Préparation
immédiate à la crucifixion
En effet, jamais plus personne
ne se rendit compte, à partir de ce jour-là, qu’elle subissait des vexations
démoniaques. Toutefois,
ce n’est pas pour autant qu’elle souffrait moins,
compte tenu des horreurs et des afflictions qu’il lui faisait subir sur tout
le corps et tout particulièrement les perturbations qu’il cherchait à lui
inculquer dans l’esprit.
L’une des choses qui la
tourmentait le plus était de penser qu’elle était damnée et abandonné par
Notre Seigneur : « Le démon continuait dans une rage féroce —
écrit-elle le 17 février 1938 — il me poursuit toujours de sa rage
féroce. Je dis, ou plutôt, c’est le démon qui le dit : je suis condamnée,
j’ai la certitude d’être condamnée ! Quel horrible monstre je suis, au
milieu de l’enfer ».
A côté de ces tortures, vint
s’ajouter maintenant une autre, une grande grâce mystique, qui portait les
stigmates d’une souffrance spéciale. C’est ce qu’elle appelait “ardeurs“.
Depuis que je la connais, souvent elle me parlait de chaleurs et d’une sorte
de feu intérieur, ressentit bien souvent, lorsqu’elle dialoguait avec Notre
Seigneur. C’est un phénomène courant chez les mystiques, comme par exemple
saint Ignace de Loyola qui, dans son journal
spirituel écrivit : « senti en mi un ir o
llevar-me dela,te
del Padre y en este andar,
um levantarseme
los cabellos y
moción con ardor
notabilíssimo de todo
el cuerpo ». (Je me suis senti attiré et
ravi jusqu’au Père et, dans cet élan, mes cheveux se dressaient et mon corps
était en proie à une ardeur intense).
Mais ces ardeurs prennent
maintenant en elle des proportions énormes. Elle le dit elle-même dans la
même lettre : « Que ce soit lors des grandes tentations du démon, ou lors
des grandes ardeurs d’amour pour Notre Seigneur, je pense qu’il est
impossible que mon bien-aimé Jésus tarde à venir me cherchez pour me ramener
au Ciel. Je n’ai jamais pensé que l’on puisse tant souffrir. J’accepte tout
avec résignation, par amour pour mon Jésus et pour lui ramener des âmes ».
Le 16 mars 1938, elle écrit :
« Toute la journée mon cœur
ressemblait à une fournaise, brûlant pour mon Jésus. Le soir j’ai eu le
désir très fort de l’aimer. Je n’ai pas pu le cacher : ma mère s’en est
rendue compte. Je ne voulais pas être vue, mais je souhaite ardemment
qu’elle aussi aime beaucoup, qu’elle aime beaucoup Jésus. Aujourd’hui encore
je continue à ressentir dans mon cœur la même fournaise d’amour ».
Dans la même lettre, parlant du
14, elle révèle ces paroles que Jésus lui a adressées :
« Dis à ton Père spirituel :
Je veux qu’il comprenne bien de quel amour tu m’aimes, afin qu’il le fasse
connaître au monde, car ma gloire et le salut des âmes y sont liés ».
L’un des effets de ces ardeurs
ou impétuosités de l’amour, était de la soulever de son lit. Et c’est
maintenant qu’elle — paralysée depuis tant d’années — commence, à
l’étonnement de sa sœur et de sa mère, à bouger, lors de ces ardeurs ou
extases, comme si elle n’était pas paralysée.
Sa sœur, Deolinda m’en faisait
part dans l’une de ses lettres : « Alexandrina continue d’avoir de très
vives ardeurs d’amour pour Notre Seigneur. Cela s’est produit plusieurs
fois, mais seules Sãozinha (sa grande amie) et ma mère en ont été
témoins. Nous fondions en larmes, en entendant tout ce qu’elle disait à
Notre Seigneur. Une fois que j’étais seule avec elle, j’ai crut qu’elle
partait, s’élevant dans les airs ».
Ces phénomènes sont bien connus
dans la mystique et, de très nombreuses fois on a pu les constater chez
Alexandrina. A ces moments-là, me disait-elle, elle se sentait plus légère
qu’une plume, et rien que de regarder vers le ciel elle avait l’impression
que son cœur volait. C’est de cela qu’elle en parle dans sa lettre du 17
mars 1938.
Le 17 j’ai senti des ardeurs
très véhémentes et une énorme envie d’aimer Notre Seigneur ! Elles ont duré
très longtemps. Je demandais avec force à Jésus de me donner de l’amour,
mais rien ne rassasiait la faim que j’avais de l’aimer. Mon Jésus est enfin
venu et m’a dit :
— Écoute, choisis : veux-tu
mourir maintenant ou sauver des âmes, des milliers d’âmes, et en peu de
temps, grâce à tes souffrances ?
J’ai répondu à Jésus :
— O mon Jésus, je veux
souffrir ces ardeurs, autant d’ardeurs que vous voudrez et vous sauver des
âmes… »
Le 24, après avoir qu’elle ait
subi des ardeurs semblables, Notre Seigneur lui disait :
— « Je ne pouvais pas, ma
fille, te voir souffrir davantage, être dans une telle tribulation ; alors
je suis venu te consoler, je suis venu t’apporter la force pour que tu
puisses continuer ton chemin. Courage ! Plus tes ardeurs seront grandes,
plus tu me procureras de gloire, et plus tu me donneras des âmes. Ta fin
arrive. C’est la nuit obscure, les ténèbres sont denses ; mais bientôt
l’éclaircie viendra, pleine de splendeur. Avec quelle pureté et quelle
candeur, avec quelle lumière, la lumière éternelle !.
Après avoir entendu ces
paroles de Notre Seigneur, mon âme a joui d’une grande paix qui a duré
quelques heures ».
Parfois, les élans d’amour
envers Notre Seigneur lui arrivaient lorsqu’elle en causait distraitement,
ou qu’elle écrivait une lettre. Par exemple, le 20 avril 1938, entre autres
choses, elle disait : « Mon bien-aimé Jésus est bon, très bon et il fera
tout pour que je lui reste fidèle et corresponde à son amour jusqu’à la fin.
Il sait très bien que je n’ai d’autre désir que celui de l’aimer et de le
faire aimer par tout le monde, de réparer pour tous, pour tous les crimes,
pour tout, sans même qu’il sache mes sentiments… En un mot : Je veux mourir
d’amour ».
« Mon Père, ces paroles sont
déjà dictées sous de très vives ardeurs. Je me suis levée et Deolinda
(sa sœur qui écrit ce qu’elle dicte) a dû s’arrêter. J’ai demandé à mon
Jésus et à la Petite Maman du Ciel de me donner de l’amour ; mais rien ne
remplissait le vide que je ressentais ».
Aussitôt après elle explique de
quelle manière Notre Seigneur venait à son secours :
« J’ai été entendue, j’ai
été désaltérée, ma faim é été rassasiée ; je ressentais une grande paix et
comme qu’une lumière qui m’illuminait. Ces ardeurs je les ai déjà ressenties
à plusieurs reprises : bien des fois je sens comme une fournaise dans mon
cœur. Je ne veux pas dire que c’est un feu qui brûle (sic), mais je
le sens bien… »
Lors de l’une de ces
élévations, le 5 mai 1938, Notre Seigneur lui dit :
— « Tu es la petite folle de
Jésus et moi, je suis le fiancé amoureux d’Alexandrina »
Toujours dans la même lettre,
elle écrit :
« La fournaise de mon cœur
est très ardente aujourd’hui ; ce n’est que du feu, quand au reste, tout
semble mort. Soit : ce sont des caresses de mon Jésus ».
Puis, le 10 mai 1938, elle
écrit encore :
« Mon cœur est presque toujours
brûlé par de vives flammes : mais je ne ressens aucun réconfort ; ni les
prières ni non plus les ardeurs d’amour, parce que rien ne m’appartient :
tout disparaît. Oh ! par fois je reste abattue, seule, sans forces ; tout
semble alors perdu. Mais mon Jésus revient doucement et me revoilà de
nouveau remplie de force, prête à tout lui offrir pour les pécheurs et pour
l’aimer jusqu’à la mort.
Hier, toute la matinée, j’ai
été touchée par des élans d’amour. Dans l’après midi ces élans augmentèrent
à tel point qu’une heure après je n’en pouvais plus. Quelle fringale
d’amour ! Et mon Jésus ne venait pas ! J’ai demandé et alors, j’ai commencé
à m’enflammer, à me remplir ; ma faim se rassasiait petit à petit. Quelle
suavité dans mon âme ! Mais j’en voulais encore. Je voulais mon Jésus. Peu
de temps après je l’ai entendu me dire :
« Alexandrina, petite folle
de l’amour divin, aie confiance, aie confiance, mon épouse de prédilection.
Tu m’aimes et moi, je t’ai aimée dès le premier instant de ton existence. Je
t’ai tant aimée, que bien vite j’ai atteint le comble de l’amour que je peux
accorder aux créatures…
Si je ne t’aimais pas
autant, je ne te ferais pas souffrir autant. Je te donne toutes les
souffrances du corps et de l’âme. Mais il est nécessaires, mon ange, que tu
souffres de la sorte, afin que tu puisses occuper la place que je t’ai
accordée dans mon divin Cœur.
Tandis que toi, ma petite
folle d’amour, tu endurais, ces derniers jours, tant d’angoisses et de
désolations, je prenais en toi mes délices, et alors j’oubliais les crimes
des pécheurs ».
Dans un cours paragraphe elle
explique ce qui se passe en son âme, lorsque, après les ardeurs, Notre
Seigneur vient à son secours :
« Lorsque je commence à
sentir d’ardents désirs de Notre Seigneur, il me semble que mon âme s’élance
vers le ciel, plus rapide encore qu’un feu d’artifice. Je tombe dans les
bras de Jésus et dans ceux de ma Petite Maman et je m’y perds. L’affliction
disparaît, mes ardeurs amoureuses se calment, car j’ai trouvé ce que je
désirais. Cela me soulage un peu. Mais bientôt de nouvelles souffrances et
angoisses envahissent mon âme. Maintenant encore, depuis que je dicte cette
lettre, je sens sur moi tous les péchés du monde, comme autant de lions
féroces, se jetant sur moi » (lettre du 11 juillet 1938).
Il y aurait encore bien des
choses à dire sur ce sujet si important. Il faut tout de même savoir que
plus tard, elle arrive à une telle extrémité que le seul fait de prononcer
le mot amour la met dans une grande agitation, ce qui la fait beaucoup
souffrir. Il en est de même pour le mot Ciel. D’autre part le mot
pécheurs, la laisse dans une vraie frayeur, particulièrement à compter
du début octobre 1938.
Elle priait fréquemment Notre
Seigneur d’inventer, toujours, de nouvelles souffrances, pour la faire
expier les fautes des pécheurs et Il l’exauçait. En effet, vers cette même
époque, dans ses lettres elle fait référence à une affliction particulière
et terrible qu’elle appelait « abîmes ». Elle se sentait suspendue
au-dessus d’abîmes monstrueux remplis de crimes et d’immondices, ce qui lui
causait une douloureuse affliction. Parfois, je l’ai trouvée dans ces
angoisses mystérieuses et inexplicables. Ces abîmes épouvantables c’étaient
les âmes en état de péché, lui expliqua Notre Seigneur.
A partir du 24 juillet 1938, il
y eut dans ses souffrances une autre variante : Jésus commença à lui montrer
au vif les mauvais traitements que les pécheurs, par leurs péchés, infligent
à son Corps très Saint, ou alors il lui montrait des scènes de sa Passion.
Écoutons ce qu’elle en dis le
25 juillet 1938 :
« Hier, dimanche, Notre
Seigneur a changé ma souffrance. Oh ! mon Jésus !... Juste après l’avoir
reçu, une tristesse mortelle s’est emparée de moi, ensuite j’ai put voir les
mauvais traitements dont Notre Seigneur est victime ».
Elle voit alors le Corps et le
Cœur de Jésus atteints par toute sorte d’opprobres. Elle raconte alors :
« J’ai profondément
contemplé ce horrible spectacle ; j’ai bien vu des yeux de mon âme tout
cela. Je n’en pouvais plus. Mon cœur me faisait mal et il était très agité :
la respiration me manquait et j’ai dit alors à Jésus : ―
Cela suffit ! Cela suffit ! Ne souffrez plus !
Mais il continuait de
souffrir. Alors, les larmes aux yeux je lui ai dit : ― O mon
Jésus, je ne peux pas vous souffrir ainsi. Ce que vous avez souffert
par ma faute est déjà beaucoup. Je vous aime, je suis votre victime ; faites
que je souffre à votre place ! Faites que mon cœur soit tailladé, jeté aux
bêtes féroces et écrasé avec les crimes du monde, mais ne souffrez plus. Je
veux tout souffrir, tout, mais tout par amour pour vous et pour sauver les
pécheurs ! Puis, petit à petit les souffrances de Jésus se sont atténuées et
Il disparut ensuite… »
Dans sa lettre du 15 août 1938,
elle fait le description d’une vision du Christ maltraité et couronné
d’épines. Cette vision la porta à renouveler son offrande, pour endurer de
nouveaux tourments.
Avec ce genre de tableaux Jésus
la prépare et réveille en elle davantage encore de générosité, en vue des
grandes souffrances que bientôt il va exiger d’elle, tous les vendredis.
Le 24 Jésus lui affirmait
exiger d’elle un calvaire que jamais il avait exigé de quelqu’un d’autre,
« parce que à aucune époque le monde avait été aussi dégradé que
maintenant ; jamais la malice de l’homme n’avait atteint de telles
proportions ».
Un mois plus, le 12 septembre
elle écrit :
Dimanche 11, aussitôt après
avoir reçu Notre Seigneur, une grande tristesse et un poids écrasant sont
tombés sur moi, mon cœur semblait se déchirer. J’ai entendu distinctement
quelqu’un pleurer : quels pleurs déchirants et émouvants ! Ensuite, j’ai
entendu Notre Seigneur me dire :
― « Oh !
Ma petite folle ! Oh ! Mon héroïne ! Écoute ton Jésus : Je viens en toi, non
point pour te donner courage, ni non plus pour te consoler, je viens me
soulager avec toi, je viens verser mes larmes dans ton cœur. Je ne peux plus
supporter la monstruosité du pécheur !
Pénitence !
Pénitence dans le monde entier !
Pénitence !
Ou bien le monde se relève rapidement ou alors,
avec la même rapidité il sera détruit !
Gare au monde !
La Justice divine ne peut plus le supporter !
Toi du moins, compatis avec
moi. Vis dans cette tristesse, toi du moins, toi qui es mon épouse si chère,
la victime la plus généreuse. Tu ne veux pas de consolation, comme tu ne
veux pas voir ton Jésus dans une pareille affliction.
Dis vite à ton Père
spirituel : Je veux que ceci soit annoncé au monde entier, avec force, avec
la force d’un tonnerre, avec la clarté d’un éclair :
Pénitence !
Pénitence !
Pénitence !
Le jour de la catastrophe
arrivera bientôt (ces paroles furent dites un an avant que ne commence
la deuxième guerre mondiale…)
Je fais connaître ma
volonté, mais on la méprise !
Courage ! Ne doute pas que
c’est ton Jésus qui te parle ! »
Et elle continue :
« Je n’ai senti ni
consolation ni délices, ni non plus les caresses de Notre Seigneur, mais
uniquement de la tristesse, une affliction si profonde que mon cœur semblait
ne pas s’en remettre ; il ne tenait pas dans ma poitrine et la respiration
me manquait. Toutefois, pendant que Notre Seigneur me parlait, je me sentais
dans une paix tranquille et aucun doute n’a troublé mon esprit. Je disais
alors à Jésus :
« O mon Jésus, je veux tout
souffrir, tout ; je veux être écrasée par vous : je suis votre victime.
Mais, ne punissez pas le monde. O mon Jésus, je veux être votre
paratonnerre, à chaque endroit où vous habitez au Saint-Sacrement, pour
recevoir sur moi les monstruosités des pécheurs et vous en délivrer ».
Un peu plus loin, elle raconte
encore, s’adressant a son Directeur spirituel à qui la lettre est destinée :
« Je suis si triste ! Et cette
tristesse semble se faire sentir encore davantage, après la Communion. J’ai
tant de peine pour Jésus ! Je ne sais pas ce que je peux faire encore pour
Lui, et pour lui sauver des âmes. Ah ! si seulement je savais souffrir comme
il faut, mais, pauvre de moi, je suis si immortifiée ! Ne voulez-vous
m’autoriser ce dont je vous ai parlé, il y a quelques jours ?