Les textes sur la Passion du Seigneur
sont très nombreux dans les écrits de la
bienheureuse
Alexandrina : elle l’a vécue dans sa chair de manière visible tout d’abord
jusqu’en 1942, puis, jusqu’à sa mort de manière cachée, à l’abri des regards des
nombreux “pèlerins” « qui du Portugal ou de l’étranger venaient nombreux la
visiter » dans son humble chambrette, et qu’elle « accueillait, toujours
souriante et avec une admirable bonté », et auxquels encore, elle prodiguait
volontiers un enseignement simple mais riche de vérités évangéliques…
Il fallait donc faire un choix, choix
qui n’a pas été simple, étant donné le matériel dont je disposais, qu’il
s’agisse des “Sentiments de l’âme”, du “Journal spirituel“ ou des
“Lettres“ envoyées à ses deux Directeurs spirituels, les Pères Mariano
Pinho, sj et Umberto Maria Pasquale, sdb.
Pour ne pas surcharger ce texte de
notes de fin de page, j’ai décidé de ne pas y inclure les dates et les titres
des documents auxquels ils sont empruntés, et qui peuvent être consultés, pour
la plupart, dans les documents déjà publiés sur le site
http://alexandrina.balasar.free.fr,
que ce soit en portugais, français, anglais ou italien.
Il faut dire ici que la bienheureuse
Alexandrina était, ce que l’on peut appeler dans le langage mystique une
« âme-victime ».
Mais, qu’est-ce donc qu’une
âme-victime ?
« Les âmes-victimes – il en existe un
grand nombre de par le monde – sont des âmes choisies d’une façon spéciale par
le ciel, par la Trinité divine, dont elles deviennent filles et épouses à un
degré sublime ; ce sont les âmes les plus aimées du Père, les plus intimement
unies au Fils et au Saint-Esprit.
Ce sont les âmes qui, généreusement,
souvent héroïquement, font don de leur vie humaine à Dieu, subordonnant toute
leur vie à la volonté divine, ne voulant que ce que Dieu veut d’elles, ne
désirant que Dieu, vrai, unique, grand bien, Alpha et Oméga de tout et de tous,
s’offrant et s’immolant elles-mêmes, par amour pour Dieu, Bien suprême, raison
et but de la vie, pour réparer leurs offenses et celles d’autrui.
Les âmes-victimes sont des âmes
privilégiées qui demandent non seulement de pouvoir suivre le Christ, en
conformité avec sa parole : “Que celui qui veut venir après Moi se renonce
lui-même, qu’il prenne sa Croix et me suive”; elles ne se contentent pas
seulement de suivre le Christ sur la voie du Calvaire, elles montent avec Lui
sur la Croix ».
Voilà qui est claire et nous aide à
mieux comprendre le vécu d’Alexandrina, son attirance pour Dieu et pour la
Passion du Seigneur.
Et maintenant, un hommage personnel –
que j’ai déjà écrit ailleurs – à celle que familièrement j’appelle « ma petite
sœur du ciel » et à qui je dois tant :
« Alexandrina Maria est pour moi ce
qu'est l'eau pour les plantes ; elle est le pont qui me permet de traverser le
torrent impétueux ; elle est mon rayon de soleil, mon directeur spirituel
invisible...
Je ne savais pas qu'il était possible
de vivre un amour aussi doux, aussi merveilleux; un amour qui n'a rien à voir
avec l'amour que l'on porte à son épouse, à ses enfants, à ses parents... mais
un amour qui affermit tous les autres et qui vous donne des ailes en ce qui
concerne l'amour de Dieu !... »
Avec le Père Pasquale, il est
possible de dire ici, à la lecture de ces textes simples, qu’il n’est « pas
difficile de démontrer comment les saints – tout comme Alexandrina – sont, en
réalité, les découvreurs du Christ et nous révèlent sa resplendissante beauté et
son infinie miséricorde ».
Toujours, avec le même Père, je peux
dire, en guise de conclusion : « Quand nous découvrons un saint, nous sommes
toujours portés par le désir de mieux le connaître, de l'entendre parler et, de
lui parler ».
Veuille le Seigneur qu’il en soit
ainsi, car suivre les pas d’Alexandrina c’est suivre les pas de Jésus, c’est
aller droit vers le bonheur suprême : Dieu.
Alexandrina Maria da
Costa naquit à Balasar (Portugal), le 30 Mars 1904. Voulant échapper à la
passion d’un homme qui était entré dans la maison, la courageuse jeune fille
sauta paria fenêtre de sa chambre. Ce geste héroïque fut à l’origine de sa
longue maladie et la força à garder le lit pendant trente longues années.
Dans
l’isolement de sa chambre, tourmentée par des souffrances indescriptibles, elle
se consacra aux Tabernacles pour réparer les profanations eucharistiques et
l’abandon où le Seigneur est laissé par ses créatures. A cette école elle apprit
à s’immoler comme victime pour les pécheurs.
En 1935 et en beaucoup d’autres fois,
le Seigneur, en lui annonçant la guerre comme châtiment des nombreux péchés de
i’humanité, lui disait :
« Ce sont les victimes de mes
Tabernacles qui soutiendront le bras de la Justice divine, pour que le monde ne
soit pas détruit, pour que ne viennent pas de plus grands châtiments. »
La même année, Jésus lui ordonna de
demander au saint Père la consécration du monde au Cœur Immaculé de Marie, et
l’institution de sa fête liturgique comme moyen d’appeler les hommes à la
pratique du bien.
« Comme j’ai demandé à
Marguerite-Marie la dévotion à mon divin Cœur, de même Je te demande à toi que
le monde soit consacré au Cœur de ma Très Sainte Mère avec une fête solennelle
en son honneur » (le 30-7-1935).
Pendant la guerre, en fille dévouée,
elle s’offrit comme victime pour le Pape et lui écrivit le rassurant parmi les
dangers des catastrophes internationales.
Tout de suite après l’élection de Pie
XII, Jésus lui prédit le 27 mars 1939 :
« C’est celui-ci le Pontife qui
consacrera le monde au Cœur Immaculé de Marie, ma Mère. »
Trois ans après, cette parole de
Jésus s’accomplissait. Le Seigneur lui avait déjà dit le 6 décembre 1940 :
« La pais reviendra, mais au prix de
beaucoup de sang. Le saint Père sera ménagé. Le dragon orgueilleux et enragé,
qui est le monde, n’osera toucher à son corps, mais son âme sera victime de ce
dragon. »
Alexandrina vécut à partir du 27 mars
1942 jusqu’à sa mort en 1955, sans avoir pris d’aliment, hormis la Communion
quotidienne. Peu de temps avant sa mort, Jésus lui avait transmis ce message :
« Cherche des âmes qui m’aimant dans
le Sacrement de mon amour, qui prennent le place quand tu iras au Ciel. — Invite
le monde à la prière, à la pénitence, à s'enflammer d'amour pour Moi. — Pauvre
monde, que deviendra-t-il s’il n’écoute pas cet appel divin ! »
Et la Très Sainte Vierge, le même
mois, comme bonne Mère de miséricorde, lui indiquait le moyen d’apaiser la
Justice Divine si outragée :
« Parle aux âmes, parle-leur de
l’Eucharistie, parle leur du Rosaire ».
C’est elle qui composa cette prière :
« O mon Jésus, je Vous adore en tout
lieu ou Vous habitez dans le Très Saint Sacrement; je Vous tiens compagnie pour
ceux qui Vous méprisent. Je Vous aime pour ceux qui ne Vous aiment pas: je veux
expier pour ceux qui Vous outragent. Venez en mon cœur. »
Tourmentée par les douleurs, dans une
immolation indescriptible, elle s'envola au Ciel le 13 octobre 1955.
Sa mission d’attirer des âmes à Dieu
continue d’une manière sensible comme le témoignent les pèlerinages à sa tombe
et à la chambre où elle vécut et mourut et aussi aux nombreuses grâces qu’on lui
attribue.
Quel triste jeudi !
Combien de fausseté on me prépare !
Je me trouve au milieu d’un rassemblement important,
à une invitation d’une très grande intimité
les conversations sont orientées au réconfort.
Dans mon âme deux tableaux bien différents se présentent :
une trahison sans égale et un amour sans pareil ;
un amour, une douceur, une tendresse telle
envers le traître qu’aucun cœur ne peut comprendre.
Combien d’appels pleins de douceur à
l’adresse du traître !
Mais celui-ci résiste, il ne se rend pas,
il ne se trouve pas à l’aise à côté de l’Agneau, victime innocente.
Vers la fin de la matinée j’avais
cette impression :
je courais vers la mort et la mort vers moi.
Je courais parce que des impulsions d’amour
m’obligeaient à courir.
le sang et la mort seuls auraient pu sauver
le monde et moi, je voulais le sauver.
J’ai commencé à me rendre compte
que Jésus pleurait à l’intérieur de moi.
Moi, j’étais la ville de Jérusalem ; j’étais Jésus ;
j’étais l’amour et l’ingratitude.
Vers la cité, partaient de mon cœur
les plus doux et tendres regards.
Ils étaient des regards de rappel,
des regards de compassion.
Mais de la ville, rien ne sortait vers moi !
Seule la révolte grondait contre moi.
En fin d’après-midi,
je me suis sentie réunie avec des amis.
Ô mon Dieu, que se passe-t-il ?
Des scènes si contrastées !
J’étais Jésus et, sur mon cœur,
je sentais quelqu’un poser sa tête sur ma poitrine :
Mon cœur s’est attendri d’amour pour lui.
et moi j’étais ce quelqu’un.
J’étais la table, j’étais le pain et le vin ;
j’étais la coupe qui contenait le vin ;
j’étais les plats où les viandes étaient servies.
J’étais Judas ; j’étais tout.
J’étais la douceur et la mansuétude de Jésus ;
j’étais le désespoir et la trahison de Judas.
La nuit tombée je me suis trouvée
dans un banquet d’amis.
Au milieu de cette amitié je sentais le traître
qui, peu après, allait m’embrasser,
et j’ai éprouvé la douleur que ce baiser allait me causer.
Il fait nuit et mon âme sent comme
jamais
que c’est une nuit d’amour : la sainte nuit.
Quelle nuit ! Quelle sainte nuit !
La plus grande de toutes les nuits !
La nuit du plus grand miracle,
du plus grand amour de Jésus !
Quelle nuit féconde, quelle belle
nuit !
Les anges sont descendus pour adorer ce grand mystère...
Pendant ce banquet j’ai lavé les
pieds
à ceux qui m’entouraient.
J’avais sur moi de l’eau, serviette et bassine.
Parmi eux, un se sentait gêné que je lui lave les pieds.
Un seul regard de moi et il était prêt
à se déshabiller pour que je le lave tout entier,
s’il en était nécessaire.
Que de conversations
sur tant de mystères et sur tant de grandeurs !
Jésus s’apprête à partir, mais il
veut rester avec nous.
Quels liens d’amour partent de son Cœur
vers les cœurs de ceux qui lui sont chers !
Quelle anxiété de partir mais aussi de rester !
Mon cœur ressent tout cela.
Si je pouvais rendre tout l’amour,
la bonté et la tendresse de Jésus,
combien cela ferait de bien aux âmes !
Mais je ne sais pas mieux l’expliquer.
Son divin Cœur était uni à ceux qui
lui étaient si chers.
Pour pouvoir partir, il lui fallait rester parmi eux ;
pour monter au ciel, il lui fallait rester sur la terre ;
son divin Amour l’y obligeait.
Le regard halluciné du mauvais disciple
est resté imprimé dans mon cœur,
comme aussi le silence profond du nostalgique congé.
Je sens que je prends congé d’une assemblée.
L’amertume de mon âme ne pouvait pas être plus grande.
Mon âme a vu Jésus
descendre les escaliers vers le Jardin des Oliviers.
J’ai vu et j’ai senti la Petite-Maman,
en bas des escaliers, enveloppée d’un manteau,
les yeux pleins de larmes,
fixer Jésus qui était déjà loin.
Quelle triste séparation !
Quelle douleur que celle de Jésus
se séparant de sa Mère !
Il savait très bien que dans quelques heures,
elle chercherait à l’embrasser, à le serrer dans ses bras,
à le réconforter un peu, sans pouvoir le faire.
Je courre vers les souffrances
avec une grande avidité de les saisir
et en même temps il me semble
qu’elles me fassent pleurer
des larmes de sang que j’aimerais cacher.
Ô horreur, épouvantable horreur !
Je veux souffrir et je veux fuir la douleur.
Plus je souffre, plus je désire
souffrir,
mais je souffre terriblement.
J’aime la douleur, je la veux,
et pourtant j’en ai la plus grande terreur.
Tout me cause horreur :
la mort, l’abandon, ô mon Dieu !
Je voyais les oliviers du Jardin,
la lune pâlie et la brillance triste,
comme triste était aussi le divin Cœur de Jésus.
Tout paraissait triste parmi les branches des oliviers
et, une telle tristesse invitait au silence et au recueillement.
À genoux, je lève mes yeux vers le
Père éternel ;
je lui fais mon signe de tout accepter.
Je baisse les yeux, je me recueille en moi-même
et j’étreins l’univers contre mon cœur.
Je m’offre à la mort. J’attends mon heure.
Je sens et je vois les tourments qui
m’attendent.
Je sens que je suis prise comme cible :
les pierres me blessent le cœur.
Combien de larmes de chagrin et de
honte
en me voyant revêtue de toutes les immondices
et de me trouver dans un tel état
en présence du Père éternel !
Prosternée jusqu’à terre,
je sentais des tels déchirements
et de telles secousses dans tout mon corps,
que j’avais l’impression que les os allaient bientôt se rompre.
C’était l’épouvante,
c’était le pressentiment des souffrances...
Je suis écrasée entre le ciel et la
terre ;
je suis toute transformée et plongée dans les ténèbres.
Quelle chose horrible, mon Jésus !
J’ai peur de moi-même.
Qui sans Jésus pourrait supporter tant d’affliction ?
Qui pourrait vivre et cheminer à travers une obscurité si noire
sans garder les yeux fixés sur Jésus ?
L’amour me pousse vers la souffrance.
Les lèvres clos, les yeux fermés,
je me dis à moi-même : “Je vais vers la mort”.
Je sens que je ne peux pas résister à
tout...
Je ne peux plus rester sur cette terre...
Je veux laisser le monde et l’emporter avec moi ;
je n’en veux pas, mais je l’aime ;
je ne lui appartiens pas mais il est à moi ;
je déteste tout ce qui est du monde,
mais je veux embrasser le monde au point de ne plus le laisser...
Je veux entrer au ciel, mais avec toute l’humanité.
Mon âme pleure en silence,
elle cache ses gémissements,
elle voit les noires ténèbres de la mort,
elle voit déjà comment tous se préparent
pour me capturer et m’ôter la vie, coûte que coûte.
Jardin des Oliviers, Calvaire, mort,
cruauté et détresse.
Combien énorme est le rocher mondial qui cache le ciel !
Combien souffrent mon corps et mon âme !
Combien Jésus a souffert !
Ingratitude du monde...
Il avait un regard très triste et il pleurait à grosses larmes…
Il a pleuré longtemps : son regard était triste :
Je sentais le déchirement de mes veines et une angoisse de mort.
J'ai senti le baiser de Judas,
le bruit des pas des soldats,
le retentir des épées.
Si je pouvais décrire la tendresse,
la douceur, l’amour de Jésus
envers tous ceux qui l’offensaient !
Rien n’existe sur la terre qui puisse être comparable à Lui.
Il a remédié au mal causé par Pierre avec tant de douceur.
Toujours avec autant de douceur il s’est laissé ligoter,
se confiant aux malfaiteurs...
Mon âme a beaucoup souffert de la
vison de Judas
allant de porte en porte pour négocier la capture de Jésus.
Ses yeux et ses cheveux
ressemblaient déjà à un condamné à l’enfer.
A l’intérieur de moi se trouvaient les yeux divins de Jésus
qui le suivait dans toutes ses allées et venues,
dans la préparation de la trahison.
J’ai vu qu’à la sortie du Jardin des
Oliviers,
un grand nombre de soldats armés,
ainsi qu’une foule armée de battons, l’accompagnait.
Je le sentais désespérer.
Le désespoir était en moi, mais ce n’était pas le mien ;
mon âme était en paix.
Ce désespoir épouvantable ébranlait ciel et terre ;
il m’a fait comprendre les souffrances du Jardin des Oliviers,
les souffrances de Jésus,
tout ce qu’il a souffert pour nous.
Jésus me fit alors comprendre clairement
que ce désespoir était celui de Judas
et, que celui-ci avait augmenté les souffrances de sa Passion.
A la sortie du Jardin des Oliviers,
Jésus, roué de coups de pied, tomba plusieurs fois,
se blessant aux lèvres sur les pavés de la route.
Je sens en moi le brasier
et ceux qui se réchauffent tout autour.
Je sens que l’un d’eux, qui se tient un peu à l’écart,
atterré et timide s’approche et renie Jésus.
Je sens ses larmes de repentir,
tout comme je sens dans mon âme le coq
qui ouvre son bec pour chanter.
Mais je ressens surtout
la souffrance infinie de Jésus,
son amour et sa mansuétude envers lui...
Je me suis sentie en prison, très
triste et seule.
J’ai souffert pour avoir les yeux bandés ;
j’ai souffert à cause de tant d’ingratitudes...
Je sentais la douleur de l’abandon
dans lequel ceux qui m’étaient chers avaient été laissés.
Que devenaient leurs protestations de ne pas m’abandonner ?
Aux premières lueurs on est venu me
chercher.
Mon visage ressentait les gros crachats.
Je suis sorti de prison,
la prison : des ténèbres
et les rues que j’empruntait,
des ténèbres, pareillement.
Les mains attachées,
les yeux clos par une indicible tristesse,
les lèvres serrées, ne répondant à aucune question,
je me suis retrouvée seule dans une prison.
J’ai été interrogée par des
magistrats hautains,
remplis d’orgueil, convaincus de pouvoir tout faire...
Devant autant de grandeur,
combien j’étais petite !
Je me suis sentie attachée par la
taille,
traînée par les cheveux, flagellée,
couronnée d’aiguës épines,
lesquelles me causaient une telle douleur
qu’il me semblait que ma tête brûlait dans un grand feu...
Je sentais mon corps lacéré
par les coups de la flagellation et enchaîné.
Dans cet état, la pensée m’est venue de la souffrance
lorsque Jésus permettait ma crucifixion [physique].
Je sentais même mon sang couler et mon cœur foulé aux pieds.
Dans mon âme j’avais des regards de tendre compassion
envers ceux qui me faisaient souffrir.
L’enfer et la perte irréparable des âmes
me terrorisaient tellement
que j’aimais ces atrocités au lieu de les détester.
Je les aimais pour sauver les âmes,
convaincue que seule la souffrance pouvait les sauver.
Les épines ne cessent de tomber sur
moi ;
et elles tombent avec tant de force !
Elles me blessent le corps, me blessent aussi l’âme.
J’aimais de tout mon amour
les épines qui entouraient ma tête.
Du casque
fait d’épines
coulaient des filets de sang sur tout mon corps
et tombaient à terre.
La couronne couvrait ma tête
et pas seulement le front :
ma tête était une plaie :
aucun endroit de celle-ci
n’avait été épargné ;
quelles douleurs inénarrables !.
Le vacarme était épouvantable.
Revêtue d’habits royaux, mais par moquerie,
on mit entre mes mains une canne.
Quelle barbarie contre moi !
Ils étaient très nombreux ceux qui s’ingéniaient
à inventer des tourments pour me maltraiter
avec une plus grande cruauté.
Où suis-je conduite ?
Ô Jésus, que deviendrai-je ?
Tout me fait peur et me cause horreur !
J’ai senti que ma gorge se desséchait
et que mes lèvres se collaient :
j’étais muette, sans être muette.
Jésus serra les lèvres : il ne parla
plus !
Mes oreilles entendaient les paroles
« qu’il meure, qu’il soit
condamné ! »,
scandées à l’unisson.
Quels hurlements !...
J’ai été conduit devant les pontifes.
Mes habits collaient à ma peau ; le sang était desséché.
Je fus conduit dans la grande maison
d’Anas ;
une grande foule nous suivait :
des hommes armés
d’épées et de battons.
Mon âme et mon corps m’ont avertie
que l’on me conduisait, attachée,
et que certains, poussés par une foule
composée de la lie la plus vile du peuple,
se moquaient de moi
et me condamnaient à mort.
Chez Anas, quelqu’un l’a giflé:
j’ai ressenti cette gifle
et j’ai vu l’ingrat qui osa le faire ;
j’ai vu la haine en son cœur ;
il était grand et maigre
basané et de mauvais caractère.
Tout le monde en rit et applaudit
comme s’il s’agissait
d’une bonne action.
Jésus reçut la gifle
et resta très calme, plein de mansuétude.
Comme Il se montra humble...
Le Prince, dans sa vanité,
se montra très hautin :
il sentait les regards
de ceux qui l’entouraient.
Au dehors, une immense foule
m’attendait :
Combien de railleries j’ai entendu !
De rue en rue, de maison en maison,
au milieu d’un grand tapage,
objet de mauvais traitements,
J’ai été condamnée.
Mon cœur et mon âme
accompagnèrent Jésus,
de rue en rue, de tribunal en tribunal :
la foule criait sa haine,
ses calomnies et ses sarcasmes.
J’avais les mains attachées,
mais mon cœur était encore plus serré ;
il pouvait à peine battre ;
même mes lèvres restèrent fermés :
je n’ai dit aucun mot.
Quelqu’un me prit la main
et me mena au balcon :
« Ecce homo ! »
Mes oreilles entendirent
comme d’une seule voix
les paroles de la foule :
« Qu’il meure, condamne-le ! »
Et ensuite la sentence :
« La mort en croix ».
J’ai reçu la croix…
Ce n’est pas moi qui l’épaula ;
quelqu’un de cela se chargea.
Je sens sur mes épaules une énorme
croix…
Broyé par le poids,
Je suis tombé là,
sur place, sous ma croix.
J’ai commencé mon chemin de calvaire.
Le corps déchiré je me suis engagée
sur le chemin du Calvaire...
Je marche en toute hâte
par une route étroite et obscure.
Je tombe exténuée :
le poids des humiliations me broyait.
Je suis entraînée par de rugueuses cordes.
Je sens que ma face traîne par terre ;
que mes joues sont très meurtries.
La douleur d’aiguës épines me pénètre enfin le cœur.
C’est une douleur qui semble
me donner la mort.
Je sens que mes genoux,
mes épaules et tout mon corps
ne sont qu’une douloureuse plaie.
Pendant mon cheminement,
une dame compatissant ma souffrance,
vient alors à ma rencontre.
Avec tendresse et amour
elle essuie mon visage
couvert de sueur, de sang et de poussière !
Des liens d’amitié unissent nos deux cœurs.
Il est indicible ce que j’aimerais dire à son sujet,
les louanges que j’aimerais dire sur elle.
Comme j’aimerais que l’on parle de son acte héroïque !
Je grimpe l’abrupte montagne du
Calvaire.
Je tombe souvent, et à chaque fois
je me retrouve comme si mon corps
était déjà un cadavre :
un cadavre méconnaissable
à cause du sang qui coule
le long de ma face ;
c’est un corps dans une pire condition
que celle d’un lépreux en putréfaction.
Je chemine dans le plus grand
silence.
J’ai soif de donner la vie pour posséder la vie.
Les routes restent imprégnées de mon sang.
J’ai monté avec peine
la montagne du Calvaire,
en ayant l’impression d’expirer.
Je sentais que la Maman venait,
folle de douleur,
à ma rencontre,
ou mieux, à la rencontre de son Jésus.
Elle s’ouvrait un passage parmi la foule
afin de pouvoir le rencontrer.
Son très saint Cœur éclatait,
se répandait en douleur
et faisait éclater et se répandre celui de Jésus.
Ce fut un échange de profonds
regards.
Nous cœurs se sont unis
dans une même souffrance.
L’échange de nos regards fut bref ;
en effet, je devais avancer,
toujours maltraitée, poussée, traînée.
Mais la douleur de nos cœurs
ne s’est pas désunie,
liée qu’elle était comme deux fils électriques…
Le long du chemin du Calvaire
ce n’étaient que hurlements et imprécations derrière moi.
Ce n’étaient pas des cris de douleur
mais de haine ;
ce n’étaient qu’injures.
Mais il y avait aussi Quelqu’un
qui pleurait et qui s’affligeait à cause de moi ;
Quelqu’un qui voulait me consoler,
me procurer du soulagement
et guérir mes plaies.
Ce Quelqu’un me causait plus de souffrance :
c’était une souffrance unie à la mienne,
c’était une souffrance qui ne pouvait adoucir la mienne.
La Petite-Maman...
combien n’a-t-elle pas souffert avec Jésus !
Non point par compassion,
mais par crainte
ils voulaient que quelqu’un la porte à ma place.
Quelqu’un l’a prise, non pas par
amour,
mais à la suite d’un ordre reçu.
Malgré cela, j’ai senti que mon cœur
le rétribuait par beaucoup d’amour.
Quelle grande récompense !
Mon corps était confié aux
malfaiteurs,
mais mon esprit était tout concentré en Dieu.
En montant vers le Calvaire,
je ne pouvais pas ouvrir les yeux
à cause du sang qui coulait de ma tête.
Je faisais un très grand effort pour marcher.
Je sentais qu’il ne s’agissait pas de forces humaines
qui portaient la croix,
car les souffrances endurées m’auraient déjà,
plusieurs fois, causé la mort !...
Je suis arrivée au sommet du
calvaire…
C’est la violence de la souffrance
qui m’a porté jusqu’à la cime,
me cognant contre les dalles de pierre,
pendant que je marchais, traînée avec rage…
Je sens que beaucoup de routes
sont baignées par mon sang.
Je vois tant de révoltes et d’indignations...
Mon corps n’est qu’une plaie.
Le sang de la tête, causé par les épines,
baigne tout mon corps.
Les bras ouverts je m’abandonne à la croix :
je me laisse crucifier.
Je m’offre à la mort.
Les bourreaux continuent leur mission barbare :
tableau terrifiant !
Quelle répugnance, quelle honte de moi-même !
Mon corps et mon âme se déchirent en lambeaux.
J’attends mon heure.
Là haut on m’enleva les cordes
que j’avais autour du cou et de la taille.
Quels tourments !
Elles étaient enfoncées dans ma chair,
imbibées de mon sang.
Lorsqu’on me les a arrachées,
elles ont laissé dans mon corps,
auquel elles étaient collées,
la trace d’immenses plaies.
On me coucha sur la croix.
Pendant que l’on m’étirait
les bras et les jambes pour les clouer
et que je sentais que des plaies
sortaient de ruisselets de sang,
le démon est venu vers moi, redoubler ma souffrance...
Moi, clouée, mains et pieds, sur la croix,
je ne pouvais pas lutter.
Combien j’ai souffert !...
Je fixait mon Jésus crucifié...
Clouée à la croix, j’ai senti
que beaucoup de ceux qui m’entouraient,
me crachaient au visage.
Sur les crachats, les larmes de Jésus tombaient,
et elles s’unissaient à celles de la Petite-Maman.
Jésus, plein de tendresse et d’amour,
demandait pardon pour tous au Père éternel.
Sur le Calvaire et sur la Croix,
Jésus et Marie n’avaient qu’un seul Cœur,
une seule âme, une seule douleur,
un seul amour.
Jésus était abandonné
et la Maman chérie se trouvait
elle aussi abandonnée
en regardant impuissante l’état de son Fils.
Sur la croix, abandonnée de tous,
en écoutant les injures les plus infamantes,
je sentais ruisseler, comme une sueur mortelle
tout le long de mon corps.
À celle-ci se joignaient les gouttes de sang
qui abondamment tombaient de ma tête
et des plaies de mon corps…
Le soleil, honteux,
s’est caché à la vue de tant de malice.
Et moi, déshabillé, dans une grande confusion,
je restais là, sur la croix,
sous les regards de la canaille la plus vile !
Mes habits ont été tirés au sort et partagés...
Mon âme tremblait de douleur et de peur,
comme le corps tremble à cause du froid !...
Le sang coulait ; et mes plaies
s’agrandissaient chaque fois davantage.
Avant d’expirer,
j’ai senti que l’on me transperçait le cœur.
Cette douleur m’a été anticipée,
car une fois morte,
je n’aurais pu la ressentir.
Quand j’ai senti mon cœur transpercé,
j’ai jeté mon regard sur le monde et je lui ai dit :
— C’est à cause de toi que je suis en cet état !
Mon cœur s’est ouvert et il laissa
couler
les dernières gouttes de sang et d’eau ;
et je suis restée ainsi sans la vie de la terre
et sans la vie du ciel...
Les larmes de la Maman chérie
coulaient sur mon cœur.
Elle était comme un phare pour moi et moi pour elle :
un phare dont la lumière
mettait en évidence nos souffrances…
Les larmes et l’agonie
de la Petite-Maman
ne m’ont pas abandonné non plus,
ainsi que ses regards endoloris,
ses peines de compassion pour moi…
Si le monde connaissait
et pouvait comprendre ceci,
il ne pécherait pas.
Je sentais une soif brûlante
et le plus grand abandon.
J’ai entendu sortir de mon cœur ce cri :
— “J’ai soif, j’ai soif !”
J’ai compris que c’était Jésus,
et je me suis souvenue qu’il avait soif d’âmes.
Au même moment j’ai passé
sur mes lèvres, plusieurs fois, une éponge.
La soif de mes lèvres n’a pas été éteinte
et celle de mon cœur a augmenté.
Le cri continuait :
ce n’est pas la soif des lèvres
qui veut être rassasiée ;
c’est la soif du cœur, soif d’âmes.
Juste avant d’expirer,
ce n’était que de temps un temps qu’il soupirait,
et dans l’intervalle, entre un soupir et un autre,
il restait comme s’il n’avait plus de vie.
Et mon âme ressentait tout ceci.
Combien c’était beau !
Quelle merveilleuse leçon
Jésus nous a donné ;
lui qui a été si maltraité
alors qu’il était rempli de tant de tendresse et d’amour !...
L’obscurité est descendue sur le
Calvaire ;
toute la terre a tremblé et a fait trembler la croix :
Jésus confiait son Esprit au Père éternel,
pendant qu’un très grand nombre de curieux atterrés,
dévalaient, comme des fourmis,
les pentes de la montagne.
Je meure, mon Dieu,
je meure écrasée, broyée dans la terrible nuit.
Mon cœur, ainsi opprimé par la douleur,
lancent des faisceaux de lumière
que je sens et je vois se répandre dans le monde :
mon cœur n’est que feu.
J’aimerais que tous les cœurs soient blessés
par ces faisceaux
et que tous les autres cœurs
fussent incendiés par le feu qui sort du mien,
afin que le monde ne fusse que feu d’amour pour Jésus...
Les yeux au ciel,
épouvantée par les ténèbres et l’abandon,
j’ai bien souvent entendu sortir de mon cœur ce cri :
— Père, Père, ne me cachez pas votre Face ;
n’éloignez pas de moi votre regard !
Affligée et agonisante,
j’ai crié vers le ciel jusqu’au dernier soupir :
— Père, mon Père, pourquoi
m’avez-vous abandonné ?
Un cri continuel :
— Père, mon Père, vous aussi, vous m’avez abandonnée !
Je suis votre victime, je me donne à vous pour les âmes.
Je l’ai entendu confier son Âme au
Père éternel.
Avec quelle joie elle quitta son divin Corps
et fut reçu au ciel !...
Je n’ai point de vie, je n’ai point
de sang :
j’ai tout donné, j’ai tout perdu.
J’ai tout donné et mon don me semble inutile.
Je sens une si grande défaite.
Mon Dieu, il me semble ne pas exister.
La souffrance existe, et c’est la mienne.
Le monde existe et j’en ai besoin.
Non pas des yeux de mon corps,
mais avec ceux de mon âme,
je voyais qu’avec des épées ils tailladaient mes habits
pour se les partager.
Mon âme sentait tout cela.
La sépulture était prête : Elle était
si profonde !...
Je vois le tombeau où reposera mon
corps :
c’est un tombeau qui enlève les âmes de la tombe,
beaucoup d’âmes corrompues, déjà presque mortes.
Ma sépulture est un puits, un abîme…
Dans la nuit j’ai eu une vision
d’épines
qui m’a causé une énorme souffrance.
C’était un bois très serré d’épineux,
rien que des épineux.
Ils montaient à une très grande hauteur,
s’entremêlant les uns dans les autres
à tel point que l’on ne voyait pas la cime.
Ils étaient tous très gros et très longs,
et ils étaient près à tomber sur moi...
Et sur ces épineux,
il tombait continuellement une rosée de sang.
Mon âme sent que de ces épines
va éclore une nouvelle floraison de boutons blancs...
O bienheureuse âme-victime, toi qui
vis auprès du Seigneur notre Dieu, regarde vers nous et, selon la promesse
divine, intercède pour nous, aide-nous à être saints, comme le Père céleste
désire que nous le soyons.
Toi qui as vécu sur cette vallée de
larmes, toi qui connais la valeur de la souffrance, regarde fraternellement vers
nous et aide-nous ; non pas à fouir la souffrance, mais à l'accepter et à
l'offrir, non seulement pour le salut de nos âmes, mais aussi pour le salut de
toutes les âmes et le soulagement des âmes qui dans le Purgatoire, attendent
leur délivrance.
Toi qui as toujours cultivé, par
amour de Jésus, une pureté exemplaire, aide-nous à fuir le péché et à fuir
également l'occasion de pécher.
Toi qui as vécu dans ta chair la
Passion de Jésus, aide-nous, pauvres pécheurs que nous sommes, à accepter nos
petits “bobos” et à les offrir en réparation des profanations et des
blasphèmes proférés contre l'Eucharistie, et qui sont multitude dans le monde
actuel.
Petite sœur du ciel, nous voulons
faire notre ta prière et avec toi, nous aussi, nous dirons au Seigneur :
“Seigneur, je ne sais pas comment
je vous aime, je ne sais pas combien je vous aime, mais je sais que je veux vous
aimer !”
Toi qui es notre sœur à tous, regarde
vers nous et prie pour nous le Seigneur, ton divin Époux. Amen.
Prière
(Neuvaine à usage privé)
Seigneur Jésus qui Vous complaisez
parmi les âmes simples et humbles, si souvent ignorées, oubliées et méprisées
par les hommes, exaltez votre Servante Alexandrina, qui a toujours souhaité
vivre cachée du monde et tout à fait étrangère à ses grandeurs et aux louanges.
Vous savez bien, Seigneur Jésus Christ, combien notre temps a besoin des leçons
de la sainteté qui est l’accomplissement parfait de toute vocation humaine et
chré-tienne, et, par conséquent, l'élévation de la créature au sommet de la
beauté morale.
Revêtez, donc, Seigneur, Votre
Servante de l'auréole immortelle de la gloire et exaucez les prières que par son
intermédiaire nous Vous adressons: particulièrement accordez-nous la grâce que
nous souhaitons... (nommer la grâce que l'on veut obtenir), si cela
contribue à l'honneur de Votre Nom béni, à la glorification du Cœur Im-maculé de
Marie et au salut des pécheurs, pour qui la pieuse Alexandrina s'est étonnamment
et pleinement im-molée. Amen.
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