Dans les écrits d'Alexandrina nous pouvons lire ceci :
« Sur
mon lit de douleur, j'ai eu de nombreux moments de découragement, mais
jamais de désespoir. »
Elle avait la nostalgie des fleurs et de l'église. Quand
il y avait répétition pour la chorale, les deux sœurs devenaient tristes :
Deolinda de devoir abandonner Alexandrina et, celle-ci de ne pouvoir
l'accompagner.
Au début, la malade chercha à se distraire : elle
invitait les amies à venir jouer aux cartes avec elle.
Elle priait, pour obtenir de Dieu sa guérison. À cet
effet, elle promit d'offrir tous ses parements en or, de s'habiller de noir
toute sa vie, de couper ses beaux cheveux.
Sa mère, sa sœur et ses cousines alternèrent les
neuvaines et les promesses afin d'obtenir sa guérison. Mais Alexandrina
empirait : plus d'une fois elle reçut les derniers sacrements.
Avec la perte progressive des forces, elle renonça aux
passe-temps futiles au moyen desquels elle cherchait à rendre ses journées
moins monotones.
Elle sentit alors grandir en elle l'amour de la prière et
le désir de s'unir à Jésus-Hostie.
En 1928 le village organisa un pèlerinage à Fatima.
Alexandrin sentit grandir de nouveau, à ce moment-là, le désir d'y
participer. Mais le médecin et monsieur le Curé s'y opposèrent fermement :
il était impossible, sinon impensable de la laisser s'aventurer dans un
aussi long voyage, alors qu'il suffisait de la toucher ou de la retourner
sur son lit pour qu'elle éprouve les plus vives douleurs.
Au vu de ce refus, elle laissa éclater ses larmes, mais
une fois encore elle pria pour obtenir sa guérison.
Elle promit cette fois, que si elle guérissait, elle se
ferait missionnaire. Et, dans la douce illusion de sa prochaine guérison,
elle disait à ceux qui la visitaient :
« Si un jour vous m'entendez chanter dans la rue,
sachez alors que c'est moi qui remercie Notre-Dame de Fatima pour la grâce
reçue. »
Mais, se rendant compte que malgré tant de prières elle
ne décrochait pas le trésor qu'elle ambitionnait tant, elle se plia, petit à
petit, à la volonté de Dieu. Elle renonça à tout désir et chercha à aimer la
douleur et à s'offrir à Jésus.
Elle souhaitait vivement avoir une petite statue de la
Vierge : une statue qui soit vraiment à elle. Pour l'avoir, elle commença à
mettre de coté toutes les piécettes, se privant même de certaines petites
choses. Quelques personnes l'ont aidée : l'une d'elles lui offrit deux
poulettes. Deolinda les éleva jusqu'à ce qu'elles pondent assez d'œufs pour
couvrir ces frais. Ce fut de cette façon qu'elle acheta une statue enchâssée
de Notre Dame de Fatima, ainsi qu'une petite table en forme d'autel pour la
placer.
Pendant le mois de mai, autour de ce petit autel qui
jouxtait son lit, elle voulut qu'il y ait beaucoup de fleurs ; sans oublier,
quand ses moyens le lui permettaient, quelques cierges.
Elle écrivait de sa propre main les
fleurettes
pour chaque jour. Cela consistait en l'offrande de sa journée, selon les
besoins particuliers. Elle élargissait sa prière aux intentions de toute la
paroisse, aux villes et aux tout-petits villages des confins de la terre.
Fin mai, elle réunissait ses billets et écrivait une
petite lettre à la Vierge Marie. Ensuite, après avoir placé tout cela aux
pieds de Notre-Dame, elle brûlait la lettre et les fleurettes.
Mais la lettre de [mai] 1935 échappa aux flammes, et
encore aujourd'hui elle est conservée. Elle dit ceci :
« Petite-Maman !
Je viens humblement déposer sur votre autel les fleurs spirituelles que j'ai
cueillies pendant ce mois. Je me sens confuse et gênée. Quelle misère ! Dans
quel état je vous les présente ! Elles sont sèches et effeuillées ! Mais
vous, Petite-Maman du Ciel, vous pouvez les faire sourire.
Douce Petite-Maman ; au dernier jour de votre saint
mois, comme je n'ai rien d'autre, je vous offre tout mon corps, et je vous
demande de le garder, de le prendre entre vos bras, comme si vous étreigniez
une fille à vous très chère.
Bénissez-moi. Demandez à Jésus qu'il me bénisse ; que
la Très Sainte Trinité me bénisse.
Adieu, tendre Petite-Maman, pardonnez-moi tout. »
Début mai, elle faisait à la Vierge cette consécration :
« Mère de Jésus et ma Mère, écoutez ma prière. Je vous
consacre mon corps et mon cœur. Purifiez-moi, Très Sainte Mère ;
remplissez-moi de votre saint Amour. Placez-moi auprès des tabernacles de
Jésus, afin que je leur serve de lampe, tant que durera le monde.
Bénissez-moi, sanctifiez-moi, ô douce et bénie Mère du Ciel!»
Un
jour elle était seule dans sa chambre. Il y régnait un très grand calme et
un grand silence. Sa pensée s'envola vers le tabernacle. Pour exprimer sa
tendresse à Jésus, elle écrivit sur un bout de papier cette aspiration de
son amour :
« Mon Jésus, Vous êtes prisonnier et moi aussi. Nous
sommes tous les deux prisonniers. Vous, Vous êtes prisonnier par amour pour
moi ; moi, je suis prisonnière entre vos Mains. Vous êtes le Roi et le
Seigneur de tout ; moi, au contraire, je ne suis qu'un simple ver de terre.
Je vous ai laissé, abandonné, ne pensant qu'aux choses de ce monde, qui ne
sont que ruine pour les âmes. Mais, maintenant, repentie du plus profond de
mon cœur, je ne voudrai plus que ce que Vous, Vous voudrez ; je veux
souffrir avec résignation. Ne me privez pas, ô Jésus, de votre amour et de
votre protection ! »
Sur la couverture d'un vieux livre, elle écrivit encore
ces paroles :
« En esprit auprès des Tabernacles :
Oh ! mon Jésus chéri, je voudrais pouvoir Vous visiter
dans vos Tabernacles, mais je ne le peux point, parce que la maladie me
tient clouée sur ce lit de douleur. Que votre volonté soit faite ; mais au
moins, mon Jésus, ne permettez pas qu'un seul moment ne passe sans que
j'aille, en esprit, aux portes des Tabernacles pour Vous dire : “Mon Jésus,
je veux Vous aimer ! Je veux m'enflammer tout entière dans les flammes de
votre amour ; je veux Vous supplier en faveur des pécheurs et des âmes du
Purgatoire”. »
Et alors, cette douce prière lui échappait :
« Oh ! suave mélodie,
O douce Vierge Marie !
Par vos douleurs, je vous en supplie,
Portez mon âme à Jésus. »
Tous les matins, en priant, elle s'unissait à toutes les
messes que se célébraient dans le monde :
« O Jésus, je Vous offre ma journée à toutes les
intentions pour lesquelles Vous, Vous offrez Vous-même au Père sur nos
autels. »
L'association religieuse des “Maries des Tabernacles”,
semblable à celle des “Lampes Vivantes” en Italie, était assez
répandue dans le nord du Portugal. A toutes les deux, la portugaise et
l'italienne, Alexandrina s'inscrivit avec un très grand enthousiasme. Elle
en était heureuse.
Tous les matins, à cet effet, elle récitait une prière de
sa propre composition. Celle-ci a le rythme d'un psaume et nous y découvrons
certaines touches poétiques :
O Jésus, voilà la Petite-Maman chérie, écoutez-La ;
c'est Elle qui va Vous parler pour moi. Et Vous, Maman chérie, emportez mes
baisers, d'innombrables baisers, d'innombrables caresses et marques de
tendresse à tous les Tabernacles du monde. Tout pour Jésus-Hostie, tout pour
la Très Sainte Trinité, tout pour vous, douce et tendre Maman. Multipliez
mes baisers, multipliez-les et, avec une tendresse et un amour pur et saint,
avec un amour sans bornes, avec une immense nostalgie, offrez-les de la part
de celle qui ne peut pas se déplacer jusqu'aux Tabernacles.
O Jésus, je veux que chacune de mes douleurs, chaque
battement de mon cœur, chacune de mes respirations, chaque seconde de ma
vie, chaque minute, soient autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque mouvement de mes pieds, de mes
mains, de mes lèvres, de ma langue, chacune de mes larmes, chaque sourire,
joie, tristesse, tribulation, distraction, contrariété ou ennui, soient
autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque fois que j'ouvre ou ferme les yeux,
ce soit autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je veux que chaque syllabe des prières que je récite
ou entends réciter, chaque syllabe que je prononce ou entends prononcer, que
toute parole que je lis ou entends lire, que j'écris ou vois écrire, que je
chante ou entends chanter, soient autant d'actes d'amour pour vos
Tabernacles.
Je veux que chaque baiser sur vos images, ou sur
celles de votre Maman chérie ou encore de vos saints et saintes, soient
autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je veux que chaque goutte de pluie qui tombe
du ciel sur la terre, que toute l'eau des océans et tout ce qu'ils
renferment, que toute l'eau des fleuves et des rivières, soient autant
d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
Je Vous offre les feuilles de tous les arbres, et tous
les fruits que sur eux mûrissent ; chaque pétale de toutes les fleurs ;
toutes les graines que contient le monde ; tout ce qu'il y a dans les
jardins, dans les champs, dans les vallées, sur les montagnes : tout cela je
veux vous l'offrir comme autant d'actes d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je Vous offre les plumes des oiseaux et leurs
gazouillements, les poils des animaux et leurs cris, comme autant d'actes
d'amour pour vos Tabernacles.
O Jésus, je Vous offre le jour et la nuit, la chaleur
et le froid, le vent, la neige, la lune, le clair de lune, le soleil, les
étoiles du firmament, mon sommeil et mes rêves, comme autant d'actes d'amour
pour vos Tabernacles.
O Jésus, je Vous offre toutes les grandeurs, richesses
et trésors du monde, tout ce qui se passe en moi, tout ce que j'ai
l'habitude de Vous offrir, comme autant d'actes d'amour pour vos
Tabernacles.
O Jésus, le ciel et la terre, l'océan et tout ce
qu'ils contiennent, je Vous les offre comme s'ils m'appartenaient et si je
pouvais en disposer ; acceptez-les comme autant d'actes d'amour pour vos
Tabernacles. »
Quand elle écrivit cet hymne de louange, Alexandrina
avait alors 27 ans : dans son âme c'était aussi la saison des bouquets
fleuris...
Trois ans plus tard, en 1934, Jésus s'adressant à elle
lui dit :
— La mission que Je t'ai confiée, ce sont mes
Tabernacles et les pécheurs. C'est Moi qui t'ai élevée à un aussi haut
degré. C'est mon Amour !
* * *
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