22 février 1945
Tôt, le matin, j’ai
commencé à sentir mon âme tourmentée par la douleur que me
causait le voyage que ma sœur Deolinda allait effectuer. Elle
partait avec des personnes que j’estimais visiter des personnes
j’aimais beaucoup. Cela me faisait grand plaisir qu’elle y
aille, mais j’aimerais tant y aller aussi. J’ai offert à Notre
Seigneur le sacrifice de ne pas manifester les sentiments de mon
âme. Mais, à la fin, je n’ai pas été capable de me vaincre, j’ai
montré ma peine et ma nostalgie.
Je suis restée sur
la croix. Ma peine a été augmentée par la préoccupation de ce
qui se passerait pendant le voyage, à cause de la faiblesse de
ma sœur, et que le voyage ne se déroulerait pas bien pour tous,
ainsi que pour mon Père spirituel qu’elles allaient probablement
visiter, ce qui lui ferait bien plaisir, mais cela n’a pas pu se
réaliser. Je me suis sentie toute petite en voyant que des gens
respectables s’inquiétaient pour nous. Ce sentiment me poursuit
ces derniers jours, me faisant ressentir chaque fois davantage
mon indignité devant quelqu’un qui vient me visiter.
La nuit de ce même
jour, je soufrais amèrement les conséquences de cette
après-midi. Sans même le vouloir, je me souvenais ce qui s’était
passé. Même Jésus n’a pas laissé mon âme ressentir le confort de
la confession Oh ! Non ! Le bon prêtre ne m’a pas procuré le
moindre réconfort ; ce n’était pas la première fois que cela
arrivait. Je constate que même cela Jésus l’a pris pour Lui. Je
désire toujours la venue du confesseur pour davantage purifier
mon âme et ensuite me confesser.
Mon Dieu, quelle
angoisse ! Angoisse, oui, grande, très grande, mais j’étais en
paix, j’avais la tranquillité de l’âme, car je n’ai pas menti ni
même pensé tromper. Acceptez, Jésus, mon angoisse ; je la veux,
je l’aime, car je vous aime et j’aime les âmes.
Deux nuits étaient
en contact l’une avec l’autre : la nuit à l’extérieur et la nuit
à l’intérieur de moi. Le démon m’affirmait que pendant le voyage
de ceux qui m’étaient chers il y avait eu un grave accident. Il
est le père du mensonge, il voulait me tourmenter. Peux après
tous sont arrivés sains et saufs. Je n’ai pas ressenti de joie,
Jésus ne l’a pas permis.
Je suis restée
quelque temps avec le saint prêtre qui est venu apporter lumière
à mon âme et me faire sortir de mes doutes. Il me semblait à
peine croyable qu’il soit à côté de moi ; je le sentais à une
très grande distance, si loin que ma vue pouvait à peine
l’apercevoir : son visage me semblait une coquille d’œuf.
Ô mon Dieu, combien
elles sont diverses Vos souffrances !
La nuit était
avancée, j’étais seule : le démon est venu m’insulter, m’inviter
au mal, à la chair, au plaisir. J’ai beaucoup luté, beaucoup,
j’étais en sueur. Mon cœur, par moments, semblait perdre la vie.
Le maudit, sans obtenir de moi ce qu’il voulait, me dit alors :
— J’arriverai à te
mener au plaisir. Étant donné que moi seul je n’y arrive pas, je
vais appeler ma troupe. Ils viennent de suite et je serai le
chef du commando.
Il a appelé ses
camarades : ils sont arrivés au milieu des flammes, venant d’un
abîme profond, ils avaient la forme de squelettes. Mon anxiété
était grande, je craignais que l’on entende mes gémissements. Le
maudit m’a dit :
— Ferme-la, car je
ne veux pas voir arriver ici un tel ! — et il a dit un gros-mot
pour désigner le prêtre. Une fois que je me serai régalé sur
toi, je vais le tuer, il va mourir sous mes pieds, ou au fil de
mon épée.
J’étais sur des
abîmes épouvantables. Mon Jésus, quelle obscurité !
Ce n’était que de
temps à autre qu’il tombait sur ceux-ci quelques feuilles
blanches qui faisaient ressortir encore davantage ces horreurs,
ses ténèbres si noires. Soit parce que les démons se soient
satisfaits de me tourmenter ou parce que Notre Seigneur l’ai
ordonné, ils m’ont quittée. Je n’en pouvais plus : ma position
était très inconfortable. Que faire si je ne pouvais pas
bouger ? Triste, très triste, pensant avoir péché, j’ai crié
vers Jésus. Pendant que je criais vers Jésus, les démons
couraient vers la chambre de l’aimable prêtre, me disant, de
loin, qu’ils allaient le tuer. Ils avaient en main des épées et
je ne sais quoi d’autre. Regardant toujours cette vision, j’ai
entendu Jésus me dire :
— Viens, mon ange,
continuer ta mission.
Aussitôt je me suis
retrouvée placée sur mes coussins.
Jésus me dit alors :
— Tu n’as pas péché,
ma fille. Courage ! As-tu vu les pétales qui tombaient sur les
abîmes ? Ce sont les pétales de ta réparation. Avec leur
blancheur, ils illuminent les âmes qui s’y trouvent, les
attirent vers eux et elles viennent dans mon divin Cœur.
Malgré le réconfort
de Jésus, la blessure de tout ce passé a continué à me causer
une très grande douleur. Je ne craignais pas que les démons
aient tué le bon prêtre, comme ils me l’avaient affirmé. Ce ne
fut que le matin suivant, n’entendant aucun bruit — venant de
chambre — que j’ai eu peur qu’il soit mort. Le Seigneur ne
l’avait pas permis. Ensuite j’ai reçu mon Jésus, détachée de
Lui, sans le moindre enthousiasme… ce ne fut que dans temps en
temps que je Lui disais :
— Ô mon Jésus,
comment je suis : je ne Vous aime pas, je ne vous ai même pas
rendu grâces ! Pardonnez-moi, ayez pitié de moi !
Le prêtre est venu
afin que nous parlions des choses de mon âme, mais j’ai continué
à me sentir loin, toujours plus loin de lui, plongée dans une
mer de douleurs dans l’âme et dans le corps. De temps à autre,
je sentais à l’intérieur de moi des tremblements, des horreurs,
une grande répugnance pour devoir ce qui se passait en moi, pour
me sentir toute petite et misérable, timide et honteuse devant
des personnes chères, pour ne pas comprendre ma vie et ne pas
aimer Jésus, et tourmentée au maximum de me souvenir que c’était
jeudi.
Ô, si seulement ces jours-là disparaissaient ! m’exclamais-je.
Je sens que s’approchent de moi toutes, toutes les souffrances
et que l’on est en train de me tendre des pièges afin de me
capturer.
Il faisait nuit et
je sentais dans mon âme l’intimité de ceux qui m’étaient très
chers, de ceux qui étaient réunis autour de moi. Il me fallait
les quitter, il me fallait retourner au Ciel, mais il me fallait
aussi, par quelque moyen rester près d’eux.
Ô souffrance aimée,
qui te comprendra !
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