ma vie !... Le démon, pendant que j’avais les crises de
vomissements, n’a pas usé de ses malices, il bavardait et m’affligeait, me
disant que, après un peu de repos, il m’entraînerait de nouveau à la vie de
péché.
Je vous demande d’avoir l’obligeance de remercier Dom
Previsano pour sa lettre. Pour lui et pour tous les autres prêtres salésiens nos
respectueuses salutations et nos remerciements pour les prières. Je n’ai pas
oublié de m’unir aux leurs, lors de la fête de Dom Bosco...
Salutations et saints souvenirs à tous les novices et à tous
les confrères.
Vous pourriez, maintenant, me dispenser de dicter mon journal
spirituel : je fais pour ce faire un très grand sacrifice !... Laissez-moi tout
souffrir sans rien dicter...
31 mars
La peur, lors des assauts du démon...
C’est avec un grand sacrifice, parce que privée de forces,
que je vous écris pour vous remercier de la lettre qui si charitablement vous
m’avez envoyée. Que le Seigneur vous en récompense.
Pour moi, ce n’est pas une consolation recevoir des lettres
ou des nouvelles concernant des personnes que j’estime beaucoup et qui sont le
soutien et le guide de mon âme; c’est à peine un soulagement qui fait revivre ma
vie plus que morte. Comme je ne veux que ce Jésus veut, ma volonté reste
toujours soumise à la sienne. Je le remercie et le loue pour tout. Je
m’abandonne à sa divine Providence et je reçois les épines comme des caresses
délicieuses du ciel. Jésus le veut. Par amour pour lui et pour les âmes, je
souris à tout.
La peur lors des assauts du démon continue, même si ce
mois-ci j’en ai été u peu épargnée. Mais quand il vient... O combien de malice !
Que je le désire ou non, quelquefois je dois comparaître en
la présence de Jésus. D’autres fois je ne le sens pas, j’éprouve sa perte. Si
vous saviez, mon Père, l’horreur que tout ceci me cause ! Qu’est-ce que cela
peut être de perdre Jésus éternellement ? J’éprouve sa souffrance pour la perte
des âmes; j’éprouve les sentiments et l’amour qu’il a pour elles : il n’existe
pas ni paroles ni intelligence humaine capable de l’expliquer.
L’image ci-jointe avec la phrase qui parle d’épines est pour
vous. Sur l’autre [image], étant donner que je ne peux en envoyer pour chacun
des novices et confrères de cette sainte Maison, j’ai écrit une pensée qui
intéresse tous: c’est mon désire que tous le pratiquent.
Deolinda et toute la famille vous remercie pour vos
salutations et vous les rétribuent avec les vœux d’une bonne fête de Pâques. De
ma part, je vous souhaite, à vous et à toute la communauté les tendresses, les
bénédictions et l’amour de Jésus ressuscité.
Et vous, quand reviendrez-vous ? En vérité, je vous ai
préparé un grand calvaire. Pardonnez-moi, et par charité, ne m’oubliez pas dans
vos prières. Je vous recommande tous à Jésus et à la Maman du ciel...
9 avril
« J’aimerais vous dire tant de choses... »
J’aimerais vous dire tant de choses, mais je ne le peux pas.
Jésus et la Petite-Maman vous le diront pour moi. Ils vous feront comprendre
combien souffre mon âme, afin que vous ayez compassion de moi. Demandez et
faites demander que du ciel me vienne toute la grâce et la force dont j’ai
besoin.
Combien d’anxiétés, de tristesses, d’amertumes; combien
d’abattement dans ma pauvre âme ! Tout ce que je fais qui puisse déplaire à
Jésus, je le fais involontairement. J’aimerais tout souffrir avec la plus grande
perfection et avec le plus grand amour; je n’aimerais pas blesser Jésus. Plutôt
l’enfer, mille et mille fois.
Mais, mon Père, je vous le dit avec la plus grande franchise
et vérité: je veux et je ne le peux pas; je ne trouve rien de bien en moi, rien
de vertueux, aucun amour pour Jésus ; je ne suis que misère, rien que misère.
Comme je serais contente si j’aimais mon Jésus et si je
pouvais lui donner que de l’amour !
Dans toute cette misère que je sens en moi ne restent que le
désir et une volonté très forte de ne vouloir vivre que pour Jésus, ne parler
que de Lui, ne penser qu’à Lui, tout souffrir pour Lui.
Croyez, mon Père, que ceci est la réalité; ne faites pas
comme moi qui semble ne pas croire à ce que je dis.
Le démon m’en fait des bonnes !... Combien il me fait
souffrir ! Combien il est méchant !
Je ne sais rien de vous, mais je sens que vous souffrez, et
pas seulement pour l’interdiction de me confesser. Cette souffrance et toutes
les autres dont je suis la cause, même si involontairement, forment le calvaire
auquel vous avez fait allusion...
A toute la communauté mon remerciement et mes salutations.
Merci pour la lettre écrite avec tant de bonté et pleine de paroles de réconfort
pour me stimuler. Quand pourrez-vous venir à Balasar ? J’ai plusieurs lettres
auxquelles je dois répondre, mais je ne le ferai pas sans un conseil de votre
part...
|
1946 |
20 mars
Larmes de nostalgie...
Mon bon Père...
Cela ne me semble pas une réalité mais un rêve : recevoir une
lettre de vous et pouvoir y répondre ! Pourrai-je le faire ? J’attends des
ordres. En effet, je ne veux pas désobéir. J’écris, mais encore avec crainte. Le
monde est si mauvais. Il est vrai que je n’ai commis aucun crime pour être
traitée de la sorte. Mais il est vrai qu’il vaut mieux souffrir toute une vie
innocente qu’un seul instant coupable. Combien belle est l’obéissance, et
combien elle plaît à Jésus !
Votre lettre m’est arrivée le 13. Ce fut un cadeau de Jésus
et de la Maman du ciel. Je l’ai beaucoup aimée, mais ce contentement ne
m’appartenait pas, ce n’était pas le mien.
Involontairement j’ai versé des larmes : larmes de nostalgie,
de paix et de résignation.
Cela fait aujourd’hui un mois que mon âme vous a vu partir et
vous a accompagné avec une grande souffrance, sur la haute mer, lors de votre
long et douloureux voyage. La vision était claire. Elle vous a accompagné jour
et nuit. Jour après jour elle devenait plus faible ; entre le premier et le deux
mars, elle a disparu. Mon âme cessa de vous voir, mais non point de vous sentir.
Si seulement vous saviez comment il est ce sentiment ! Ou mieux, si je savais
m’expliquer !...
La distance qui nous sépare nous a unis nos âmes plus
fortement que jamais... De la même façon que je suis unie à Jésus et que je ne
cesse pas de penser à Lui, de la même manière je suis unie à l’âme de mon Père
spirituel et je me le rappelle toujours avec une profonde nostalgie : nostalgie
qui de temps à autre me mène aux larmes ; et ce n’est qu’au prix d’un grand
effort que je réussis à les cacher.
Quelquefois j’examine ma conscience: s’agit-il d’un
attachement et d'une affection exagérée ? Non, ce ne l’est pas. Et je reste en
paix. Jésus voit et Jésus le sait. Je n’échangerais pas l’amour de Jésus contre
l’amour de mon Père et celui de toutes les créatures du monde entier. Jésus est
le commencement et la fin de ma vie ; c’est sans doute Lui qui a ainsi uni nos
âmes.
Quatre ans après notre dure et douloureuse séparation, quand
je croyais ne plus pouvoir résister aux désirs et aux souhaits de vous voir
revenir m’encourager et guider mon âme vers Jésus, un coup encore plus dur est
arrivé. Un douloureux poignard a été enfoncé dans mon cœur: ce poignard ne sera
plus enlevé, et la blessure de celui-ci ne se refermera pas avant que vous ne
retourniez ici.
J’ai attendu jusqu’au dernier moment, convaincue que vous ne
partiriez pas. Mais, que Jésus soit loué ! Toute la vie ne suffira pas, toute
l’éternité ne suffira pas pour le remercier d’une aussi grande grâce: il est
venu Lui-même me raffermir et m’apporter résignation. J’ai beaucoup pleuré, mais
silencieuse, calme et sereine.
Le malin m’a tourmentée m’inspirant des doutes et en me
montrant ma vie comme inutile, mais, avec la grâce de Dieu, j’ai tout vaincu et,
ce me semble, sans offenser Jésus. Il sait très bien que s'il me manque, tout me
manque. Il connaît l’abandon dans lequel je me trouve...
Le Père Umberto est bien mon ami et comprend très bien mon
âme, mais très vite, lui aussi, a été interdit de venir.
Toutefois, bien qu'il me comprenne et m’ait soutenue dans des
heures aussi tragiques, j’ai toujours senti que mon Père spirituel était la
première et la dernière lumière de mon âme. Vous n’avez jamais cessé d’occuper
dans mon cœur la même place; Jésus ne vous a pas enlevé de là. Vous étiez et
êtes toujours le premier pour qui je prie. Et le Père Umberto, le pauvre, me
disait :
— Je ne veux en aucun cas m’ingérer dans les affaires
d’autrui. Je ne veux que soutenir votre âme. Votre vrai directeur c’est le Père
[Pinho].
Pauvre de moi, et pauvre Deolinda, si le Seigneur, tout au
long de ces années ne nous avait envoyé un médecin aussi bon et saint! Personne
ne voudrait se trouver dans sa situation. Il est notre ami, ami solide de la
cause de Dieu; il est aussi votre ami, mon Père, un ami sincère...
Le Père Alberto lui aussi m’aime bien, et sais très bien
pardonner les péchés. Que beaucoup de grâces et louanges soient rendues au
Seigneur !...
A quand l’heureuse nouvelle de votre retour, avec la liberté
de pouvoir prendre soin de mon âme jusqu’à la fin des fins ?...
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1947 |
13 février
La visite d’un Carme...
Un Père Carme est passé par ici. Celui-ci, depuis trois ans,
vient au Portugal, en provenance de Rome, où il est professeur d’ascétique et de
mystique, choses que j’ignore. Après une conversation de quatre heures et demi
il repartit en me disant : “Rassurez-vous, vous pouvez être tranquille ; dans
tout ce que vous m’avez dit je n’ai pas trouvé une seule parole contraire à
l’Évangile ni contraire aux enseignements de sainte Thérèse ou de saint Jean de
la Croix. Je connais l’ascétique et la mystique comme le pain de chaque jour. Je
vais être franc avec vous: j’ai déjà été appelé à examiner des cas comme le
votre et j’ai donné un avis contraire, mais pas en ce qui vous concerne: comme
vous le voyez, je vous suis favorable. Vivez avec beaucoup d’humilité, vivez
toujours comme vous avez vécut jusqu’ici. Vos souffrances sont comme des pierres
précieuses pour la couronne qui vous attend. Dites bien au Père Umberto quelle
est mon opinion”.
Il m’encouragea beaucoup. J’ai pleuré des larmes de
réconfort. Au premier abord, il semblait une personne très austère. Ma vie est
remplie d’humiliations et de contradictions. Toutefois, le nombre des amis ne
baisse pas, au contraire, il semble augmenter. Néanmoins, je me sens de plus en
plus seule: c’est bien ma chance ! Combien de fois je dis à Jésus : Enlève-moi
tout, vide-moi de tout afin que je me remplisse uniquement de toi, éternellement
de toi !...
Si j’étais la seule à souffrir, cela me coûterait moins ; ce
qui me cause le plus de chagrin c’est de voir que ceux qui m’entourent souffrent
eux aussi.
5 décembre
« J’ai envoyé la croix... »
— Tu es victime, victime à laquelle j'ai confié la plus
haute mission. En voici la preuve de ce que Je te dis; écoute bien, afin de
pouvoir la faire connaître. Un peu plus d'un siècle est passé depuis que j'ai
envoyé à cette paroisse privilégiée, la croix, comme pour annoncer ta
crucifixion : non pas une croix de roses, parce que même celles-ci ont des
épines; non plus en or, afin que tu n'ai pas à l'embellir de tes précieuses
vertus et par ton héroïsme; mais une croix en terre, parce que ce fut la terre
elle même qui la prépara. La terre était prête, mais il manquait la victime qui,
dans les plans divins, était choisie : c'était toi...
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1948 |
13 septembre
« Combien Jésus est bon... »
Voulez-vous savoir ? Le Révérend Père Umberto est rappelé en
Italie. J’en ressens l’absence. Même s’il ne pouvait pas me confesser, il me
conseillait et m’encourageait dans mon calvaire. Il me comprenait très bien.
Après le coup ressenti lors de votre départ, voilà un autre qui me blesse de
nouveau. Il me restera encore le Père Alberto et Monsieur le Curé. Bienheureux,
car au nom du Seigneur ils me pardonnent mes péchés. Comme Jésus est bon et
comment il me gâte... Le Révérend Père Álvaro Dias, du séminaire de Braga, est
venu ici pour des prédications. Il faisait partie de la commission des
théologiens. Il est venu trois fois me visiter. Je pense qu’il n’aura pas été
mal impressionné par ma souffrance. Je ne sais pas quelle sera leur conclusion,
si tant est qu’ils en prendront une...
21 octobre
Lettre à Deolinda
Vive Jésus ! Vive Marie !
Balasar, le 21 octobre 1948
Ma très chère et bien-aimée sœur,
Je suis triste, car je n’ai rien à t’offrir en ce jour de ton
anniversaire. Mais, de la même manière que Jésus se contente des bons désirs de
nos cœurs, je suis certaine que toi aussi, à sa ressemblance, tu accepteras ma
bonne volonté comme un riche cadeau que je t’aurais donné.
Je ne sais pas pourquoi j’ai ressenti en moi ce désir de
t’écrire quelques lignes. Ce n’est pas pour te dire que je t’aime beaucoup, car
tu sais très bien combien s’aiment nos deux cœurs, et qu’ils se sont toujours
aimés. Ce n’est pas non plus pour te féliciter, car je l’ai déjà fait ce matin.
Ce n’est pas pour te dire que j’ai communié, que je prie et que je souffre pour
toi en cet anniversaire qui passe, car tu sais que depuis bien des années je le
fais. Pourquoi alors ? Quelle est la raison qui me pousse à t’écrire ?
Jésus le sait. C’est certainement pour te remercier pour ta
tendresse, tes attentions, ton soutien; pour te remercier de me tenir compagnie
tout le long de mon triste et douloureux calvaire ! Combien nous souffrons
toutes deux ! Combien de larmes, combien de soupirs étouffés, combien de
tristesses cachées ! Jésus seul connaît le prix de tant de souffrance ; Lui seul
connaît nos désirs de souffrance pour et pour les âmes ! Et toi, ma petite sœur
bien-aimée, avec quel tendre amour tu as entouré mon lit, tout le long d ces
années de martyre. Tu as été prisonnière avec moi, étant ma compagne pleine
d’attention, presque tous les jours, de presque toute ma vie de souffrance.
Pardonne-moi pour mes impertinences; pardonne aussi les fautes que j’ai pu
commettre envers toi. J’ai été quelquefois bien méchante ! J’ai eu tant de
manques de patience! Je t’ai importunée si souvent ! O Jésus, pardonnez-moi ! O
ma bien-aimée sœur, pardonne-moi !
Je ne doute pas que ce grand désir de t’écrire soit pour te
laisser par écrit ma profonde gratitude, mon remerciement le plus sincère pour
tout ce que tu as fait pour moi, et feras encore jusqu’à la fin de ma vie, que
je sens ne plus être éloignée. Le mal augmente, en effet, et par conséquent je
ne dois pas perdre le temps que Jésus me laisse, et par sainte obéissance,
écrire quelque chose, pendant le peu de temps qui me reste. Mais toi, ne
t’afflige pas, car moi, du ciel, je serai toujours ton amie. Je te récompenserai
comme le fait Jésus : cent pour un. Tu peux être sûre que je t’aiderai en tout.
J’ai pleinement confiance que Jésus me laissera faire, étant donné qu’il aime
tant que nous soyons reconnaissants envers ceux qui nous font du bien ! Et toi,
tu as tout fait pour moi! Combien ils me plaisent, ces souvenirs! Je pleure même
malgré moi. Porte avec beaucoup de patience la croix de chaque jour, afin que
d’avantage encore tu répares et consoles Jésus et la Maman du ciel. O combien
souffrent leur Cœurs ! J’en ai de la peine. Sois très amie, comme tu l’as
toujours été, de notre mère. Nous lui devons beaucoup pour la sainte éducation
que nous en avons reçue. (...) Sois toujours reconnaissante et aimable envers
tous ceux qui nous sont chers, et à qui nous devons tout; pardonne à tous nos
ennemis.
Et maintenant, pour terminer: aie courage. Le Ciel, par la
grâce de Dieu est à nous. Là, nous aimerons beaucoup Jésus et la Petite-Maman.
Tendres baisers de félicitations de ta pauvre sœur
Alexandrina Maria da Costa.
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1949 |
24 mai
« J’ai tant à dire... »
Tous les jours je me proposais de vous donner de mes
nouvelles, mais ma croix est si lourde que je ne peux disposer de moi pour rien.
Notre Seigneur fait toujours le contraire de mes désirs. Pour le consoler, je me
soumets aux siens, en tout ce qu‘il veut. J’aimerais rester toujours toute
seule, dans la solitude et le silence, mais, hélas, le plus clair de mon temps
je suis accompagnée. Les personnes qui me visitent sont nombreuses et mes
souffrances bien grandes. Voila pourquoi j’ai tardé à vous écrire. A certaines
heures, les visiteurs ne me laissent pas; à d’autres, ce sont les souffrances
qui prennent possession de moi. Tout cela me cause une grande frayeur! Si ce
n’était le désir de ne pas refuser la croix, je me cacherais dans un petit trou,
pour y vivre seule avec Jésus. Je sais qu’il veut ces souffrances et, confiante
en ses divines promesses sur le salut des âmes, le sourire aux lèvres et le cœur
en sang, je reçois et je conseille, malgré ma grande ignorance, tous ceux qui
s’approchent de moi. Je ne suis pas là pour satisfaire mes désirs, mais ceux de
mon Bien-Aimé Jésus. Je me préoccupe de ne pas perdre mon union, ni avec Lui, ni
avec le très Saint-Sacrement ni avec mes trois amours, le Père, le Fils et le
Saint-Esprit, que je veux aimer à la folie.
Si le martyre de mon corps est indicible, celui de mon âme
est encore bien plus grand...
J’ai tant à dire, mais jour après jour, mon ignorance
augmente, de sorte que je ne sais et ne peux rien exprimer. Si mon âme et mon
cœur pouvaient écrire, ils écriraient un monde de volumes.
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1950 |
16 octobre
Lettre à Deolinda
Vive Jésus ! Vive Marie !
Balasar, le 16 octobre 1950
Ma bien-aimée sœur,
Comme le 21, jour de ton anniversaire approche, et que je ne
peux presque rien écrire, même par obéissance, je commence, dès maintenant à te
livrer un tout petit peu de l’abondance que j’ai dans mon âme. Tu peux être sûre
que celle-ci est la dernière lettre que je t’écris, car Jésus seul — et moi-même
— sait ce que j’ai empiré. Mais, comme je te dois beaucoup, et que nous avons
toujours été amies, je veux, une fois encore, te prouver mon amour et mon
éternelle reconnaissance pour tout ce que tu as fait pour moi. Énumérer tes
preuves d’amour, tes tendresses et tes soins infatigables, cela m’est
impossible. Mais cela, Jésus le sait et Lui-même t’en donnera la récompense. Et
moi, du ciel, ma très chère sœur, je veillerai sur toi, je ferai en sorte qu’une
pluie abondante de grâces, que des nuages de feu divin tombe sur toi, comme
cadeau, et comme prix d’avoir été prisonnière avec moi, d’avoir été mon cyrénéen
sur le chemin de mon calvaire.
Je n’en peux presque plus, et je ne t’ai pas encore félicité
pour ton anniversaire; je ne t’ai pas encore dit que tu peux compter sur ma
Communion, sur ma souffrance et mes prières. C’est si peu! Mais, je n’ai rien
d’autre à t’offrir...
N’oublie pas mes recommandations de l’année dernière. Sois
bonne, sois sainte, aime beaucoup Jésus et la Maman du ciel. Aime ceux qui nous
sont chers ; aime les pauvres et les vieillards, et même les ennemis. Et pour
finir, sois bonne avec tous, car Jésus le veut.
Accepte, ma très chère petite sœur des baisers d’éternelles
félicitations de ta sœur, la pauvre Alexandrina Maria da Costa.
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1954 |
12 décembre
« Nouveau martyre pour mon âme... »
Nouveau martyre pour mon âme. Elle est comme une tige
effeuillée; à ses fibres sanguinolentes ils viennent sucer tout mon être, tout
mon sang et s'accrochent à ces fibres: il s'agit pourtant d'un être qui a la
taille du monde, mais ils arrivent en bandes, ils sont très nombreux. Mais ce
quelqu'un qui représente le monde et les autres qui se présentent en bandes ont
des mains avec des griffes, des yeux hagards, des cheveux en désordre, ce sont
des affamés, insatiables, ce sont de vrais squelettes.
Je n'ai plus de sang, je n'ai plus rien à leur donner. L'âme
se fatigue et meurt de faiblesse.
Mais celle-ci aussi a une faim infinie, ce qui vient
augmenter le tourment de mon corps. Cette faim de l'âme est causée par la
nostalgie de l'alimentation : j'ai la nostalgie de tous les aliments, de tous ;
et même quand je me sens rassasiée, je sens un vide que seul le monde pourrait
remplir...
Jésus, lors d’une extase me dit que ce que je ressens dans
mon âme c'est le monde, ce sont les âmes qui voient déjà les peines de l'enfer,
qui s’agrippent aux fibres de mon âme afin de sucer tout mon sang pour éviter de
se perdre. Et quelle faim infinie est la Sienne (faim d'âmes).
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1955 |
14 janvier
« J’ai montré la croix... »
— Il y a plus d'un siècle J'ai montré la croix à cette
terre aimée ; croix qui est venue attendre sa victime. Ce sont là des preuves
d’amour ! O Balasar, si jamais tu ne corresponds pas !...
Croix de terre pour la victime tirée du néant, victime
choisie par Dieu et qui toujours exista aux yeux de Dieu.
Victime du monde, mais si comblée des richesses célestes,
qui au Ciel ne refuse rien et, que par amour pour les âmes, accepte tout...
10 mai
« Jésus demande pénitence et réparation... »
Elle me montra son Cœur ouvert; uni au sien, se trouvait,
aussi ouvert, celui de Jésus. Après m'avoir caressée, elle me dit :
— Ma fille, ma fille, Jésus demande — et moi je le
demande avec Lui — pénitence et réparation. Ce sont les péchés qui nous lacèrent
ainsi. Bientôt je viendrai te chercher pour te conduire au ciel. Unis ton cœur à
nos Cœurs afin que tu puisses partager notre souffrance.
Jésus alors s'approcha et de nos trois cœurs, n'en fit plus
qu'un, en injectant dans le mien une goutte de son divin sang :
— Reçois cette vie : c'est la vie divine, vie de grâce, de
force et d'amour.
PREMIÈRE PARTIE |
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