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ÉCRITS DE LA BIENHEUREUSE ALEXANDRINA

“SENTIMENTS DE L'ÂME”
— 1945 —

2 mars 1945 – Vendredi

Il faisait encore nuit et moi je ne me souvenais quel jour il était, mais mon âme s’est chargée de me le rappeler. Je me suis sentie en prison, très triste, toute seule et dans un grand abattement. Je souffrais car on m’avait bandé les yeux, je souffrais à cause de tant d’ingratitude.

J’ai commencé ma préparation pour recevoir la visite [eucharistique] de mon Jésus. Pendant la préparation, alors qu’il faisait déjà jour, on est allé me chercher à la prison. Mon visage sentait tomber sur lui les crachats. Dehors, une grande foule m’attendait. Mon Dieu, j’entendais leurs éclats de rire. De rue en rue, de maison en maison, au milieu de grands cris, couverte par les mauvais traitements, j’étais ensuite interrogée par des seigneurs absolus, remplis de vanité, convaincus qu’ils étaient de pouvoir tout se permettre. Devant tant de grandeur, ô combien j’étais petite ! J’ai été condamnée, j’ai pris la croix et inclinée sous son poids, je ne pouvais plus que ramper. Bien souvent j’ai été traînée. Combien de larmes j’ai senti passer dans mon cœur ! Traitée aussi cruellement, je répétais souvent, dans mon cœur : “je Vous aime, je souffre par amour pour Vous”. Je portais la croix et je voyais celle de Jésus là-haut, sur le calvaire : c’était un phare qui pénétrait mon cœur et illuminait tout. Je me sentais attirée par elle, pour l’embrasser, pour la posséder, alors je cheminais. Quand je suis arrivée au calvaire, on m’étendit sur elle. Quand on m’a étiré les bras et les jambes pour planter les clous, quand je sentais que de mes plaies sortaient des fontaines de sang, le démon est venu vers moi, dans une course désordonnée : il est venu redoubler ma souffrance. Il m’a dit que nous allions nous amuser avec des paroles très laides, mais il est resté silencieux, me lutter contre ses fausses manigances. Moi, les pieds et les mains cloués à la croix, je ne pouvais pas bouger. Ô combien j’ai souffert ! Je ne pouvais pas lutter ; je ne pouvais que fixer Jésus crucifié.

— Mon amour, je souffre par amour pour Vous. Mon amour, je souffre pour Vous donner des âmes. Aidez-moi, ayez pitié de moi. Petite-Mama, je ne veux pas Vous offenser.

Après avoir beaucoup lutté, le maudit recommença à me traiter de tous les noms et il m’a dit :

— Je ne te touchais pas et je ne t’ai rien dit ; c’est toi qui veux pécher, c’est toi qui veux le plaisir.

Après que ses désirs aient été satisfaits, ou parce que Notre Seigneur l’y ait obligé, il m’a quittée. Mais la tristesse et l’angoisse ne m’ont pas quittée ; l’abandon, lui non plus ne m’a pas quittée, aussi bien que les larmes et l’angoisse de la Petite-Maman et ses regards douloureux, pleins de compassion pour moi. Avec quelle affliction, avec quelle agonie j’ai crié vers le ciel, toujours, toujours, jusqu’à expirer : “Père, mon Père, pourquoi m’as-tu abandonné ?” Ce n’était pas moi qui criais, c’était mon cœur ; ce n’est pas moi qui voulais le faire, mais la force de la souffrance et de l’agonie m’y obligeaient. Alors que je me trouvais dans cet état, Jésus est venu, Il descendait du ciel vers la terre, enveloppé dans un nuage, il est entré dans mon cœur et m’a dit :

— Ma fille, soleil de la terre, feu des cœurs, honneur et gloire du ciel. Soleil qui, avec ses rayons brillants, chauffes et illumines toute l’humanité. Feu qui embrases et purifies les cœurs. Honneur et gloire du ciel, car, en voyant ta souffrance, en voyant ton martyre, qui y est déjà écrit maintenant et pour toute l’éternité, me procure joie, m’honore, me glorifie. Tout le ciel béni mon saint Nom, pour la victime immolée pour la vie des vies, pour la victime des âmes. Je suis venu du ciel, ma fille, je suis descendu du trône divin, je suis venu dans mon palais, dans mon ciel sur la terre, je suis monté sur le trône de ma reine. Je suis venu de la gloire m’épancher avec toi de mes peines. Dis-moi, ma bien-aimée, veux-tu me consoler ? Veux-tu apporter de la joie à mon divin Cœur qui est si triste ? Veux-tu me donner tout y comprise la consolation que de moi tu devais recevoir ? Parle-moi avec ta langue d’or, avec ton cœur de feu.

— Jésus, que me demanderez-vous que je ne vous le donne pas ? Je compte toujours sur votre grâce afin  qu’avec elle je puisse tout souffrir et vous donnez tout ce que Vous attendez de moi. Que moi je vive toujours dans la tristesse et dans l’angoisse, afin que Vous, mon Jésus, Vous ne viviez que dans la consolation et la joie.

— Ô mon ange de la terre, tu parles ici et tout ce que tu dis les anges l’écrivent au ciel en lettres d’or serties de pierres précieuses. Regarde le monde, regarde la boue. De quelle méchanceté il est rempli ! Regarde combien souffre mon divin Cœur. Regarde combien il est blessé. Puisque de bonne grâce et si joyeusement tu me donnes tout, je te prive de ma joie, de ma consolation, comme je t’ai privée de la joie et de la consolation de ceux qui te sont chers. Tu ne recevras mon réconfort que pour pouvoir souffrir, pour pouvoir vaincre. Tu ne recevras que des épines, des épines qui viendront de tous côtés : c’est la vision que je t’ai montrée. Tu vivras entourée de ces épineux et t’en mourras entourée. Ton âme pure ressurgira au milieu d’eux et s’envolera vers le ciel brûlant d’amour. C’est un ange séraphique qui s’envole vers sa patrie. Tes épineux ne sont pas des épineux qui sèchent, ta douleur cultive le terrain de ce bosquet immense que je t’ai montré ; ton sang les arrose ; ce sont des épineux qui poussent, ce sont des épineux qui produisent des roses.

Quel jardin si  brillant ils vont devenir. La rosée qui tombe sur ce jardin est une rosée de sang, c’est de la manne céleste qui vient les embellir, les conserver, leur donner vie. Tu pars vers le ciel, mais ta grâce, tes vertus restent sur la terre, c’est un parfum qui s’étendra sur toute l’humanité. Tu pars vers ta patrie et tu restes avec moi dans l’Eucharistie ; tu seras la petite colombe eucharistique qui n’abandonne pas son nid. C’est comme la petite colombe et la pastourelle des âmes que je veux peindre dans les portes et les rideaux de mes tabernacles. C’est ce que je veux, ma fille, reine du monde, reine des cœurs. Je veux, ma fille, j’ai hâte, je suis très pressé que ta vie soit connue ; le monde en a besoin. C’est par toi et à travers toi que je montre mon amour, ma miséricorde, le désir que j’ai de voir les âmes sauvées. Combien cela coûte à un Père de devoir punir un fils qui erre et se révolte contre lui. Pourquoi cela ne devrait pas peiner mon divin Cœur d’immoler, de sacrifier ma fille bien-aimée, ma victime innocente ? Regarde, ô monde, ma folie et mon amour pour toi ! Ceux qui s’opposent à ma divine cause, à  ce qui se passe en toi, s’opposent à moi,, s’opposent au salut des âmes. Tout ton martyr c’est par amour pour moi, c’est de l’amour pour les âmes. Vite, travaille vite au salut du monde entier, par tout ce que j’opère en toi.

Quand Jésus disait ceci, de ses divins yeux des larmes coulaient abondamment. Je Lui ai dis :

— Mon Jésus, je veux souffrir seule, seule je veux pleurer. Donnez-moi votre amertume, votre tristesse infinie et restez dans la joie et dans la consolation complète.

Jésus s’est arrêté de pleurer, Il me serra très fort contre Lui et se retira. Je suis restée enlacée à ma croix, plongée dans ma douleur.

 

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