
ECRITS DE LA BIENHEUREUSE ALEXANDRINA
— 10 —
juin 2008
27 février 1942
Jésus, donnez-moi vos forces
divines : je veux ma souffrance et, sans vos forces je n’y parviendrai jamais.
Que mon cœur pleure nuit et jour si vous le désirez, mais que mes yeux
s’illuminent et mes lèvres sourient. Que votre divin amour et les âmes soient le
but de ma souffrance. Je suis comme la
colombe qui dans les airs, jour et nuit
bat ses ailes, mais trouve pas où se poser : seule votre puissance est son
soutien. Les forces lui manquent, elle ne peut plus poursuivre son envol et
tombe, n’ayant personne pour la soutenir, si vous, Jésus, vous lui manquez.
Jésus, c’est moi qui flâne dans
les airs, c’est que le tempête détruit, je suis la plus indigne de vos filles,
sans lumière et sans protection.
O Jésus, je ne savais pas que
j’avais encore autant à vous donner. Combien grande est mon ignorance ! Je
pensais vous avoir tout donné ; je me suis trompée : vous êtes venu maintenant
faire la dernière récolte. Cueillez tout, cueillez vite et cueillez-moi ensuite
pour vous. Je vous ai donné définitivement, le 20, et jusqu’à tant que vous
voudrez, mon Père spirituel. Je vous ai donné le 24 toutes les lettres que
j’avais de lui, lesquelles m’ont servi de lumière et m’ont fait cheminer vers
vous. Vous avez vu combien grand fut pour moi ce sacrifice, non pas à cause de
l’attachement que j’ai à ces lettres, mais parce qu’elles m’ont été demandées en
une période de grande douleur. Quand je les ai prises en main pour les attacher
ensemble avec un ruban blanc, vous avez entendu, mon amour, ce que je me
disais ! Jésus me les a données, Jésus me les a prises. Quand je les ai remises
pour ne plus jamais les revoir, on dirait que tout mon corps a frémit.
Mais, voulant me montrer forte, je murmurais sans cesse : “Jésus n’est-il pas
digne de bien plus encore de sacrifices ? Rien est de trop pour Lui, Lui qui
m’aime tant et a tant fait pour moi ! Rien est de trop pour le salut des âmes !”
Après cela, j’ai demandé que l’on
décroche du mur sa photo. De ceci, mon Jésus, vous ne pouvez tirer grand profit
pour les âmes, car cette photo avait peu de valeur à mes yeux et je l’aurais
volontiers mise dans le feu.
La seule douleur que m’a causée cet acte ce fut de voir que même cette photo les
dérangeait, alors que moi, je n’avais rien à me reprocher.
Mon Jésus, cela me coûte beaucoup
d’être cause de souffrances pour les autres ! Regardez toute ma peine et jetez
sur moi un regard plein de compassion.
Mon Jésus, ma crucifixion
approche. Regardez-moi crucifiée sur la croix avec vous, les yeux levés vers le
Ciel, que je ne vois plus, mais criant toujours : “Jésus, Jésus, pourquoi
m’avez-vous abandonnée ?” Je suis toute seule, l’aide du Ciel et de la terre me
manquent. Je l’accepte, cet abandon, pour vous consoler ; j’accepte tout, et je
souffrirai tout afin que les portes de l’enfer se ferment.
Après la crucifixion
Mon bon Jésus, vous veillez
toujours sur moi, vous me fortifiez toujours par votre grâce et votre divine
puissance. Vous m’avez redonné courage en me disant :
― “Ma fille, ma petite folle,
c’est dans ta crucifixion qu’est tout le salut des âmes. C’est dans ta grande
souffrance que je trouve consolation et dans ton immolation totale qu’est ma
gloire ; c’est dans ton calvaire que ma joie est totale. Courage, courage !
Je suis partie vers Gethsémani.
On ne peut pas comparer les angoisses et les tristesse humaines aux vôtres.
Combien avez-vous souffert pour amour de moi ! Aurai-je le courage de vous
refuser quelque chose ? Oh! Non, mon Jésus, non! Donnez-moi la force de ne pas
user d’une telle ingratitude.
Les ténèbres à Gethsémani étaient
accablantes. Toutes les souffrances étaient épouvantables. Les péchés du monde
étaient le pressoir le plus dur qui serrait mon cœur et le vôtre. C’était le
péché, seulement le péché qui causait toutes ces souffrances ; c’était le péché
qui éloignait de moi le Ciel, me laissant dans plus grand abandon, m’obligeait à
suer du sang. Ce fut le péché, uniquement le péché, qui fut le bourreau de toute
votre Passion. Combien je vous dois, mon bon Jésus, d’avoir souffert pour moi et
de m’associer à vous !
Je ne pouvais déjà plus résister,
mais votre divine voix m’a dit tout bas :
― “Tu as, mas fille, toujours
devant tes yeux, l’amour de ton Jésus!”
O mon Amour, je sens disparaître
de jour en jour, à chaque moment, les forces de mon corps et de mon âme ! Ce
n’est qu’en vous ayant crucifié en moi que je pourrai vaincre. Je ne vis déjà
plus, car tout en moi est mort.
J’ai été flagellée et couronnée
d’épines, puis je me suis reposée dans votre divin Cœur ; je le serrais très
fort contre le mien : m’y accrocher pour toujours et ne jamais m’en séparer
était mon plus grand désir. Il y eut des courts moments ou vos avez laisser
tomber votre grâce sur moi et quelques rayons de votre Amour ont réchauffé mon
cœur.
Quand je me suis reposée auprès
de la Petite Maman du Ciel, ses très saintes lèvres s’unissaient aux miennes
pendant tout le temps de mon repos. Ce ne sont pas là des consolations, mon
Jésus, vous savez bien que tout cela a disparu pour moi, ce sont des aides que
vous me procurez, sans lesquelles ma crucifixion serait impossible.
Je suis partie vers le calvaire :
à chaque pas je tombais à terre, presque mourante. Lorsque j’ai été clouée en
croix, comme des fontaines le sang coulait de mes plaies. Les insultes que
j’entendais tailladaient tout mon corps. La souffrance faisait battre tellement
mon cœur que j’avais l’impression que ma poitrine allait s’ouvrir. Vous appeler
au secours, crier vers le Ciel, tout cela était inutile. Autour de moi tout
était ténèbres et abandon, seul me restait une agonie mortelle.
O mon Jésus, la crucifixion est
terminée, la nuit est déjà bien avancée et, en haut du calvaire je reste les
bras ouverts, clouée à la croix, dans la nuit la plus triste, en criant
toujours : “O Ciel, ô Ciel, ô Ciel, pourquoi m’as-tu abandonnée ? O terre qui me
méprises et me haïs !”
Mon cri se perd dans un monde
d’abandon ; l’écho de ma voix se perds dans un monde sans fin. Je suis seule,
Jésus, je tremble à cause du froid et de la faim. Je suis aveugle, j’ai perdu la
lumière. Le monde n’existe-t-il plus, mon Amour ? Ce ne sont que ténèbres et
aveuglement. Ajouter, mon Jésus, à cette vie pénible, la douleur que me cause le
départ de mon Père spirituel. Jésus, Jésus, permettez tout, sauf le scandale ;
je ne veux pas que vous soyez offensé et bien encore moins dans ce qui me
concerne. Pardonnez à tous, pardonnez-moi aussi et accordez-moi votre
bénédiction, Jésus.



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