Ta vie est souffrance qui produit l’amour
- Je me donne à vous
- La gratitude d’Alexandrina -
Le docteur “bon Samaritain” -
La fureur de Satan -
“Douleur qui sauve, amour qui vainc tout”
- Il est attaché par une seule aile
- Le Christ crucifié en transparence
- Soif de sauver le monde -
J’aimerais que mon âme ait été un livre
- Je t’ai rendue semblable à moi
- Plus je souffre, plus je désire souffrir
- Jésus s’est donné à moi
- Tout souffrir sans rien dicter
- L’amour me pousse vers la souffrance
- Toute seule dans une obscure prison
- Efforts récompensés -
Je sens être le monde
- Nos cœurs sont unis
-
Mon Dieu, combien les souffrances
-
que vous m’avez envoyé sont variées ! -
Le monde vient se rassasier
- Pourvu que je sache correspondre
- Les pétales deviennent des flèches
-
Jésus, que pourrez-vous me demander
que je
ne vous le donne pas ?
- Je suis une mère qui pleure
- Je sens en moi un feu brûlant
- Le nuit du plus grand miracle
- Le ciel paraissait se révolter
- Cette lumière ne laisse rien occulte
- La tour s’élève -
La douleur de la Mère -
NOTES
Jésus, quelles caresses
recevrai-je de vous au cours cette nouvelle année ? Je suis remplie de crainte,
et encore davantage d’angoisse. Qu’il arrive ce qui doit arriver. Pour tout ce
par quoi je pourrai être blessée et humiliée, avec votre divine grâce, à tout je
dirai :
— Bienvenu ; que la volonté de Jésus soit faite !
![](alex_750x570_014.jpg)
J’aimerais naître maintenant, mais vous connaître déjà, à fin
de ne pas tacher par quoi que ce soit mon corps ; j’aimerais que le monde entier
aussi naisse avec moi, et que lui aussi vous connaisse déjà, afin de ne pas le
laisser se corrompre...
(...)
Je sens que beaucoup de routes sont baignées par mon
sang. Je vois tant de révoltes et d’indignations... Mon corps n’est qu’une
plaie. Le sang de la tête, causé par les épines, baigne tout mon corps. Les bras
ouverts je m’abandonne à la croix : je me laisse crucifier.
Un cri continuel :
— Père, mon Père, vous aussi,
vous m’avez abandonnée ! Je suis votre victime, je me donne à vous pour les
âmes.
Ô mon Dieu, si je pouvais disposer de ma volonté, je
préférerais l’enfer à cette souffrance et aux instants de mes colloques avec
vous !
Oui, parce que là, ne vous
parlant pas et ne pas vous écoutant, je ne craindrais pas de me tromper ni de
tromper les autres ; je ne serais pas persécutée par le monde. Pardonnez-moi cet
épanchement : j’ai horreur de la tromperie et du mensonge. Je me crains moi-même
et j’ai peur du vendredi : si seulement les vendredis disparaissaient et que
moi-même je disparaisse dans votre amour infini !
Que vienne toute la souffrance, que vienne la croix, que
vienne la mort. J’embrasse tout : je suis votre victime, Jésus.
De cette souffrance, je suis passée à un effluve de lumière,
de paix et de douceur... Jésus m’a parlé :
— (...) Ce fut une année
d’amour, une année pleine de salut. Ma fille, fleur angélique, benjamine de la
divine Trinité, benjamine de Marie et de toute la Cours céleste, ta souffrance a
enrichi le ciel et y est écrite en lettres d’or...
Une année d’amertume t’attend, mais aussi une année de
joie. Tu la vivras comme un soleil qui naît et rapidement se cache à l’horizon,
derrière les nuages. Mais ne crains pas : c’est cela ta vie. C’est une vie qui
donne la vie ; c’est une souffrance que produit de l’amour...
Lettre au Père Umberto Pasquale
(...)
Avez-vous compris,
d’après mes écrits, ce que Jésus avait enfermé dans mon cœur ? Quel tourment
pour moi ! Je ne sais pas comment garder et défendre un trésor aussi précieux !
Mon âme est dans une continuelle agonie. Ma vie est
continuellement remplie de craintes ; le démon est infatigable pour me
tourmenter. De là, quelle torture, quelle amertume, et quelle misère. Ce qui
appartient à Jésus n’arrive pas à vivre : aussitôt né aussitôt parti vers Lui.
O si seulement j’arrivais à me faire comprendre, si
j’avais un peu de lumière, si j’aimais un peu Jésus et les âmes ! Alors je
serais heureuse ; ma joie serait totale !
Mon bon Père, si vous me connaissiez, vous n’auriez pas
autant de sainte considération pour moi.
L’heure arrivera-t-elle où vous pourrez venir jusqu’ici ?
J’ai tellement besoin de lumière et d’un guide ! Comment résisterai-je à ces
vols
dont j’ai été la victime ? Mon Dieu, pardon pour tous !
J’ai bien reçu tout ce que vous m’avez envoyé.
Je vous envoie mes remerciements et ma gratitude pour tant de sollicitude de
votre part. Je suis certaine que Jésus en est content : il aime qu’on le
remercie pour tout ce que nous recevons de Lui, et promets enfin de nouveaux
dons et grâces. Qu’il daigne vous combler pour tout.
Je vous prie de remercier les Pères et tous ceux qui
habitent cette Maison de prière, pour les vœux qu’ils m’ont envoyé...
Lettre au Docteur Augusto de Azevedo
(...)
Cela me
peine de ne pas avoir d’instruction : premièrement du fait de ne pas
savoir
parler à Jésus, l’aimer, le remercier, le louer comme il le mérite ; même
restant à genoux pendant toute l’éternité je ne lui rétribuerai jamais dignement
tout ce que j’ai reçu de lui. En second lieu, pour remercier mon cher docteur
avec des paroles de louange et de reconnaissance, comme il le mérite.
Jésus, dans son infinie bonté, y remédie comme lui seul
sait le faire. De ma part je ne sais dire que « merci » pour tout ce que vous
faites à cette pauvre qui ne peut rien, qui ne sais rien, qui ne vaut rien.
Qu’en serait-il de moi si Jésus ne vous avait pas mis à
mes côtés, en ces jours douloureux de ma vie, où tout est révolte, mépris,
calomnie et humiliation ? Quelle mer de douleur !
Et moi si seule, sans lumière, sans guide dans mon
horrible chemin !
Essaieront-ils aussi de me prendre mon bon médecin, qui
tant de fois a été pour moi d’un grand réconfort par ses paroles et sa sainte
attention ? Arrivera-t-il comme avec ceux qui étaient lumière et soutient pour
mon âme ?
Que Dieu soit loué pour tout ; qu’en tout cela il soit
aimé et soulagé ; que tout ceci puisse lui servir pour sauver le monde entier.
Si l’on me laisse seule, Jésus restera avec moi ! Que je meure de douleur,
d’abandon, de mépris, afin que dans mon cœur demeure toujours Jésus, que les
hommes ne puisse pas me l’ôter ! En tout cas, seuls le péché et le démon peuvent
me l’enlever.
Combien elle me coûte cette vie amère ! Ce n’est que par
amour de Jésus et des âmes, le regard fixé sur le crucifix, que je peux la
supporter...
Si le monde savait combien sont terribles les pièges du
démon ! O combien je souffre de ses assauts ! Si seulement le monde savait ce
que c'est que l'enfer, ce que c'est que la perversité et la fureur de Satan,
probablement qu'il ne pécherait pas autant !
Cette nuit il s'est déchaîné contre moi. On dirait qu'il
voulait tout détruire. Méchancetés, paroles et gestes inconvenants. Mon corps
paraissait déjà anéanti par tant de fatigue...
— Je ne veux pas commettre de péché, mon Jésus. L'enfer
plutôt que le plaisir. Ce que je veux, mon Jésus, c'est ne pas perdre un seul
instant de consolation et de réparation pour Vous et pour le salut des âmes...
Ces paroles ont suffi à faire enrager davantage le démon...
Toutefois, il est parti quand il a entendu la voix de Jésus
qui me disait :
— Si tu pouvais voir, ma fille,
combien je suis offensé à cette heure-ci contre la vertu de pureté, tu mourrais
d'horreur et de douleur. Mais ta réparation me fait oublier bien des offenses.
Cette consolation je ne peux l'avoir que d'une vierge à la pureté angélique !...
(...)
— Me voici prête à tout, Seigneur !...
La pureté est la vertu que j’aime le plus et pour la défense
de laquelle je souffre davantage : ce, est que par votre grâce et votre
miséricorde que je ne vous offense pas gravement...
[Le démon dit un jour à Alexandrina] :
— Donne-toi à moi, comme tu
t'es donnée à Dieu ; embrasse-moi avec amour comme tu as embrassé le crucifix.
Remarque que moi je ne te fais pas souffrir, moi... et figure-toi que Dieu n'a
pas de Ciel à te donner. Jouis avec moi, jouis des plaisirs de ce monde.
Il m’empêchait d'invoquer Jésus. Il se plaçait entre moi et
Lui, afin que je ne L'entende pas et de surcroît, il dansait devant moi. Il me
donnait ses ordres criminels et, vu que je ne cédais pas, il redoublait de
fureur et je sentais comme s'il me tordait et me broyait complètement. Mon corps
semblait être brisé par lui. Il ne s'agissait en fait que de sensations, étant
donné qu'il ne s'approchait jamais de moi au point de me toucher. Les battements
de mon cœur se chevauchaient, battaient la chamade.
Après la lutte, certaines fois, je sens comme une brise qui
me rafraîchit et me remet en place tout à fait. Cette nuit il en a été de même.
Tombée sur le côté, sur les coussins, et sans pouvoir me relever ni même faire
le moindre mouvement, je ne résistais plus dans cette position.
Très triste, je répétais :
— Secourez-moi, secourez-moi, Jésus !
J’ai senti Jésus à côté de moi :
— Ma fille, amour de l’Amour,
mon divin souffle suffit pour te relever et même à te remettre à ta place.
J’ai senti le souffle de Jésus et, au même moment, je me suis
retrouvée sur les coussins.
Jésus a continué :
— Dis-moi, ma fille, que
veux-tu de moi ?
— Votre amour !
— Que veux-tu que je fasse ?
— Votre divine volonté.
Jésus m’a serré doucement contre son divin Cœur et a ajouté :
— Ma volonté est que tu aies du
courage dans les souffrances que je te demande et que tu répares de cette façon.
Répare, répare, ma vierge pure, vierge remplie d’amour pour moi.
Peu après je me suis endormie pour un léger et bref sommeil.
(...)
Quelle horreur je ressens pour les souffrances et les extases
du vendredi, quelle horreur je ressens pour les assauts du démon ! Aujourd’hui
j’ai eu des moments pendant lesquels il me semblait que j’allais presque dire
non à Jésus pour tout.
Les mains attachées, les yeux clos par une indicible
tristesse, les lèvres serrées, ne répondant à aucune question, je me suis
retrouvée seule dans une prison. Je sentais mon corps lacéré par les coups de la
flagellation et enchaîné. Dans cet état, la pensée m’est venue de la souffrance
lorsque Jésus permettait ma crucifixion [physique]. Je sentais même mon sang
couler et mon cœur foulé aux pieds. Dans mon âme j’avais des regards de tendre
compassion envers ceux qui me faisaient souffrir. L’enfer et la perte
irréparable des âmes me terrorisaient tellement que j’aimais ces atrocités au
lieu de les détester. Je les aimais pour sauver les âmes, convaincue que seule
la souffrance pouvait les sauver.
Le démon est venu pendant ces terribles souffrances. J’ai
combattu jusqu’à baigner dans ma sueur. Quand il essayait de m’instruire sur le
péché, il me demandait de lui donner mon cœur avec amour... Quelle horreur,
quelle horreur ! C’était des moments de grand danger.
J’ai levé mes yeux vers le ciel et j’ai crié au secours, et
la lutte prit fin... Je suis restée les yeux fixés dans le ciel disant à Jésus
que je ne voulais pas commettre de péché...
— Mon Jésus, je suis votre
victime, mais avec cet accroissement de douleur, d’horreur et de peur, je ne
pourrai pas vaincre : je ne résiste pas à autant. Vous devez souffrir et
résister vous-même, car vous savez bien, que de moi-même je ne peux rien !
Jésus est venu et m’a parlé affectueusement :
— Ma fille, fleur solitaire,
joyau de l’humanité douleur qui sauve, amour qui sort toujours vainqueur, jardin
de paradis, j’ai semé en toi et le monde vient à toi pour cueillir fleurs de
vertu, fleurs d’amour. Ma fille, trésor caché, en toi sont renfermées des
richesses divines. Trésor caché, parce que presque tout ce que j’ai déposé en
toi reste méconnu. Ma fille, blanche colombe, colombe angélique, ta vie et un
gazouillement de louange à Jésus, à la Trinité divine et à ma très sainte Mère.
Je viens à toi, je suis en toi... Tu es un port d’asile, tu es un port de salut,
tu es le refuge des pécheurs, salut de l’humanité.
Le combat est-il terrorisant ?
Ne crains pas...
— Ô mon Jésus, je suis si
petite, comment pouvez-vous me trouver ?
Je ne suis que misère, comment pouvez-vous poser sur moi
votre divin regard ? Je suis gênée, je ne peux pas lever mes yeux pour vous
regarder.
Ayez compassion ! Je suis fleur, je suis jardin, je suis
tout ce que vous me dites parce que vous l’avez semé vous-même, vous l’avez
cultivé. C’est vous le jardinier, c’est vous les fleurs, vous êtes tout, tout,
mon Jésus ! Vous êtes le port de salut parce que le salut c’est vous.
Observez et regardez ma souffrance, ayez compassion de
moi. Je veux vous aimer et je ne sais pas comment ; je veux souffrir pour sauver
le monde mais je ne sais pas souffrir. Je crains de moins m’y prêter, je crains
de tomber et de ne plus me relever...
— Tu es la toute petite de
Jésus, tu es la toute petite de Marie. Avec elle tu sauveras le monde qui t’a
été confié, et que tu dois sauver. Je te l’ai donné, il est à toi, ne crains
pas, il ne te sera pas volé...
Reçois mon amour : distribue-le abondamment à toute
l’humanité.
Bientôt ta souffrance sera connue partout. Ton amour
inégalable sera connu partout...
(...)
Le 13 [janvier], parmi les visiteurs que j’aime plus
tendrement, il y avait celui que j’attendais déjà et qui avait laissé comme un
vœu dans mon âme.
Je l’attendais, cependant je l’ai reçu froidement : tout m’était indifférent. Je
le regardais et quelques fois il me semblait ne pas le voir, comme s’il ne
s’agissait pas d’une réalité. C’était un prisonnier sorti de prison pour venir
visiter un cadavre qui lui appartenait.
Ô souffrance, ô désolation, ô ténèbres épouvantables !
Il est déjà tard pour me procurer de la joie ; il est déjà
tard pour que mon âme puisse recevoir consolation !
Mes yeux semblaient ne pas voir le deuxième prêtre que l’on
m’avait volé. Qu’arrivera-t-il quand on me rendra le premier ?
— Jésus, je suis votre
victime : votre amour et le salut des âmes, coûte que coûte, voilà ce qui
importe. Et maintenant je souffre de ma froidure, de mon indifférence envers
cette personne à qui je dois tant. Il me semble lui avoir déplu et l’avoir
blessé : ô Jésus, que tout soit par amour pour vous !
Pendant la nuit, presque toujours réveillée et unie à Jésus,
au milieu d’une mer de souffrances du corps et de l’âme, j’ai été cruellement
assiégée par le démon : j’ai lutté pendant presque deux heures...
J’ai entendu que Jésus me disait :
— Courage, fille aimée !... Ta
mort donne vie aux âmes. Je ne t’ai pas laissé éprouvé réconfort par la visite
de mon Dom Umberto ni à lui de te voir consolée. ce fut au profit des âmes afin
que les hommes constatent ce que c’est qu’une âme attachée à la croix et solide
dans l’amour de Jésus ; de sorte qu’ils n’interprètent pas les choses du côté de
l’enthousiasme.
Dis à mon Dom Umberto mon remerciement d’être venu donner
vie à l’âme de mon épouse, de ma victime aimée... Promets-lui mes grâces, mes
bénédictions et mon amour pour lui et pour toute la Congrégation. Il est attaché
par une seule aile : il n’est qu’à moitié empêché de voler.
C’est pour cela que j’accorde des bénédictions et des grâces à toute la
Congrégation... Je veux qu’il te soutienne, étant donné que celui qui le désire,
ton Père Pinho, ne peut pas le faire. Il a été empêché de tout envol et, non
satisfaits, ils l’attaquent de tous côtés. (...).
Où suis-je conduite ? Ô Jésus, que deviendrai-je ? Tout me
fait peur et me cause horreur ! Je marche en toute hâte par une route étroite et
obscure. Je tombe exténuée : le poids des humiliations me broyait. Je suis
entraînée par de rugueuses cordes. Je sens que ma face traîne par terre ; que
mes joues sont très meurtries. La douleur d’aiguës épines me pénètre enfin le
cœur. C’est une douleur qui semble me donner la mort. Je sens que mes genoux,
mes épaules et tout mon corps ne sont qu’une douloureuse plaie.
Très gênée par tant de curiosité, remplie de la tristesse la
plus profonde que l’on puisse imaginer, je marche avec peine, tombant plusieurs
fois.
Pendant mon cheminement, une dame qui a compassion de ma
souffrance, elle vient à ma rencontre. Avec tendresse et amour elle essuie mon
visage couvert de sueur, de sang et de poussière ! Des liens de la plus étroite
amitié unissent nos cœurs. Il est indicible ce que j’aimerais dire à son sujet,
les louanges que j’aimerais dire sur elle. Comme j’aimerais que l’on parle de
son acte héroïque !
Arrivée en haut de la montagne, quel découragement je sens en
moi !
C’est un découragement d’amour.
Tout me cause horreur : la mort, l’abandon, ô mon Dieu ! À
genoux, je lève mes yeux vers le Père éternel ; je lui fais mon signe de tout
accepter. Je baisse les yeux, je me recueille en moi-même et j’étreins l’univers
contre mon cœur.
Je m’offre à la mort. Les bourreaux continuent leur mission barbare : tableau
terrifiant ! Quelle répugnance, quelle honte de moi-même ! Mon corps et mon âme
se déchirent en lambeaux. J’attends mon heure.
Je suis passée de la souffrance à l’amour, du Calvaire au
Thabor. J’ai commencé à ressentir fortement dans ma poitrine l’amour de Jésus et
sa divine présence en moi. Tout à coup j’ai entendu sa voix douce et suave :
— C’était mon désir, ma colombe de prédilection, que le
monde connaisse de quelle manière je me donne à mon épouse, à l’âme vierge, que
le monde connaisse et comprenne cet amour : l’amour dont moi je t’aime, l’amour
dont tu m’aimes, l’amour des âmes, l’amour de la croix. C’était mon désir, mon
grand désir, que le monde connaisse ta vie, vie d’un amour très pur, vie
d’héroïsme sans réserve. Ta vie est un tableau très riche où est reproduite la
vie divine, la vie la plus complète du Christ crucifié.
Les hommes, ma fille, s’opposent par des méthodes peu
édifiantes à cette vie que je voulais connue pour le bien des âmes.
— Ô mon Jésus, n’ayant pas de
volonté propre, je veux ce que vous voulez ! S’il n’en était pas ainsi, je
préférerais vivre cachée ; vivre comme si je ne vivais pas ; vivre comme si je
n’avais jamais existé, à condition de vous aimer et de sauver les âmes. Mais si
vous le voulez autrement, la solution est entre vos mains : faites que les
hommes agissent autrement.
— Non, non, ma chère, ce n’est
pas ainsi.
— Pardonnez-moi alors, mon
Jésus, si je vous ai offensé.
— Sois en paix : tu ne m’as pas
offensé.
Où sont-elles les grâces que je leur ai donné ? Ils ne
s’en sont pas servis, ils m’ont méprisé en elles, en elles, ils m'ont foulé aux
pieds. Ils ont préféré leur propre volonté, leur orgueil, leurs jugements et de
fausses lumières. Quelle douleur pour mon divin Cœur !
Courage, petite fille, ma cause vaincra et avec elle tous
ceux qui pour elle combattent.
Tu es un vrai chemin, tu es une route royale flanquée de
chaque côté des merveilles du Seigneur. Heureuses les âmes, heureux les pécheurs
qui y entrent et vont ainsi jusqu’au port de salut. Ton regard, ta douceur, ta
grâce attirent les âmes à toi et par toi elles viennent à moi... (...)
— Venez, ma Mère, ma Mère bénie
: donnez de votre céleste vie, donnez de vos grâces et de vos richesses à cette
enfant, ma fille et mon épouse, aussi bien que votre petite fille très chère.
La Vierge Marie a uni son très Saint Visage au mien : Elle
m’enlaçait et me couvrait de ses caresses et planait sur moi avec une grande
suavité. J’ai senti comme si je recevais beaucoup, beaucoup de vie. Je l'ai
entendue me dire :
— Ma fille, épouse de mon
Jésus, Tabernacles de mon Fils, sanctuaire de mon Jésus, où Il habite toujours !
J'ai entendu Jésus dire aussi :
— Donnez-lui, ma Mère,
donnez-lui les richesses du Ciel, donnez-lui tout votre amour. Au moins vous et
moi, montrons-lui notre amour et notre consolation, étant donné que de la part
des créatures qu'elle aime et qui sont à ses côtés, elle ne peut en recevoir
aucune, malgré le fait qu'elle sait que celles-ci l'aiment mais elle ne reçoit
pas leur amour, ce qui lui fait peur.
Je ne sais pas expliquer ce qui arrive dans mon âme, mais
Jésus le sait, il sait que je ne mens pas...
Je sens être un comble de péché, de corruption ; un comble de
froideur, d’ingratitude, de manquements dans les préceptes de Jésus ; j’ai
l’impression d’être une mer de sang. Quelle douleur de constater que j’ai tout
fait et que je ne peux faire rien d’autre pour le monde ! Mais, mon Dieu,
qu’ai-je fait si tout ce que je souffre et fais ne m’appartient pas ? Comment
puis-je sentir que j’ai tout fait pour le salut du monde. N’ai-je pas donné ma
vie pour celui-ci ? Mais cette vie même, je l’ai offerte à Jésus.
Qu’est-ce que cette mer de sang que je sens être ? Vous le
savez, Vous, Jésus : cela est suffisant. Il me semble que toute l’humanité se
soit immergée. Oh, si je savais ce que je pourrais faire pour la sauver !
Et les pauvres enfants des limbes ? Je n’oublie pas mon
offrande, ma demande à Jésus d’aller les baptiser. Si je pouvais, et Jésus le
consentait, j’aimerais rester à genoux aussi longtemps que le mon durera, pour
obtenir de Jésus cette grâce : baptiser ces petits enfants. Je me meurs de
compassion pour eux.
Et les âmes qui sont en enfer !... Mon âme ressent une
douleur indicible, non pas tant pour les souffrances qu’elles y endurent, mais
plutôt parce qu’elles ne pourront jamais voir Dieu. Ô quelle ténébreuse
souffrance !...
Je ne sais pas comment l’expliquer : j’aimerais souffrir pour
remédier à tous ces maux.
— Ô Jésus, mon amour, vous voyez, vous savez la sincérité
de mes paroles : elles ne sortent pas uniquement de mes lèvres, mais bien du
plus profond de mon cœur, d’entre ma plus grande douleur et la plus grande
agonie de mon âme. Oui, mon bon Jésus, ma vie n’est pas une vie d’illusion,
comme le disent certains. Par votre grâce et votre miséricorde je n’ai jamais
cherché à tromper. Trouvez-vous en moi quelque chose de bon et de louable ? Je
ne le sens pas, je l’ignore. Mais si quelque chose il y a, elle vous appartient,
ce n’est pas à moi.
Combien d’épines blessent ce cœur qui n’existe que pour
souffrir ! Du plus profond de mon âme je vous demande pardon pour ceux qui si
cruellement me font souffrir. Mon âme sent que beaucoup de ceux-ci veulent
maintenant se laver en se servant de moi, mais ne le peuvent pas : je suis un
chiffon immonde ; ils se saliraient davantage.
Ô, combien je suis endolorie ! Mais, plutôt souffrir des
millions de fois, innocente, qu’une seule fois coupable.
Je ne veux pas perdre mon union avec Dieu un seul instant.
J’ai passé toute la nuit éveillée.
J’ai demandé beaucoup
de choses à Jésus. J’ai renouvelé mon offrande comme victime. Je l’ai remercié
du bienfait de ne pas dormir parce qu’ainsi je peux lui tenir davantage
compagnie, vivre davantage sa vie et me confier à lui...
Pendant que je me confiais à Jésus, j’ai été assaillie par le
démon. Il a utilisé son astuce, sa malice et des paroles honteuses que je ne
puis répéter...
Le soleil et la lumière du jour ont-ils cessé d’exister pour
le monde ? Il me semble que la nuit la plus tourmentée et obscure ait tout
envahi. Je n’ai pas de lumière, pas de joie, pas de vie. Je suis morte et je
sens que tous ceux qui me sont chers, sont morts eux aussi.
Le médecin est venu. Il me semblait ne pas le voir : il était
comme un cadavre voisinant un autre. Comme toujours, dans sa bonté et sainteté,
il a cherché à soulager ma souffrance, en m’incitant au courage et à la
confiance. Ô mon Dieu, quelle indifférence ! Tout ce qu’il disait semblait ne
pas me concerner. À la fin, j’avais même peur de lui, très peur.
— Jésus, prenez-moi tout, et donnez-moi votre divin Amour
en échange de tout ce que vous me prendrez. Donnez-moi une infinité d’âmes ;
donnez-moi l’immensité de votre amour infini. Je veux vous aimer de cet amour et
vous aimer pour ces âmes que je vous demande.
J’ai soif, Jésus, j’ai soif ; une soif qui me brûle et me
consume ; une soif qui ne pourra jamais être rassasiée sur la terre ; j’ai soif
de vous aimer et de vous voir aimé par cette infinité d’âmes que je vous
demande ; j’ai soif de souffrir, souffrir toujours davantage pour conquérir et
sauver ces âmes pour vous.
O monde, monde, sans vouloir t’appartenir, sans vouloir
t’aimer, je t’aime follement, je te veux, coûte que coûte ; je ne peux pas te
laisser, cher monde, sans te voir entièrement sauvé ! Ces anxiétés, ces désirs
ne m’appartiennent pas ; ils ne sont pas nés de moi : je ne suis que mort, rien
que mort. Ils sont à qui ils veulent, ils appartiennent à qui ils veulent, ils
sont à Jésus ; ils servent à le consoler, ils servent à l’aimer.
— O mon Jésus, reliez mon cœur
à votre Cœur ; que rien ne puisse nous séparer. Reliez aussi à vous tous les
cœurs du monde entier. Je ne veux pas qu’en cette pauvre humanité existe autre
chose en dehors de l’amour : amour pur à votre divin Cœur. Je veux que ma vie
soit une vie uniquement de louange pour vous. Que puis-je désirer d’autre ?
Comment souffrir davantage ? J’aimerais m’arracher le cœur et le confier aux
flammes du plus ardent amour et pouvoir vous dire : “celui-ci est l’amour de
toute l’humanité”...
(...)
Quel triste jeudi ! Combien de fausseté on me prépare ! Il
fait déjà nuit. Je me trouve au milieu d’un rassemblement important, à une
invitation d’une très grande intimité [la dernière cène] : les conversations
sont orientées au réconfort.
Dans mon âme deux tableaux bien différents se présentent :
une trahison sans égale et un amour sans pareil ; un amour, une douceur, une
tendresse telle envers le traître qu’aucun cœur ne peut comprendre. Combien
d’appels pleins de douceur à l’adresse du traître ! Mais celui-ci résiste, il ne
se rend pas, il ne se trouve pas à l’aise à côté de l’Agneau, victime innocente.
Je ne sais pas exprimer, ni la bonté ni la tendresse de
Jésus. J’aimerais que mon âme ait été un livre où tous puissent apprendre les
manifestations de la bonté, de la tendresse, et de l’amour de Jésus.
Jésus me demande aujourd’hui deux sacrifices : un pour l’âme,
l’autre pour le corps. Un sacrifice de l’âme parce que je dois dicter tout ce
que je sens et tout ce que je souffre. un sacrifice du corps parce que mon état
est si grave que je ne peux même pas bouger mes lèvres pour parler. Il me
semble, en effet, qu’à chaque parole que je prononce des morceaux de mon cœur et
de mes entrailles s’en échappent.
J’ai confiance en Jésus et je suis sûre qu’il m’aidera à dicter au moins ses
divines paroles [de l’extase]...
Vers la fin de la matinée j’avais cette impression : je
courais vers la mort et la mort vers moi. Je courais parce que des impulsions
d’amour m’obligeaient à courir. Seuls le sang et la mort auraient pu sauver le
monde et moi, je voulais le sauver.
Combien de fois, pendant le trajet, je suis tombée épuisée,
et croyant mourir ! Le fait de perdre la vie pour redonner vie me redonnait des
forces, et je reprenais mon chemin.
Sur le Calvaire, déjà en croix, mon sang coulait à flots.
Calme et sereine, l’esprit tout en Dieu, j’attendais le
moment du plus grand bonheur : le moment du salut.
Jésus est ensuite venu. Il était tout amour et tendresse pour
moi :
— Ma fille, tabernacle divin où
j’habite, prison de douceur et d’amour ! J’ai relié mon Cœur au tien par des
liens du plus saint amour. Les lacets enchanteurs de ton cœur m'ont attaché à
toi... Rien ne peut nous séparer. Nul ne pourra couper les liens conjugaux qui
nous unissent.
O ma colombe... par ton amour
séraphique le monde m’aimera... Tu es et seras toujours le paratonnerre des
pécheurs.
— Oh oui, Jésus, je veux les
attirer vers vous, à n’importe quel prix ! Je vous demande la grande grâce de
les recueillir tous dans votre divin Cœur. Qu’aucun d’eux ne se perde. Je ne
vous refuse aucune peine, mais vous non plus, ne me refusez pas les âmes.
— Ma petite fille, héroïne du
monde hors pair, dont la souffrance et l’amour sont aussi hors pair. Tu es riche
et puissante. J’ai préparé en toi un armement très fort, un armement de guerre :
non pas des armes ni du feu destructeur, mais un armement des vertus les plus
héroïques... non seulement pour combattre pour le Portugal, mais aussi pour
combattre pour le monde entier. Tu combattras et tu vaincras...
Mon épouse bien-aimée, nouvel
évangile où est écrite, de façon indélébile, la vie du Christ crucifié : vie de
douleur, vie d’amour, vie de folie pour les âmes, vie de charité, vie de science
et de doctrine du Christ Rédempteur.
Je t’ai rendue semblable à moi,
je t’ai modelée sur moi, victime chère, innocente salvatrice, éclose sur ce
calvaire
prédestiné. Sauve-moi les âmes, mets-les à l’abri sous le manteau qui t’a été
confié par ma Mère bénie...
Jésus m’a serrée entre ses bras pendant quelques heures : il
me faisait penser à une mère qui n’abandonne jamais son petit enfant quand il
est moribond.
J’ai beaucoup souffert, mais j’étais réconfortée par la
tendresse de Jésus. Autant de bonté de sa part envers moi me confond,
m’anéantit.
(...) Plus je souffre, plus je désire souffrir, mais je souffre
terriblement. J’aime la douleur, je la veux, et pourtant j’en ai la plus grande
terreur. Je courre vers les souffrances avec une grande avidité de les saisir et
en même temps il me semble qu’elles me fassent pleurer des larmes de sang que
j’aimerais cacher. Ô horreur, épouvantable horreur ! Je veux souffrir et je veux
fuir la douleur.
Pendant ces derniers jours où j’ai eu tant à offrir à Jésus,
je n’ai pas pu avoir un moment de joie ni lui offrir mes souffrances. Je
répétais sans cesse : “Tout pour vous, Jésus, et pour les âmes ! ” Mais
ce tout que j’offrais à Jésus, n’était pas à moi, n’était rien. J’ai passé des
jours et des nuits dans cet état : à donner, à offrir, sans rien avoir à donner,
sans rien avoir à offrir...
J’ai dit à Jésus :
— Je ne souffre pas ? Acceptez
le désir que j’ai de souffrir. Je n’aime pas ? Acceptez le désir que j’ai de
votre amour. Je ne suis pas moi-même ? Je ne vis pas ? Je n’ai rien à offrir ?
Acceptez tout comme si je vivais, comme si je souffrais, comme si tout
m’appartenait...
Je sens dans mon âme tant de grands tourments. Je ressens
même des remords, ou je ne sais quoi, pour tant de personnes qui m’ont fait
souffrir. Qu’est-ce que cela, mon Jésus ? Les souffrances qu’elles m’ont causées
ne sont-elles pas suffisantes, dois-je encore souffrir le dégoût qui entoure
leurs âmes ? Jésus, je suis votre victime. Pécher je ne le veux pas, mais tout
ce qui peut servir à vous aimer et à vous procurer gloire, je le veux, je
l’accepte...
(...)
Les épines ne cessent de tomber sur moi ; et elles tombent
avec tant de force ! Elles me blessent le corps, me blessent aussi l’âme.
Cela fait déjà deux jours que l’on ne me porte pas Jésus : où
trouver la force pour supporter ceci.
Les si tristes tableaux que Jésus a imprimés en mon âme sont
toujours présents devant moi : le monde, les limbes, l’enfer. Combien de fois le
souffle me manque parce que je ne vois aucun remède, parce que je ne peux rien
faire pour eux !
Depuis deux jours mon âme ressent une petite pluie fine,
comme de la neige, mais c’est de la pluie de sang qui arrose l’humanité entière.
Je souffre énormément à cause de cela. Non pas de voir et de ressentir une telle
pluie de sang qui est rosée d’amour, rosée qui donne tout, mais parce que ce
sang qui jaillit sort de moi-même, sort de mon cœur, sort des veines de mon
corps. Ô quelle douceur ! Ô après-midi de jeudi qui m’apporte tout ceci ! Quelle
mer de souffrances de bien peu comprise !...
(...)
Le vendredi est arrivé ; triste vendredi ! J’ai vu ma croix ;
il était encore tôt. On la préparait avec soin : elle était nécessaire, quelle
que soit la sentence que j'ai dû recevoir.
Dans mon âme je ressentais une mansuétude, une bonté
inégalable. En même temps, contre cette mansuétude et cette bonté, je ressentais
la haine, la rancœur, le mépris et une autorité orgueilleuse : un orgueil
cynique.
Des bêtes féroces contre l’Agneau le plus petit et le plus
innocent ! Quelle douleur pour lui, lui si débordant de bonté ! Avant même que
la sentence ne soit prononcée contre l’Agneau innocent, j’ai senti que cette
autorité là, avec une fureur diabolique se déchirait les habits de haut en
bas...
J’ai monté avec peine la montagne du Calvaire, en ayant
l’impression d’expirer. J’ai crié continuellement :
— Père, Père, toi aussi tu
m’abandonnes ? Toi aussi tu m’abandonnes ?
Mon sang coulait.
Le soleil, honteux, s’est caché à la vue de tant de malice.
Et moi, déshabillé, dans une grande confusion, je restais là, sur la croix, sous
les regards de la canaille la plus vile ! Mes habits ont été tirés au sort et
partagés...
Mon âme tremblait de douleur et de peur, comme le corps tremble à cause du
froid.
À haute voix toujours j’appelais Jésus. Il est venu apportant
un soleil radieux et ardent. Les tremblements de mon âme ont cessé, ainsi que la
peur et toutes les douleurs : j’avais retrouvé la paix, je n’avais plus que
lumière et amour. Le cœur a commencé à revivre une vie que je ne sais pas
expliquer. La poitrine est devenue un vrai incendie. Quel bonheur j’ai pu vivre
pendant longtemps !...
(...)
J’ai entendu des hymnes merveilleuses ; je ne comprenais pas
très bien, mais je sais qu’elles étaient adressées à Jésus au très
Saint-Sacrement.
J’ai entendu les paroles « Corpus Jesus Christi »
et je me suis aperçue que Jésus se donnait à moi et m’unissait toujours
davantage à lui.
Les anges continuaient de chanter : de ce chœur d’anges
sortait un canal qui arrivait jusqu’à moi, me communiquant des flammes de feu et
bien d’autres choses.
Jésus m’a dit alors :
— Ce canal,
ma fille, descend du Cœur de la tienne et ma Mère bénie. De celui-ci tu reçois
la très grande abondance de notre amour ; tu reçois nos grâces, vertus et dons :
richesse divine et tout ce qui est du ciel. De son Cœur tu reçois la vie pour
vivre, la vie pour la donner aux âmes. C’est cette rosée, le sang que tu sens
tomber sur l’humanité ; c’est une fusion de mes richesses, de mes grâces et de
ta souffrance. Tu es une nouvelle corédemptrice.
Je te communique tout à travers
le canal de ma Mère bénie : c’est à vous qu’il appartient de sauver le monde.
(...)
(...) J’ai une grande dette ! Combien je vous suis reconnaissante !
Prières, lettres remplies de réconfort, tant et tant de choses !... Comment
pourrai-je vous rétribuer ? Je charge Jésus et la Maman du ciel de le faire pour
moi.
Les vomissements ont cessé, mais je me sens bien malade : je
n’ai pas de force, ni disposition pour la moindre chose.
Il m’aurait plu de vous faire parvenir quelques mots à votre
retour de Lisbonne, mais je n’ai pas pu le faire. Merci pour les nouvelles que
vous m’avez communiquées sur Alexandrina
et
sur la personne trouvée à Fatima.
Que le Seigneur permette que sa cause triomphe, pour son
honneur et sa gloire et le bien des âmes : c’est ce qui m’intéresse. En effet,
il m’importe peu d’être humiliée.
Que Dieu daigne permettre que vous, après la prédication,
vous puissiez venir ici, comme vous le laissez entendre dans votre dernière
lettre. J’ai tellement besoin de vous parler : je crois suffoquer. Pauvre de mon
âme, combien triste est ma vie !... Le démon, pendant que j’avais les crises de
vomissements, n’a pas usé de ses malices, il bavardait et m’affligeait, me
disant que, après un peu de repos, il m’entraînerait de nouveau à la vie de
péché.
Je vous demande d’avoir l’obligeance de remercier Dom
Previsano pour sa lettre. Pour lui et pour tous les autres prêtres salésiens nos
respectueuses salutations et nos remerciements pour les prières. Je n’ai pas
oublié de m’unir aux leur, le jour de la fête de Dom Bosco...
Salutations et saints souvenirs à tous les novices et à tous
les confrères.
Vous pourriez, maintenant, me dispenser de dicter mon journal
spirituel : je fais pour ce faire un très grand sacrifice !... Laissez-moi tout
souffrir sans rien dicter...
(...)
Je sens que je ne peux pas résister à tout... Je ne peux plus
rester sur cette terre... Je veux laisser le monde et l’emporter avec moi ; je
n’en veux pas, mais je l’aime ; je ne lui appartiens pas mais il est à moi ; je
déteste tout ce qui est du monde, mais je veux embrasser le monde au point de ne
plus le laisser... Je veux entrer au ciel, mais avec toute l’humanité. Mon
Jésus, que dois-je faire ?... Je ne sais pas quelles plus grandes souffrances je
peux désirer pour mon corps...
Je continue de souffrir des remords, ceux qui entourent les
âmes que certaines personnes... Je souffre pour le malheur de quelqu’un qui m’a
tant blessée...
(...)
Je sens et je vois les tourments qui m’attendent. Je sens que
je suis prise comme cible : les pierres me blessent le cœur. Je sens que je
prends congé d’une assemblée.
Combien de larmes de chagrin et de honte en me voyant revêtue
de toutes les immondices et de me trouver dans un tel état en présence du Père
éternel !
L’amour me pousse vers la souffrance. Les lèvres clos, les
yeux fermés, je me dis à moi-même : “Je vais vers la mort”.
Une pluie d’épines tombe sur moi : mon corps devient comme
lépreux. Mais je reste les bras ouverts, un tendre sourire aux lèvres et une
mansuétude inégalable. Je cache et je dissimule tout.
Ô mon Jésus, j’aimerais, uniquement pour votre gloire, savoir
expliquer ce qui se passe en moi, ce que vous avez souffert pour nous ! Ô,
quelle tendresse, quelle bonté, ô innocent, ô innocent Jésus !...
(...)
La Maman est venue me secourir. Elle m’a prise entre ses bras
très saints et m’a dit :
— Me voici, ma fille, me voici
pour te défendre. Viens dans mes bras, viens te reposer. C'est à la mère qu'il
appartient de défendre sa petite fille, à la mère qu'il appartient de défendre
et de consoler les épouses bien-aimées de Jésus. Toi, tu n’as pas péché, ma
petite enfant : ceux-là, ce sont des moments d'une intense réparation, d'un
grand amour à Jésus. Courage, souffre, souffre et réjouis-toi !...
Si tous les jours, après mes légers sommeils, je me trouve
submergée par une grande souffrance et une grande tristesse, cette même
souffrance redouble le vendredi. Je n’ai pas de paroles ni le moyen de les
expliquer. Aujourd’hui je me suis réveillée tout simplement exsangue. J’avais
l’impression que mes cheveux étaient imbibés de sang, et que pareillement mes
habits étaient collés à mon corps.
Je me trouvais toute seule dans une obscure prison. Je
sentais la douleur de l’abandon dans lequel ceux qui m’étaient chers avaient été
laissés. Que devenaient leurs protestations de ne pas m’abandonner ?
Tout ceci est comme un livre aux caractères bien clairs
imprimés dans mon âme ; ce ne sont pas des inventions. Parfois j’essaie de me
distraire pour voir si ces souffrances disparaissent. Je me trompe, car la
blessure est bien profonde, c’est une douleur très vive que seuls Jésus et la
Maman du ciel peuvent adoucir.
Ensuite le démon est arrivé sous l’apparence d’un loup ou
d’un lion, développant devant mes yeux des scènes horribles... J’aimerais que
les âmes connaissent ses astuces diaboliques afin qu’elles ne se laissent pas
tromper !
Avec la venue de Jésus-Hostie, par la chaleur de son divin
Amour qu’il m’a fait sentir intensément, j’ai repris un peu de vie.
Son réconfort m’a encouragée à parcourir le chemin du
Calvaire. Combien j’ai été maltraitée ! Je suis tombée si souvent sous le poids
de la croix, et traînée avec des cordes pendant de longs moments. Je tombais la
face contre terre et des lambeaux de ma chair lacérée restaient collés aux
pierres.
Toutes les souffrances qui m’attendaient anéantissaient mon
cœur : c’était une oppression qui le suffoquait et lui enlevait la vie.
Sur la croix, abandonnée de tous, en écoutant les injures les
plus infamantes, je sentais ruisseler une sueur mortelle tout le long de mon
corps. À celle-ci se joignaient les gouttes de sang qui abondamment tombaient de
ma tête et des plaies de mon corps.
Dans la souffrance je sentais la grande douceur d’être comme
la monnaie d’échange pour les âmes, mais je ne pouvais même pas esquisser un
sourire.
Pendant cet abîme de douleur Jésus est venu :
— (...) Ma fille, tu es une mer immense
de richesse, tu es un port de salut. Quand tu seras au ciel près du trône divin,
et que là arriveront des suppliques en ton nom en faveur des pécheurs en danger,
quand tu diras “Mon Père, je désire que tel pécheur se sauve”, au même moment il
recevra la touche de la grâce. Tous, par toi, seront sauvés. Tu seras comme un
fil d’or très fin qui les liera à moi pour toujours.
— Mon Jésus, je vous remercie
pour votre bonté et pouvoir, infinis. Si vous me ferez si puissante au ciel,
faites que déjà sur la terre, tous les pécheurs que je vous indiquerai se
convertissent et soient sauvés.
— Demande, demande, ma petite
fille, tu es puissante. Confie à mon Cœur tous ceux que tu voudras. Ta mission
sur la terre est de faire le bien à la terre elle-même, c’est de défendre le
bien... Écoute, ma fille bien-aimée, ceux-là (et
il m’a cité les noms) sont en danger de se
perdre : ils sont tellement obsédés par les passions ! Ils m’offensent très
gravement, si scandaleusement !...
— O Jésus, je veux m’offrir à
vous pour vous consoler et pour les sauver. Choisissez la réparation que vous
voudrez ; donnez-moi votre grâce, votre force divine. Munie de celles-ci, je
suis prête à n’importe quel sacrifice.
(…)
Hier j’ai passé plus de trois heures à parler de Jésus à une
personne éloignée de lui depuis de longues années. Je ne me souviens pas qu’il
ait jamais fréquenté l’église.
Je suis restée baignée de sueur et épuisée au point de ne
plus pouvoir bouger mes lèvres pour prononcer la moindre parole. Mais mon effort
n’a pas été sans récompense : Jésus a permis que, pendant un certain temps, je
puisse éprouver quelque joie. Cette personne m’a donné des signes de repentir et
m’a promis de changer de vie. Elle me semble prête, dans peu de temps, à pouvoir
échapper à l’emprise du démon.
Ah, si je voyais dans de telles dispositions tous ceux qui
sont éloignés de Jésus ! Je veux souffrir, je veux souffrir, je veux les
sauver : je les aime ; ils sont tous à Jésus...
Il est certain que Jésus souffre en moi, toutefois, la
souffrance prédomine et je suis épuisée. Je sens que la mort chemine vers moi :
la mort que je souhaite tant, que je veux appeler, qui m’introduit dans le
bonheur céleste. Je ne pense plus alors à mes tristesses, à mes souffrances et
amertumes, et je me mets à prier pour tous ceux que j’aime et pour le monde
entier. Je n’oublie pas ceux qui sont la cause de tant de mes souffrances : je
prie pour eux ; je veux que Jésus leur donne de l’amour, je veux qu’il leur
donne le ciel.
Je sens être le monde : un monde fait de rochers très durs ;
un monde fermé, et je sens que je suis à l’intérieur de celui-ci. Je dois
transformer ces rochers de très dures pierres en pierres précieuses, en de l’or
très fin. Quels efforts je fais, à l’intérieur de ces rochers afin de pouvoir me
déplacer ! Je dois les déplacer, les concasser. Je dois en faire un monde beau,
agréable à Jésus.
— Ô Jésus, regardez le martyre
qui me consume. Que dois-je faire pour le monde ? Comment le transformer ?
Comment pourrai-je consoler et procurer de la joie à votre divin Cœur ?
L’action de l’Esprit-Saint se fit sentir en moi. Mais il me
semble ne pas bénéficier de ses grâces, de ses lumières. Je suis une pauvre qui
n’a rien et ne pourra jamais rien avoir.
— Qu’en sera-t-il de moi,
Jésus ? Je ne peux pas vivre sans vous ; sans vous je ne peux pas souffrir...
Le souvenir qu’aujourd’hui soit un jeudi me fait mal. Quelles
souffrances m’apportent ces jours [jeudi et vendredi].
À la tombée de la nuit j’avais l’impression de parcourir des
routes. Je poursuivais mon chemin et j’étais cernée et montrée comme accusée des
toutes les fautes de tous ceux qui me voyaient.
La nuit tombée je me suis trouvée dans un banquet d’amis. Au
milieu de cette amitié je sentais le traître qui, peu après, allait m’embrasser,
et j’ai éprouvé la douleur que ce baiser allait me causer.
Je sentais être Jésus. Sur ma poitrine s’est posée une tête
que j’aimais beaucoup. Mon cœur s’est attendri d’amour pour lui.
Que de conversations sur tant de mystères et sur tant de
grandeurs !
Pendant ce banquet j’ai lavé les pieds à ceux qui
m’entouraient. J’avais sur moi de l’eau, serviette et bassine. Parmi eux, un se
sentait gêné que je lui lave les pieds. Un seul regard de moi et il était prêt à
se déshabiller pour que je le lave tout entier, s’il en était nécessaire.
Si je pouvais rendre tout l’amour, la bonté et la tendresse
de Jésus, combien cela ferait de bien aux âmes ! Mais je ne sais pas mieux
l’expliquer.
— Suppléez, Jésus, mon incapacité.
En fin de matinée j’ai senti mon cœur très maltraité. Les
humiliations l’écrasaient : il n’avait plus de sang à donner à mon corps.
J’ai commencé mon chemin de calvaire. La Maman du ciel est
venue à ma rencontre : ce fut un échange de profonds regards. Nous cœurs se sont
unis dans une même souffrance. L’échange de nos regards fut bref ; en effet, je
devais avancer, toujours maltraitée, poussée, traînée. Mais la douleur de nos
cœurs ne s’est pas désunie, liée qu’elle était comme deux fils électriques.
Bien vite je suis arrivée au sommet du calvaire, où j’ai été
clouée à la croix. Quelle longue agonie ! Le sang coulait ; les plaies
s’agrandissaient chaque fois davantage. Les larmes de la Maman chérie coulaient
sur mon cœur. Elle était comme un phare pour moi et moi pour elle : un phare
dont la lumière mettait en évidence nos souffrances.
Avant d’expirer, j’ai senti que l’on me transperçait le cœur.
Cette douleur m’a été anticipée, car une fois morte, je n’aurais pas pu la
ressentir. Quand j’ai senti mon cœur transpercé, j’ai jeté mon regard sur le
monde et je lui ai dit :
— C’est à cause de toi que je suis en cet état !
Alors, mon Jésus est venu :
— Ma fille, comme moi, tu as la
folie des âmes. J’ai fait ton calvaire semblable au mien. Ta vie est vie du
Christ : le Christ vit voilé en toi...
Ma fille, tu es une source de
salut pour toute l’humanité ; tu es une source qui ne s’épuise jamais ; tu es
comme une eau qui rassasie le monde entier ; tous, dans cette eau, peuvent se
purifier...
À l’aube j’ai commencé à souffrir à cause du voyage de
Deolinda.
Elle partait avec d’autres personnes que j’estime, afin de visiter d’autres
personnes que j’aime. J’étais contente, mais j’aurais aimé y aller moi aussi.
J’ai offert au Seigneur le sacrifice de ne pas manifester mes sentiments. Mais à
la fin, je n’ai pas su me contenir et j’ai laissé transparaître ma pénible
nostalgie.
Je suis restée sur ma croix devenue plus douloureuse encore à
cause de la préoccupation de tout ce qui aurait pu arriver pendant le voyage,
étant donné non seulement la faiblesse physique de ma sœur, mais aussi des
dangers que pourraient encourir tous les autres et le fait même qu’ils ne
puissent pas rencontrer mon bon Père Pinho, visite qui leur auraient procuré un
très grand plaisir.
Je me suis sentie aussi toute petite en constatant que des
personnes importantes et se débattaient pour nous. Cette pensée me poursuivait
ces jours-ci chaque fois que je recevais la visite de quelqu’un.
Pendant la nuit j’ai beaucoup souffert des conséquences de
cette journée. Sans le vouloir, je revivais tout ce qui s’était passé. Jésus ne
m’a même pas accordé le réconfort de la confession,
et ce n’était pas là la première fois... Je demande toujours à corps et à cris
la visite du confesseur afin de purifier chaque fois davantage mon âme. Mais
après m’être confessée, quelle amertume ! Mais, je reste en paix, malgré cela.
En effet, mon âme se tranquillise parce que je suis toujours sincère et ne
cherche aucunement à tromper.
— Acceptez, mon Jésus, mon amertume. Je la veux et je
l’aime parce que je vous aime et que j’aime les âmes.
Il y avait deux nuits simultanées : celle du dehors et celle
de mon âme.
Le démon, pendant la journée, m’avait affirmé que pendant le
voyage un désastreux accident était survenu aux personnes qui m’étaient si
chères. Il est le père du mensonge. Ils sont arrivés peu après. Je n’ai pas
ressenti de joie : Jésus ne l’a pas permis.
Je suis restée quelque temps avec le Père Umberto, venu
m’apporter quelque lumière et faire disparaître mes doutes. J’avais du mal à
croire qu’il soit là, à côté de moi : je le sentais si éloigné et de ne rien
pouvoir faire pour le rejoindre. Son visage me semblait être seulement une
coquille d’œuf.
Mon Dieu, combien les souffrances que vous m’avez envoyé sont
variées !
(...)
— C’est pour cela que je ne
procure pas de joie, ni de consolation, avec la présence de ceux qui pourraient
te la procurer ; je les prive, eux aussi de la consolation et de la joie qu’ils
auraient de te voir joyeuse et consolée.
(...)
Pendant la nuit le démon est venu et il a appelé ses acolytes
: ils étaient nombreux. Très affligée, je craignais que l’on entende mes
gémissements.
Le maudit me disait :
— Tais-toi ! Il ne faut pas qu’il vienne — et il
ajoutait de vilains sobriquets à l’adresse du prêtre. —
Quand j’aurai fait de
toi ce que je veux, je le tuerai. Il mourra sous mes pieds.
Je restais dans un abîme épouvantable : mon Jésus, quelle
obscurité ! Ce n’était que de temps à autre que des feuilles blanches tombaient,
mettant ainsi en relief l’obscurité terrible où je me trouvais...
Les démons m’ont laissée...
Triste, très triste, j’ai invoqué Jésus.
— Allons, ma fille, en avant
dans l’accomplissement de ta mission...
N’as-tu pas vu les pétales
blancs qui tombaient sur cet abîme ? Ce sont les pétales de ta réparation : par
leur candeur ils illuminent les âmes, qui se trouve dans cette horrible
ténèbre...
Je n’ai pas vraiment craint que le démon mette en pratique
ses menaces, mais dès le matin, n’entendant aucun bruit dans la chambre voisine,
j’ai eu peur que le prêtre ne soit mort. Le Seigneur, toutefois, ne l’avait pas
permis.
Quand Dom Umberto est revenu pour me parler des choses de mon
âme, j’ai continué de me sentir comme éloignée, très abstraite, immergée dans
une mer de souffrances en âme et dans mon corps.
À l’intérieur de moi je sentais, de temps en temps, des
secousses terribles ; une grande répugnance pour raconter ce qui se passait dans
mon âme. Je me sentais petite et misérable...
Je n’ai point de vie, je n’ai point de sang : j’ai tout
donné, j’ai tout perdu. J’ai tout donné et mon don me semble inutile. Je sens
une si grande défaite. Mon Dieu, il me semble ne pas exister. La souffrance
existe, et c’est la mienne. Le monde existe et j’en ai besoin.
Mon âme ressent une très grande faim, mais cette faim est la
faim du monde, c’est le monde qui vient se rassasier dans ma souffrance ; c’est
un monde de bêtes qui profite le plus qu’il peut de ma souffrance. Ce n’est
rien, je ne souffre rien en comparaison de tout ce dont a besoin la pauvre
humanité.
Jésus, quelle souffrance, que celle-ci ! On dirait que l’on
m’arrache le cœur de ma poitrine et qu’on le met en miettes pour le distribuer
au monde, aux âmes.
J’aimerais passer ma vie à mendier des cœurs qui puissent
être l’aliment, le salut des pécheurs. J’aimerais crier très fort, j’aimerais
que ma voix soit entendue par toute l’humanité :
— Ô monde, monde ingrat, je suis à toi ! Je me donne à toi
pour Jésus et pour la très chère Maman du ciel. C’est grâce à eux que mon sang
arrive jusqu’à toi, que ma vie parvient jusqu’à toi. c’est grâce à eux que je
t’aime, que je suis à toi. Je t’aime pour te sauver, pour te confier à Jésus et
à la Petite-Maman !
Pauvre de moi, je n’ai rien à donner ; je ne sais plus quoi
faire. Que d’horribles choses se passent en moi, causées par l’anxiété
insupportable que j’ai d’aimer Jésus et de sauver l’humanité !...
Deux petits mots seulement, pour vous remercier pour tant
d’attentions et soins envers moi. Et pour vous dire aussi d’être tranquille à
mon sujet, que vous ne souffriez pas autant à cause de moi.
Je veux bien des prières, mais pas autant de souffrances,
car, malgré mon indicible douleur, mon âme est en paix.
Je ne sais pas comment résister à la douleur, mais c’est une
douleur en pleine tranquillité d’esprit. Pendant que les yeux de mon corps
pleurent les plus amères et tristes larmes, mon âme monte vers Dieu, lui
renouvelle l’offrande de victime et lui dit : “Que votre volonté soit faite”.
Dieu merci, je n’ai pas eu des moments de révolte contre Lui,
bien que je ne sache pas comment résister, parce grande, très grande est ma
souffrance. Pourvu que je sache correspondre à l’amour de Jésus envers moi...
Mes misères méritent toutes les épreuves auxquelles le Seigneur voudra me
soumettre.
Je veux le bénir au milieu de tant de souffrances ; je veux
le bénir toujours, dans le temps et dans l’éternité. Je veux mettre toute ma
confiance en Lui jusqu’au dernier instant de ma vie, quoi qu’il arrive.
(...)
Dans la nuit du 27 [février] j’ai eu une vision d’épines qui
m’a causé une énorme souffrance. C’était un bois très serré d’épineux, rien que
des épineux. Ils montaient à une très grande hauteur, s’entremêlant les uns dans
les autres à tel point que l’on ne voyait pas la cime. Ils étaient tous très
gros et très longs, et ils étaient près à tomber sur moi...
Et sur ces épineux, il tombait continuellement une rosée de
sang.
Mon âme sent que de ces épines va éclore une nouvelle
floraison de boutons blancs...
Ce matin, tôt, j’ai senti dans mon âme, j’ai entendu, de mes
oreilles, de forts grands bruits, de grands coups par lesquels on ouvrait ma
sépulture. Elle était si profonde ! C’est jeudi. La mort court vers moi. La
sépulture est prête. Le poids de toutes les humiliations m’écrase. Aucune
méchanceté ne m’a été épargnée.
Mon âme voit tout ce qui enlèvera la vie au corps. Ma sépulture est un puits, un
abîme.
Rien n’existe en moi qui puisse me procurer de la joie : tout
ce qui s’y trouve de beau et de puissant est pour moi une souffrance.
Depuis mon lit je peux admirer la grandeur du Créateur, en
voyant, à travers la fenêtre, les arbres couvertes de fleurs. Quel prodige ! La
candeur des fleurs se transforme en nuit pour mon âme ; tous leurs pétales
deviennent des flèches qui pénètrent mon cœur. Que faire, mon Dieu ? Accepter
tout ce qui vient de vous.
Je vais vers la mort les yeux fixés sur votre croix.
Je n’y pensais pas, mais mon âme m’a rappelé quel jour nous
étions...
Je me suis sentie en prison, très triste et seule. J’ai
souffert pour avoir les yeux bandés ; j’ai souffert à cause de tant
d’ingratitudes...
Aux premières lueurs on est venu me chercher. Mon visage
ressentait les gros crachats. Au dehors, une immense foule m’attendait : Combien
de railleries j’ai entendu ! De rue en rue, de maison en maison, au milieu d’un
grand tapage, objet de mauvais traitements, j’ai été interrogée par des
magistrats hautains, remplis d’orgueil, convaincus de pouvoir tout faire...
Devant autant de grandeur, combien j’étais petite ! J’ai été condamnée.
J’ai pris la croix. Courbée sous son poids je marchais par
à-coups. Combien de fois j’ai été traînée ! Combien de larmes j’ai ressenti dans
mon cœur ! Traitée si cruellement, je répétais souvent en moi-même :
— Je vous aime ! Je souffre pour amour pour vous !
Je portais la croix et je voyais, sur le Calvaire, celle de
Jésus. Elle était comme un phare qui me pénétrait et m’illuminait tout entière.
Je me suis sentie attirée par elle et je cheminais pour l’embrasser et la
posséder. Arrivée auprès de celle-ci, on me coucha sur la croix. Pendant que
l’on m’étirait les bras et les jambes pour les clouer et que je sentais que des
plaies sortaient de ruisselets de sang, le démon est venu vers moi, redoubler ma
souffrance... Moi, clouée, mains et pieds, sur la croix, je ne pouvais pas
lutter. Combien j’ai souffert ! Je fixait mon Jésus crucifié...
Le démon est finalement parti, mais l’amère tristesse,
l’abandon et les larmes non pas cessé. Les larmes et l’agonie de la Petite-Maman
ne m’ont pas abandonné non plus, ainsi que ses regards endoloris, ses peines de
compassion pour moi. Affligée et agonisante, j’ai crié vers le ciel jusqu’au
dernier soupir :
— Père, mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?
Ce n’était pas moi qui criais, c’était mon cœur. Ce n’étais
pas moi à vouloir crier : la violence de la souffrance de l’agonie m’y
obligeait.
À ce moment-là Jésus est venu :
— Ma fille, soleil de la terre,
feu des cœurs, joie du ciel ! Soleil qui, de ses rayons lumineux éclaire
l’humanité ; feu qui brûle et purifie les cœurs ; joie du ciel parce que mon Nom
est loué par la victime immolée, par la vie qui donne vie... Je viens à toi pour
te confier mes douleurs. Dis-moi, veux-tu me consoler ?...
— Jésus, que pourrez-vous me
demander que je ne vous le donne pas ?...
— Étant donné qu’avec tant de
bonne volonté et de joie tu me donnes tout, je te prive de ma joie, de ma
consolation, comme je t’ai déjà privée de la consolation et de la joie de ceux
qui te son chers. Tu ne recevras de moi que le réconfort nécessaire afin de
pouvoir souffrir et vaincre.
Tu ne recevras que des épines
[de la part du monde], des épines de toutes parts. Voilà le sens de la vison que
je t’ai montrée ; tu vivras au milieu des épines et tu expireras au milieu de
celles-ci. Ton âme pure en sortira pour s’envoler vers le ciel et y brûler
d’amour...
Tes épines, ce ne sont pas des
épines destinées à sécher. Ta souffrance prépare le terrain pour le bois que je
t’ai montré, et ton sang l’arrosera. Ce sont des épines qui en sortiront, qui
donneront des roses... Tu partiras vers le ciel, mais ta grâce et tes vertus
resteront sur la terre... Je veux que ta vie soit bientôt, très bientôt connue :
le monde en a besoin...
— Jésus, je veux souffrir toute
seule, je veux pleurer toute seule : laissez-moi dans mon amertume, dans ma
tristesse infinie, mais vous, restez dans la joie et dans la consolation
complète.
Depuis
dimanche je me sens la mère de l’humanité, une mère tendre. En même temps que
cet amour, la souffrance aussi
arrive ; une souffrance causée par les désordres
de ceux de mes frères que je sens être mes enfants.
J’aimerais me présenter aux gouvernements de toutes les
nations pour demander qu’ils se réconcilient les uns avec les autres ; mais
j’aimerais une réconciliation faite d’un pardon durable pour que les mêmes
désordres n’arrivent plus jamais.
L’envie de faire ceci est quelquefois si grande que j’ai
l’impression de voler vers eux.
Pour obtenir cette paix, je soumettrais volontiers mon corps
aux plus grands supplices et aux plus grands sacrifices, même si je devais être
traînée de nation en nation et faire ce qui est le plus pénible.
J’aimerais prendre dans mes mains le Cœur de Jésus et leur
dire :
— Regardez combien il est blessé ! Ce sont nos péchés qui
le blessent ainsi.
(...)
Depuis samedi j’ai une très grande peur de Jésus. Depuis
dimanche la peur de la Maman du ciel s’y rajoute, à telle enseigne que je n’ose
plus me confier à elle. De la même manière, cette même peur existe envers les
personnes qui me sont chères. Je désire que le Docteur Azevedo et le Père
Umberto viennent ici, mais en même temps la crainte de leur présence me
tourmente. Cette crainte disparaît ensuite pour laisser la place à
l’indifférence, une indifférence qui me porte à croire que je ne leur parle pas
et à me demander si vraiment j’existe ou non...
Je sens en moi un feu brûlant : il me brûle dans tous les
sens. Tout mon corps est une fournaise. J’ai soif de Jésus, j’ai faim, très
grande faim des âmes. J’aimerais pouvoir engloutir le monde. Je me sens toujours
sa mère. Quelle folie la mienne, pour le monde qui n’est que tromperie, fange et
immondice ! Je suis mère, mais une mère combien folle ! Je suis une mère qui
pleure la perte de ses enfants ; je suis une mère qui ne peut pas les voir dans
tant de désordres, dans tant de misères et d’atrocités. Je suis une mère qui
pleure des larmes de sang, larmes qui baignent toute l’humanité. Je ne peux pas
résister à tant de souffrances, mais je ne peux pas non plus m’accorder de
trêve : je veux sauver le monde, je veux tout souffrir, je veux donner ma vie
pour lui.
Au moment où les anxiétés étaient les plus insupportables,
j’ai levé mon regard vers Jésus et je lui ai dit :
— Jésus, ce pauvre monde, je veux le sauver ! Laissez-moi
entrer dans votre Cœur avec ceux qui me sont chers ; laissez-moi y entrer avec
ceux qui m’appartiennent et se recommandent à mes prières ; laissez-moi y entrer
avec tous les prêtres et les pécheurs endurcis ; laissez-moi y entrer avec ceux
qui m’ont offensée ; laissez-moi y entrer avec toute l’humanité. Qu’aucun ne
reste en dehors de votre Cœur, et qu’ainsi ils entrent dans notre Patrie, le
Ciel que vous avez créé pour tous. Je veux vous aimer et vous louer avec eux
tous, éternellement... (...)
(...)
Vers la
fin de la matinée j’ai commencé à me rendre compte que Jésus pleurait à
l’intérieur de moi. Moi, j’étais la ville de
Jérusalem ; j’étais Jésus ; j’étais
l’amour et l’ingratitude. De mon cœur partaient vers la cité les plus doux et
tendres regards. C’étaient des regards de rappel, des regards de compassion.
Mais de la ville, rien ne sortais vers moi ! Seule la révolte grondait contre
moi.
En fin d’après-midi, je me suis sentie réunie avec des amis.
Ô mon Dieu, que se passe-t-il ? Des scènes si contrastées ! J’étais Jésus et,
sur mon cœur, je sentais quelqu’un poser sa tête sur ma poitrine, et moi j’étais
ce quelqu’un. J’étais la table, j’étais le pain et le vin ; j’étais la coupe qui
contenait le vin ; j’étais les plats où les viandes étaient servies. J’étais
Judas ; j’étais tout. J’étais la douceur et la mansuétude de Jésus ; j’étais le
désespoir et la trahison de Judas.
Quelle nuit ! Quelle sainte nuit ! La plus grande de toutes
les nuits ! La nuit du plus grand miracle, du plus grand amour de Jésus !
Son divin Cœur était uni à ceux qui lui étaient si chers.
Pour pouvoir partir, il lui fallait rester parmi eux ; pour monter au ciel, il
lui fallait rester sur la terre ; son divin Amour l’y obligeait.
J’aimerais pouvoir éclaircir toutes ces choses, mais je ne le
peux pas, je n’en suis pas capable.
Le regard halluciné du mauvais disciple est resté imprimé
dans mon cœur, comme aussi le silence profond de nostalgique congé.
L’amertume de mon âme ne pouvait pas être plus grande.
Chaque moment qui passe est une éternité. J’ai l’impression
d’être toujours au même endroit. Le ciel ne vient pas.
Seule le vendredi, une fois passé, revient très vite. Je
pourrais presque dire qu’il est toujours présent.
J’ai passé la nuit en agonie au Jardin des Oliviers. Quelle
triste solitude ! Le ciel paraissait se révolter contre la terre ingrate.
J’entendais le bruit de la foule et le résonner des armes.
À l’intérieur de moi j’ai entendu quelqu’un qui était tout
proche dire :
— Mon ami, pourquoi es-tu venu ?
Ô douces paroles ! Ô douceur, tendresse et amour de Jésus !
Quelques heures se sont passées et tout reste encore imprimé
en moi. Mon corps est très épuisé à cause de l’agonie, de la prison, de la
flagellation, des épines, des mauvais traitements et le chemin du Calvaire...
Arrivée en haut, je me suis transformé en la montagne même,
en la croix, en Jésus. Combien de sentiments, combien de douleurs, combien
d’amour ! Amour qui embrassait toute l’humanité, amour qui contraignait à tant
de douleur, au versement de tout le sang.
Ah si je pouvais rendre clairement, comme clairement je l’ai
vécu ce que Jésus et la Sainte Vierge ont souffert !
(...)
Jésus m’a dit :
— Tu es pleine de grâce, ma
fille, parc que Jésus est avec toi. Tu es pleine de lumière, de pureté et
d’amour, parce que le Saint-Esprit est descendu du ciel sur toi. Il habitait
déjà en toi, mais maintenant, plus que jamais il s’est répandu en toi ; en toi
comme jadis sur les apôtres. A partir de maintenant, tu auras des lumières pour
comprendre pleinement l’étendue de mon amour, de ma puissance, de ma miséricorde
et de la gravité de la faute contre mon divin Cœur...
Je désire vivement que ta vie
soit connue ; mais elle ne pourra l’être sans une grande souffrance, immolation
et sacrifice.
(...)
L’heure est arrivée : que la
lumière soit, que la lumière se fasse. Le monde a faim de ma vie cachée en toi.
Demande prière, réparation,
changement de vie. Demande-le ! Pour que cela se fasse, il faut le demander ;
pour le demander il faut connaître mes désirs.
Hâtez-vous ! Hâtez-vous !
Faites pénitence ! Faites réparation pour le péché de chair. L’impureté est la
fenêtre ouverte à tous les péchés graves. Que le monde se convertisse ! Pauvre
monde s’il ne se convertit pas bientôt...
Tu recevras tout de moi, pour
tout donner aux âmes. Tu appartiens à Jésus, tu vis de Jésus ! Donne aux âmes ce
qui appartient à Jésus.
(...).
Depuis vendredi
je
sens dans ma tête une forte lumière qui se reflète dans mon cœur avec la même
intensité. Je sens en même temps être comme une tour d’une hauteur inimaginable
depuis laquelle, cette lumière illumine le monde entier.
Cette lumière nage dans une mer de souffrances, dans une mer
obscure. La mer c’est moi, la souffrance est la mienne, et même la nuit est la
mienne.
La lumière ne m’appartient pas: elle appartient au monde;
elle est pour le monde.
Certaines fois je me fatigue et je reste broyée à cause des
nombreuses choses que cette lumière me montre.
Mon Dieu, qu’elle horreur dans le monde ! Comme il coure vers
la perdition ! Mais il est à moi, je me sens comme sa mère ! Je ne peux pas
supporter qu’il se perde à cause de ses désordres. Mon âme le voit parcourant
toutes les routes qui mènent à la perdition. Ah, mon Dieu, que dois-je faire ?
J’ai déjà tout donné, et pourtant j’ai l’impression de ne pas avoir tout fait
pour le sauver. J’ai tout donné et tout fait sans avoir le sentiment d’être sa
mère, et maintenant [que je me sens sa mère], ma douleur est grande de n’avoir
plus rien à donner à Jésus pour le monde.
Quelqu’un pourra-t-il comprendre cette souffrance ? Ce que
j’en souffre, seul Jésus le sait. O cœurs, ô cœurs du monde entier, si vous
compreniez combien Jésus vous aime !...
Lundi, avant même que je reçoive mon Jésus, Deolinda m’a
prévenue que la jeune fille qui avait vécu avec nous désirait me visiter. Je
désirais ardemment cette réconciliation, non pas que je me sente coupable, mais
parce que j’étais d’avis qu’entre personnes pieuses il ne devait pas subsister
de dissensions, des motifs de mauvais exemple qui déplaisent à Jésus.
Jusqu’à présent, à la pensée d’une rencontre avec quelqu’un
qui m’avait tant fait souffrir, même involontairement et sans bien réfléchir,
j’avais l’impression que j’en aurais reçu un coup au cœur. Je désirais une telle
rencontre mais je craignais ne pas résister. Quand ma sœur m’en a parlé, Jésus a
transformé mon âme: je n’ai plus eu cette impression à l’égard de cette
personne; je suis restée indifférente comme devant quelque chose qui ne m’aurait
pas intéressée.
Lors de la Communion j’ai confié cette affaire à Jésus, lui
demandant de la résoudre selon sa divine Volonté. J’ai passé la journée dans
l’inquiétude de ne pas faire la volonté du Seigneur et avec un accroissement de
souffrances.
Aujourd’hui il m’a été confirmé que peut-être, dans la
matinée, après la Communion, j’aurais la visite annoncée. Je me suis alors
tournée vers le Cœur de Jésus:
— Faites que je la reçoive avec la bonté et l’amour de
votre divin Cœur. Donnez-moi votre humilité. Faites que j’oublie les souffrances
causées, comme je désire aussi que vous oubliiez mon ingratitude envers vous.
— Petite-Maman, par votre agonie auprès de la Croix, par
vos douleurs, faites que je me comporte de manière à procurer à Jésus toute
consolation et que cela soit un grand profit pour les âmes.
J’ai reçu la jeune fille avec le sourire et avec la plus
grande mansuétude possible, en me faisant une très grande violence. Le cœur en
était suffoqué et des fois j’avais du mal à parler et à respirer.
Je lui ai fait comprendre son comportement méchant et, quand
elle m’a demandé pardon je lui ai dit :
— Je ne demande pas au Seigneur qu’il te punisse, bien au
contraire, je ne souhaite pas qu’il te punisse. Je veux tout oublier, comme je
désire que Lui, il oublie mes ingratitudes et celles du monde entier.
Mon cœur a été rempli de compassion pour elle et je lui ai
pardonné de toute mon âme. J’ai vu en elle le Seigneur.
Je n’ai pas eu un moment de joie, parce qu’il m’a semblé que
l’affaire ne me concernait pas...
(...)
Je sens que la tour qui s’élève à l’intérieur de moi
est de plus en plus haute. L’artiste chargé de l’œuvre n’arrête pas de
travailler. A quelle hauteur je suis montée, étant donné que je monte en haut de
cette tour, ou mieux, je suis moi-même la tour !
La lumière monte avec moi. Je suis exténuée à force de
monter.
La lumière est celle du monde et non la mienne. Elle sert à
l’illuminer et à me permettre de le voir. Mais elle reste si bas ! J’évalue la
distance du ciel à la terre. Oh, dans quel état je vois le monde ! Cette lumière
ne laisse rien occulte; elle pénètre au plus intime et fait que moi-même j’y
pénètre.
Quelle misère dans les âmes ! Quelle fange recouvre les corps
et s’étend à toute l’humanité ! Quelle horreur !
O monde, dans quel état je te vois ! Plus la tour monte plus
la lumière éclaire ; plus le monde est dans la fange et plus mon cœur souffre...
(...)
J’ai ressenti que Quelqu’un avec un amour fou, avec un amour
de Mère, allait de rue en rue, aveuglée par la douleur, afin de voir où elle
pouvait me rencontrer.
Le vacarme était épouvantable.
Revêtue d’habits royaux, mais par moquerie, on mit entre mes
mains une canne. Quelle barbarie contre moi ! Ils étaient très nombreux ceux qui
s’ingéniaient à inventer des tourments pour me maltraiter avec une plus grande
cruauté. Le long du chemin du Calvaire ce n’étaient que hurlements et
imprécations derrière moi. Ce n’étaient pas des cris de douleur mais de haine ;
ce n’étaient qu’injures. Mais il y avait aussi Quelqu’un qui pleurait et qui
s’affligeait à cause de moi ; Quelqu’un qui voulait me consoler, me procurer du
soulagement et guérir mes plaies. Ce Quelqu’un me causait plus de souffrance :
c’était une souffrance unie à la mienne, c’était une souffrance qui ne pouvait
adoucir la mienne. La Petite-Maman... combien n’a-t-Elle pas souffert avec
Jésus !
Sur le Calvaire et sur la Croix, Jésus et Marie n’avaient
qu’un seul Cœur, une seule âme, une seule douleur, un seul amour. Jésus était
abandonné et la Maman chérie se trouvait elle aussi abandonnée en regardant
impuissante l’état de son Fils.
Si le monde connaissait et pouvait comprendre ceci, il ne
pécherait pas.
Jésus était en croix, mais à l’intérieur de mon cœur.
Au cri de “Mon Père, pourquoi m’avez-vous abandonné ?” je
disais dans mon cœur :
— “Regarde, monde, regarde dans quel état tu m’as réduit par
ta méchanceté !”
Je l’ai entendu confier son Âme au Père éternel. Avec quelle
joie elle quitta son très saint Corps et fut reçu au ciel !
Déjà en union avec mon Jésus,
je l’ai vu en croix, mais à l’intérieur de moi, verser ce qui lui restait de son
précieux Sang dans son divin Cœur déjà ouvert, et verser enfin quelques gouttes
d’eau.
Il m’a dit :
— Le pécheur endurci et affolé
par les passions est éloigné de moi, très éloigné... Viens, ma fille, viens à
ton Jésus pour recevoir la médecine, la vie et la lumière pour les conduire à
moi...
— Ô Jésus, c’est seulement avec
la lumière de votre divin Amour que je peux leur donner lumière. J’ai soif, une
grande soif de vous donner des âmes, beaucoup d’âmes !
— Ta soif c’est la mienne :
rassasie-moi...
(...).
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