Je n’ai pas de vie,
je n’ai pas de sang, j’ai tout donné, j’ai tout perdu. J’ai tout
donné inutilement, il me semble. Je sens une perte si grande !
Mon Dieu, il me semble ne pas exister, seule la souffrance
existe et c’est la mienne. Le monde existe et il a besoin de ma
souffrance. Mon âme ressent une faim si grande, mais une faim du
monde, c’est le monde qui vient s’alimenter de ma souffrance,
c’est un monde de bêtes féroces qui profitent autant qu’elles
peuvent de ma souffrance. Ce n’est rien, je ne souffre rien en
comparaison de ce dont l’humanité a besoin.
— Jésus, qu’est-ce
que cette souffrance !
Il me semble
arracher mon cœur de ma poitrine et le transformer en de petites
miettes, pour les donner au monde, pour les donner aux âmes.
J’aimerais passer ma vie à mendier des cœurs afin qu’ils servent
d’aliment pour le salut des pécheurs. Je voudrais crier fort,
tellement fort que ma voix soie entendue dans toute l’humanité :
— Ô monde, ô monde
ingrat, je suis tienne, je me donne à toi pour Jésus et pour la
Petite-Maman. C’est pour Eux que je te transmet mon sang, ma
vie ; c’est pour Eux que je te veux ; c’est pour Eux que je suis
tienne ; c’est pour Eux que je t’aime. Je t’aime pour te sauver,
je t’aime pour pouvoir t’offrir à Jésus et à la Petite-Maman.
Pauvre de moi, je
n’ai rien à donner, je n’ai plus rien à faire. Que d’horreurs se
passent en moi, causés par la folie, par une envie insupportable
d’aimer Jésus et de sauver l’humanité.
Dans la nuit du 27,
j'ai eu une vision d'épineux qui m'a causé une grande souffrance
et la peur. C'était une forêt d'épineux, que des épineux en face
de moi, était un fourré. Ils montaient à une très grande
hauteur, tellement entrelacés les uns dans les autres que je
n’arrivais à en voir la fin.
Ils sont tous
accrochés à tomber sur moi, très épaisse et longue. Ne connaît
pas la signification de celui-ci, je ne comprenais rien. Tous
ces épineux semblaient tomber sur moi. Ils étaient gros et très
longs. Je n’ai pas réussi à comprendre la signification, je n’ai
rien compris. Ce que j’ai ressenti depuis lors, c’est que j’en
suis entourée. Mon lit est un lit d’épineux, les couvertures de
mon lit sont des épineux, les vêtements dont je m’habille sont
des épineux, moi-même je suis ces épineux. Tout est souffrance,
tout est sang, la souffrance ne m’appartient pas, le sang n’est
pas le mien. Je suis au milieu de fourré, qui est lui-même sang,
sang qui fleuri et donne la vie à tous ces épineux. Sur eux
continue de tomber une pluie de sang. Quels épineux si
vigoureux ! Mon âme sent que de ces épineux va éclore une pluie
de boutons blancs. En plus de ces épineux qui me blessent, je
reçois des blessures faites par les épines des créatures et par
celles dont je m’attendais le moins. Combien il m’a été
difficile de cacher mes larmes ! J’aimerais que Jésus seul les
voie. Mon Dieu, combien d’angoisses à l’intérieur de moi! Je ne
peux avoir aucun appui sur terre, je n’ai rien à attendre d’ici.
Ô, même de ceux qui me sont chers, Jésus a pris pour Lui leur
joie et le réconfort qu’ils auraient pu me procurer. Je me sens
honteuse devant eux, apeurée comme si je les avais offensés et
contre eux avoir pratiqué les plus grands crimes.
Le démon continuait
à courir vers moi comme un cheval fou. Pendant sa chevauchée
folle il m’insulte et m’invite au mal. J’entends de sa part ce
que je n’ai jamais entendu des créatures, je connais par lui ce
que je n’ai jamais connu par le monde. Je ne sais pas si je lui
ai dit, mais il me semble que oui :
— Tu ne me
satisfais pas, invite davantage de démons pour pécher avec moi;
je veux le plaisir, je veux profiter du plaisir de la chair.
Quelle horreur,
quelle horreur il me semble que je lui disais cela et éloignais
loin de moi le chapelet et la Petite-Maman, il me semblait lui
cracher dessus et le piétiner. J’ai toujours l’impression que le
maudit arrive à ses fins et qu’il fait de moi ce qu’il veut et
je reste avec l’idée d’avoir offensé mon Jésus. Au plus fort de
la souffrance, à un moment où il était moins pressant, j’ai
répété plusieurs fois :
— Non, non, non,
mon Jésus, je ne veux pas commettre de péché !
À ce moment-là,
Jésus est venu me soustraire à cet abîme où je me trouvais.
— Oui, oui, ma
fille, tu ne veux pas commettre de péché, tu veux mon divin
amour, et celui-là je te le donne avec grande abondance. Oui,
oui, oui, ma fille, tu ne veux pas commettre de péché, mais le
salut des âmes, mais ce n’est que par cette réparation que tu
peux les sauver, surtout celles qui m’offense en cette matière
(le péché de la chair). Je te l’ordonne, ma toute belle, que tu
retournes sur tes coussins.
Une force venue de
je ne sais d’où, m’y a placée. Fatiguée d’avoir tant luté,
baignant dans ma sueur, j’ai continué de répéter : “amour,
amour, toujours de l’amour, mon Jésus, des âmes, toutes les
âmes”. Je ne sais pas comment le maudit peut se présenter avec
des visages aussi laids, avec des regards terrifiants et sous
des formes de bêtes aussi variées. Elles (les bêtes) viennent
tout près, comme pour m’avaler, certains sont très désinvoltes.
Quel dommage que toutes les personnes méconnaissent leurs
artifices et leurs ruse.
Aujourd’hui, au
petit matin, j’ai senti dans mon âme, j’ai entendu de mes
oreilles, des bruits forts, des grands coups pour ouvrir ma
sépulture. Elle était si profonde ! Quelle horreur, c’est
jeudi ! La mort courre vers moi, la sépulture est prête. Sur moi
tombe le poids de toutes humiliations, rien n’existe de mauvais
qui n’ai pas été dit contre moi. Mon âme voit déjà ce qui va
ôter la vie de mon corps. Ma sépulture est un puits, un abîme.
Il n’y a pas de joie en moi, tout ce qui est beau et puissant
pour moi, c’est la souffrance. Couchée sur mon lit, j’ai pu
admirer la grandeur du Créateur. J’ai vu par la fenêtre les
arbres couverts de fleurs. Quelle merveille ! Leur blancheur se
transformait en nuit dans mon âme. Tous les pétales de ces mêmes
fleurs ont été autant de flèches qui venaient se planter dans
mon cœur.
— Que dire, mon
Dieu ? Accepter ce qui vient de Vous, accepter Votre volonté,
Seigneur ! Je vais vers la mort les yeux rivés sur Votre croix.
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